Souris à queue en brosse chilienne (Octodon degus) : Un rongeur diurne précoce comme nouveau modèle pour étudier les propriétés des champs récepteurs visuels des neurones du colliculus supérieur

Le Dègue du Chili (Octodon degus) comme nouveau modèle pour étudier le système visuel

Contexte académique

L’étude du système visuel a toujours été un sujet important dans le domaine des neurosciences. Traditionnellement, les scientifiques utilisent des rongeurs nocturnes ou crépusculaires (comme les hamsters, les rats et les souris) comme modèles pour étudier le développement et la fonction du système visuel. Cependant, le système visuel de ces animaux est relativement simple et présente des différences significatives par rapport à celui des mammifères diurnes comme les humains. Pour élargir le champ de recherche, les scientifiques ont commencé à chercher des modèles animaux plus proches du système visuel humain. Le dègue du Chili (Octodon degus), un rongeur diurne et précoce, possède une rétine riche en cônes et une structure rétinienne hautement développée, ce qui en fait un modèle potentiel pour la recherche.

L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les propriétés physiologiques visuelles du dègue du Chili, en particulier les réponses visuelles et les propriétés des champs récepteurs (receptive fields, RF) des neurones du colliculus supérieur (superior colliculus, SC). En comparant les caractéristiques visuelles du dègue du Chili avec celles d’autres rongeurs de laboratoire couramment utilisés, les chercheurs espéraient révéler les particularités de son système visuel et explorer son potentiel dans l’étude du développement du système visuel.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Natalia I. Márquez, Alfonso Deichler, Pedro Fernández-Aburto, Ignacio Perales, Juan-Carlos Letelier, Gonzalo J. Marín, Jorge Mpodozis et Sarah L. Pallas. L’équipe de recherche provient de l’Université du Chili (Universidad de Chile), de l’Université Finis Terrae (Universidad Finis Terrae) et de l’Université du Massachusetts à Amherst (University of Massachusetts-Amherst). L’article a été publié pour la première fois le 20 décembre 2024 dans le Journal of Neurophysiology.

Déroulement de la recherche

1. Préparation des animaux et conception expérimentale

L’étude a utilisé 13 dègues du Chili, élevés dans des conditions de laboratoire et soumis à des normes strictes de bien-être animal. L’expérience était divisée en deux parties principales : la collecte de données neuroanatomiques et l’enregistrement électrophysiologique.

Collecte de données neuroanatomiques

Les chercheurs ont marqué les projections rétiniennes en injectant des traceurs neuronaux (comme la sous-unité B de la toxