Efficacité de l’Ocrelizumab dans la Sclérose en Plaques Progressive Primaire : Une Étude Multicentrique et Rétrospective en Monde Réel

Efficacité de l’ocrelizumab dans la sclérose en plaques primaire progressive : une étude multicentrique et rétrospective du monde réel

Contexte et motivation de l’étude

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique, complexe, inflammatoire et dégénérative de démyélinisation, qui affecte principalement le système nerveux central (SNC), provoquant des déficits neurologiques dus à des lésions de la moelle épinière, du tronc cérébral, des nerfs optiques, du cervelet et du cerveau. La sclérose en plaques primaire progressive (SEP-PP) est un sous-type rare de SEP, représentant 10 à 15 % des patients, caractérisée par une progression dès l’apparition de la maladie, souvent accompagnée de déficits moteurs, d’une ataxie cérébelleuse et de symptômes du tronc cérébral. Cette maladie est considérée comme très invalidante et présente un besoin médical non satisfait.

Malgré les avancées récentes dans le traitement de la SEP, l’efficacité des traitements existants pour ralentir la progression du handicap chez les patients SEP-PP, en particulier ceux présentant une faible activité de la maladie ou une longue durée de maladie, reste limitée. L’ocrelizumab est un anticorps monoclonal humanisé recombinant capable de cibler sélectivement les cellules B exprimant le CD20, et a montré un potentiel thérapeutique chez les patients SEP-PP dès ses premières phases de développement. Cependant, les essais cliniques de phase III ORATORIO se sont concentrés uniquement sur les patients de moins de 55 ans avec un score de l’échelle de statut de handicap étendu (EDSS) ne dépassant pas 6,5, laissant un vide de recherche concernant les patients plus âgés ou ayant une maladie plus avancée.

Le principal objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité clinique de l’ocrelizumab chez les patients SEP-PP ne répondant pas aux critères d’inclusion de l’essai ORATORIO dans des conditions réelles.

Méthodologie de l’étude

Cette étude a été réalisée en collaboration avec plusieurs centres de traitement de la SEP en Italie, en adoptant un design multicentrique rétrospectif pour collecter des données sur les patients SEP-PP traités par ocrelizumab de mai 2017 à juin 2022. Les données ont été extraites du registre italien de la sclérose en plaques (Italian MS Registry) ainsi que des dossiers des patients dans le programme MA30130.

Groupement des patients et analyse des données

  1. Critères de groupement : Les patients ont été répartis en deux groupes selon qu’ils répondaient ou non aux critères de l’essai ORATORIO :

    • Groupe ORATORIO : Patients satisfaisant les critères (par exemple, âge entre 18 et 55 ans, score EDSS de 3,0 à 6,5, durée de la maladie inférieure à la limite spécifiée).
    • Groupe non-ORATORIO : Patients ne satisfaisant pas les critères susmentionnés.
  2. Analyse statistique :

    • Les critères d’inclusion comprenaient des patients adultes ayant reçu au moins 4 traitements et disposant d’au moins 3 évaluations EDSS.
    • La méthode de Kaplan-Meier a été appliquée pour estimer le risque cumulé de détérioration du score EDSS à 12 et 24 mois.
    • Le modèle de risques proportionnels de Cox a été utilisé pour analyser les facteurs influençant la progression du handicap.

Principaux résultats de l’étude

Caractéristiques et répartition de base

L’étude a inclus 589 patients, dont 149 (25,3 %) dans le groupe ORATORIO et 440 (74,7 %) dans le groupe non-ORATORIO. Les patients du groupe non-ORATORIO avaient un âge moyen plus élevé (52,1 ans vs 42,4 ans, p < 0,001) et une durée de maladie plus longue (157,2 mois vs 68,4 mois, p < 0,001).

Risque de progression du handicap

  1. Analyse globale :

    • Aucune différence significative n’a été observée dans les probabilités de détérioration du score EDSS à 12 et 24 mois entre les groupes ORATORIO et non-ORATORIO (p > 0,05).
    • Les patients de plus de 65 ans dans le groupe non-ORATORIO présentaient un risque accru de progression du handicap (HR=2,51, 95% CI 1,07–3,65, p = 0,01).
  2. Analyse par sous-groupes :

    • Les patients âgés de plus de 65 ans présentaient une proportion significativement plus élevée de détérioration du score EDSS à 12 mois et 24 mois comparés aux autres groupes d’âge (43,6% vs 9,5%, p < 0,001).
    • Aucune différence significative n’a été observée dans la progression du handicap entre les patients avec une durée de maladie supérieure à 10 ans par rapport à ceux avec une durée de maladie plus courte (p > 0,05).
  3. Activité de la maladie :

    • La présence d’une rechute clinique ou d’une activité sur IRM n’a pas été associée à une différence significative dans l’effet du traitement.

Analyse multivariée

Dans l’analyse de régression de Cox, l’âge est apparu comme un facteur prédictif indépendant. Les patients de plus de 65 ans avaient un risque significativement plus élevé de progression du handicap, tandis que le score EDSS et la durée de la maladie n’affectaient pas significativement le risque de progression.

Importance et valeur de l’étude

  1. Valeur scientifique :

    • Cette étude est la première à valider, dans un contexte réel, l’efficacité de l’ocrelizumab chez les patients SEP-PP qui ne répondent pas aux critères de l’essai ORATORIO, comblant une lacune importante dans la recherche.
    • Elle fournit de nouvelles perspectives sur l’impact de l’âge, de la durée de la maladie et de l’activité de la maladie sur l’effet du traitement, apportant ainsi des informations essentielles pour élaborer des directives thérapeutiques plus larges.
  2. Valeur clinique et pratique :

    • Les résultats indiquent que l’ocrelizumab pourrait être bénéfique pour les patients SEP-PP de moins de 65 ans, qu’ils répondent ou non aux critères ORATORIO.
    • Pour les patients plus âgés, une évaluation minutieuse des risques et bénéfices du traitement est nécessaire en raison de l’impact potentiel de l’immunosénescence sur l’efficacité du traitement.
  3. Limites et orientations futures :

    • Le design rétrospectif de l’étude peut introduire des biais de sélection.
    • La limitation de l’EDSS comme mesure de résultat clinique souligne le besoin de développer des critères d’évaluation plus complets.
    • Des études prospectives sont recommandées pour évaluer la sécurité et l’efficacité à long terme de l’ocrelizumab chez les patients âgés.

Conclusion

L’ocrelizumab, en tant que premier traitement modificatif de la maladie approuvé pour la SEP-PP, a démontré dans cette étude un potentiel d’utilisation efficace et applicable dans des populations de patients plus larges. Les résultats de cette recherche suggèrent d’élargir l’utilisation potentielle de cet agent puissant, en particulier chez les patients de moins de 65 ans, indépendamment du respect des critères ORATORIO initiaux. Des études futures devraient être menées pour évaluer plus précisément sa sécurité et son efficacité chez les patients âgés afin d’optimiser le traitement personnalisé.