Score de risque polygénique du glaucome primaire à angle ouvert et risque d'apparition de la maladie : une analyse post-hoc d'un essai clinique randomisé

Score Polygénique de Risque pour le Glaucome Primaires à Angle Ouvert et Risque de Déclenchement de la Maladie : Une Analyse Post Hoc d’un Essai Clinique Randomisé

Contexte Académique

Le glaucome primitif à angle ouvert (Primary Open-Angle Glaucoma, POAG) est la forme la plus courante de glaucome, souvent associée à une élévation de la pression intraoculaire (PIO). Le glaucome est une neuropathie optique irréversible qui, sans traitement rapide, peut mener à une perte de vision. Bien que des traitements médicamenteux abaissant la PIO puissent retarder ou prévenir l’apparition du POAG, tous les patients présentant une hypertension oculaire ne développent pas cette maladie. Ainsi, distinguer les patients à haut risque nécessitant une intervention précoce de ceux à faible risque, chez qui un traitement excessif pourrait être évité, constitue un enjeu crucial en pratique clinique.

Les scores polygéniques de risque (Polygenic Risk Scores, PRS) permettent d’évaluer le risque d’une maladie à partir de l’effet cumulatif de multiples variations génétiques. Les PRS ont prouvé leur potentiel dans le stratification du risque pour diverses maladies, notamment en identifiant les individus à faible risque. Toutefois, leur application au POAG reste peu explorée. Cette étude vise à évaluer l’utilité des PRS pour identifier les individus présentant un faible risque de POAG et examine l’efficacité des interventions précoces pour les individus stratifiés selon leur PRS et d’autres modèles de risque clinique.

Origine de l’Étude

Cet article a été rédigé par Sayuri Sekimitsu, Nabil Ghazal, Kanza Aziz, et d’autres co-auteurs affiliés à des établissements de renom tels que Tufts University School of Medicine, Massachusetts Eye and Ear, et Harvard Medical School. Publié en ligne dans la revue JAMA Ophthalmology le 7 novembre 2024, le titre de l’article est : Score Polygénique de Risque pour le Glaucome Primaires à Angle Ouvert et Risque de Déclenchement de la Maladie : Une Analyse Post Hoc d’un Essai Clinique Randomisé.

Méthodologie de l’Étude

Jeu de Données Utilisé

Les données étudiées proviennent de la Ocular Hypertension Treatment Study (OHTS), une étude clinique randomisée multicentrique menée dans 22 centres aux États-Unis. Menée sur une période allant de février 1994 à avril 2019, cette étude a recruté 1636 participants présentant une hypertension oculaire. Parmi eux, 1077 disposaient de données génétiques exploitables. Après exclusion de 67 participants pour cause de données manquantes ou non-européennes/non-africaines, 1010 individus ont été inclus dans les analyses.

Calcul du PRS pour le POAG

Le PRS a été calculé en se basant sur les statistiques récapitulatives d’une méta-analyse large sur le POAG réalisée dans différentes populations. La méthode statistique lassosum a été utilisée pour établir les scores, qui ont été normalisés au sein de chaque groupe ancestral défini génétiquement. Une valeur seuil pour le PRS a été déterminée en maximisant l’indice de Youden, afin de prédire de manière optimale l’apparition du POAG à la fin des 20 ans de suivi.

Analyse Statistique

Les analyses ont impliqué un modèle mixte de régression de Cox à risques proportionnels et des courbes de survie de Kaplan-Meier stratifiées. Ces méthodes ont permis de prédire le risque d’apparition du POAG et d’évaluer la probabilité de survie sans maladie. Les analyses ont été effectuées avec le logiciel R, conformément aux lignes directrices de rapportage CONSORT.

Résultats Principaux

PRS et Risque d’Apparition du POAG

Sur 1010 participants (dont 65,8 % de femmes, âge moyen : 55,9 ans), ceux ayant un PRS inférieur au 48ᵉ centile présentaient une probabilité de survie sans maladie 1,49 fois plus élevée (95 % CI, 1,04-2,15 ; p = 0,03) au bout de 20 ans, comparés aux individus à haut risque génétique (PRS élevé). Cette différence était particulièrement marquée dans le groupe de participants initialement classés à haut risque clinique selon l’OHTS : les taux d’incidence du POAG à 20 ans étaient de 23,8 % dans le groupe à faible PRS, contre 61,1 % dans le groupe à haut risque génétique (p = 0,01).

Effet de l’Intervention Précoce

Chez les individus randomisés pour recevoir un traitement précoce, les taux de survenue du POAG étaient plus faibles dans le groupe à faible PRS. Les taux étaient respectivement de 3,2 %, 6,2 % et 7,1 % après 10, 15 et 20 ans pour les faibles PRS, contre 6,8 %, 13,7 % et 15,2 % pour les PRS élevés. Ces résultats suggèrent que le traitement précoce réduit l’impact du risque génétique élevé mais offre peu d’avantages pour les patients considérés comme génétiquement à faible risque.

Combinaison du PRS avec le Modèle Clinique de l’OHTS

L’ajout du PRS au modèle clinique de risque de l’OHTS a amélioré les prédictions globales. L’aire sous la courbe ROC (AUC) a significativement augmenté, passant de 0,67 à 0,72 (p < 0,001), ce qui renforce la valeur ajoutée du PRS pour la stratification du risque.

Conclusion et Implications

Cette étude montre que l’utilisation des PRS pour le POAG permet d’identifier les patients à faible risque, ces derniers présentant des taux de survenue du POAG nettement réduits sur 20 ans. Les résultats suggèrent que les patients présentant un PRS faible peuvent bénéficier d’une surveillance réduite ou d’interventions plus limitées, ce qui pourrait alléger la charge des systèmes de santé.

En revanche, les patients combinant un PRS élevé et d’autres facteurs cliniques à haut risque bénéficieront davantage de traitements précoces. Cela souligne l’importance d’une approche combinée, intégrant PRS et facteurs de risque cliniques, pour améliorer les décisions thérapeutiques et la répartition des ressources médicales.

Points Forts de l’Étude

  1. Intégration Innovante du PRS : Cette étude est l’une des premières à souligner l’utilité des scores polygéniques pour identifier les individus à faible risque de POAG.
  2. Réduction du Surdiagnostic et des Traitements Inutiles : En identifiant les patients peu susceptibles de développer un glaucome cliniquement significatif, cette approche pourrait limiter les interventions superflues et leur impact financier.
  3. Application Potentielle en Médecine Personnalisée : Le PRS pourrait contribuer à une personnalisation accrue des stratégies de prévention et de traitement, réduisant ainsi la surcharge des systèmes de soins.

Limites

Parmi les limites, on note la taille relativement restreinte de l’échantillon ayant des données génétiques exploitables, ainsi que la concentration de l’évaluation sur les populations européennes et africaines, limitant ainsi la généralisation des résultats à d’autres populations. De plus, les mesures structurelles utilisées dans l’OHTS ne reflètent pas nécessairement les pratiques cliniques modernes intégrant les technologies comme la tomographie par cohérence optique (OCT).

Conclusion Finale

Cette étude met en lumière l’utilité des PRS lorsqu’ils sont combinés à des facteurs cliniques connus pour prédire le risque de glaucome. En s’appuyant sur ces résultats et avec l’avancée des technologies génétiques, le PRS pourrait devenir un outil clé pour optimiser les schémas de traitement et améliorer les résultats cliniques, tout en réduisant les coûts et la charge globale sur les systèmes de santé.