Disparités raciales dans les taux de détection génétique des maladies rétiniennes héréditaires
Disparités raciales dans les taux de détection génétique des maladies rétiniennes héréditaires
Contexte académique
Les maladies rétiniennes héréditaires (Inherited Retinal Diseases, IRDs) sont un groupe de maladies dégénératives de la rétine causées par des mutations génétiques, pouvant entraîner une perte de vision voire la cécité. Avec les avancées dans la découverte des gènes et les technologies de séquençage de l’ADN de nouvelle génération, de plus en plus de patients peuvent obtenir un diagnostic génétique clair grâce aux tests génétiques. Ces diagnostics sont essentiels non seulement pour confirmer la maladie et prédire le pronostic, mais aussi pour fournir des conseils génétiques, des décisions reproductives et des opportunités de participer à des essais cliniques. Cependant, on ignore si les taux de détection des plateformes de tests génétiques actuels sont cohérents entre les différents groupes raciaux. Dans le domaine de la génétique du cancer, des études ont montré que les personnes d’ascendance africaine obtiennent plus fréquemment des résultats incertains lors des tests génétiques pour les gènes BRCA1/BRCA2 du cancer du sein. Cependant, dans les études sur les IRDs, peu de recherches ont divulgué la composition raciale des participants, et encore moins ont comparé les taux de détection génétique entre patients de différentes origines raciales.
Ainsi, cette étude vise à explorer les différences de taux de détection génétique entre les patients noirs et blancs non hispaniques atteints d’IRDs, et à analyser l’impact de la race, de l’âge, du sexe, du phénotype et de la taille du panel de gènes sur ces taux. Cette recherche est cruciale pour comprendre l’efficacité des tests génétiques dans différents groupes raciaux, surtout dans un contexte où les traitements futurs se développent rapidement, afin de garantir que tous les patients aient un accès équitable au diagnostic génétique et aux options thérapeutiques.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Rebhi O. Abuzaitoun, Kari H. Branham, Gabrielle D. Lacy et plusieurs autres auteurs, issus de plusieurs institutions de recherche, dont l’Université du Michigan (University of Michigan) et Blueprint Genetics. L’article a été publié en ligne le 7 novembre 2024 dans la revue JAMA Ophthalmology, avec le DOI 10.1001/jamaophthalmol.2024.4696.
Conception et méthodologie de l’étude
Conception de l’étude
Cette étude est une série de cas rétrospective, basée sur des données provenant de deux institutions : l’Université du Michigan (UM) et Blueprint Genetics (BG). Les données de l’UM ont été collectées entre le 30 octobre 2013 et le 26 octobre 2022. L’étude a inclus 572 patients, dont 295 hommes (51,6 %), avec un âge moyen de 45 ans. Parmi eux, 54 patients étaient noirs (9,4 %) et 518 étaient blancs (90,6 %). L’objectif principal de l’étude était de comparer les taux de détection génétique entre les patients noirs et blancs atteints d’IRDs.
Collecte et traitement des données
Dans la collecte des données de l’UM, les critères d’inclusion étaient : 1) un diagnostic clinique d’IRDs ; 2) un test génétique large panel ; 3) le patient et ses deux parents s’identifiant comme étant de la même race (noire ou blanche non hispanique). Les données ont été obtenues via les dossiers médicaux électroniques, incluant l’âge, le sexe, la race, le phénotype, les résultats des tests génétiques et le nombre de gènes testés. Les résultats des tests génétiques étaient classés comme positifs (détection de variants pathogènes ou probablement pathogènes), négatifs (aucun variant détecté) ou indéterminés (détection de variants de signification incertaine).
Dans la base de données de BG, l’étude a inclus 320 patients noirs et 2931 patients blancs, comparant les taux de détection génétique entre les deux groupes. Les méthodes d’analyse statistique incluaient la régression logistique et le test du chi carré.
Résultats principaux
Analyse des données de l’Université du Michigan
Parmi les 572 patients de l’UM, 389 (68 %) ont obtenu un résultat positif au test génétique. Le taux de détection positif était significativement plus faible chez les patients noirs que chez les patients blancs (38,9 % contre 71 %, p < 0,001). De plus, pour chaque augmentation de 10 ans de l’âge, le taux de détection positif diminuait de 16 % (OR = 0,84, IC à 95 % : 0,76-0,92, p < 0,001). L’analyse par phénotype a montré que les patients atteints de dystrophie des cônes/bâtonnets avaient un taux de détection positif significativement plus faible que ceux atteints de dystrophie des bâtonnets/cônes (OR = 0,45, IC à 95 % : 0,27-0,73, p = 0,001).
Analyse des données de Blueprint Genetics
Parmi les 3251 patients de BG, 320 étaient noirs (9,7 %). Le taux de détection positif chez les patients noirs était de 44,4 %, significativement plus faible que celui des patients blancs (57,7 %, χ2 = 18,65, p < 0,001).
Discussion et conclusion
Impact des disparités raciales
Cette étude a révélé que les patients noirs avaient un taux de détection positif significativement plus faible que les patients blancs dans les tests génétiques pour les IRDs. Ce résultat est cohérent avec les études précédentes, suggérant que les outils de tests génétiques actuels sont moins efficaces dans la population noire. Cela pourrait être dû à la fréquence plus faible de certains variants génétiques dans cette population ou à un manque de recherche approfondie sur ces variants. De plus, les patients plus âgés et ceux atteints de dystrophie des cônes/bâtonnets avaient également des taux de détection positifs plus faibles.
Limites de l’étude
Cette étude présente certaines limites. Tout d’abord, les panels de tests génétiques et les méthodes de détection varient entre les laboratoires, ce qui pourrait affecter la cohérence des résultats. Ensuite, la taille de l’échantillon de patients noirs était relativement faible, ce qui pourrait limiter la puissance statistique de l’analyse. Enfin, l’étude n’a pas inclus d’autres groupes raciaux, et des recherches futures devront élargir l’échantillon pour valider ces résultats.
Importance de l’étude
Cette étude met en lumière les disparités raciales dans les tests génétiques pour les IRDs, en particulier le taux de détection plus faible chez les patients noirs. Alors que les traitements futurs se développent, il est crucial de garantir que tous les patients aient un accès équitable au diagnostic génétique et aux options thérapeutiques. Les résultats suggèrent que les futures plateformes de tests génétiques devront accorder plus d’attention aux variants génétiques des minorités pour améliorer l’exactitude et l’équité des tests.
Points forts de l’étude
- Première étude systématique sur les disparités raciales : Cette étude est la première à comparer systématiquement les taux de détection génétique entre patients noirs et blancs atteints d’IRDs, comblant ainsi une lacune dans ce domaine de recherche.
- Impact de l’âge et du phénotype : L’étude a montré que les patients plus âgés et ceux atteints de dystrophie des cônes/bâtonnets avaient des taux de détection positifs plus faibles, fournissant des informations précieuses pour le diagnostic clinique futur.
- Besoin d’amélioration des plateformes de tests génétiques : Les résultats suggèrent que les plateformes de tests génétiques actuelles sont moins efficaces pour les minorités, et des améliorations technologiques sont nécessaires pour garantir l’équité.
Conclusion
Cette étude montre que les patients noirs ont un taux de détection positif significativement plus faible que les patients blancs dans les tests génétiques pour les IRDs, et que les patients plus âgés et ceux atteints de dystrophie des cônes/bâtonnets ont également des taux de détection plus faibles. Ces résultats soulignent les disparités raciales dans les tests génétiques et la nécessité d’améliorer les technologies de détection pour garantir un accès équitable au diagnostic génétique et aux options thérapeutiques pour tous les patients.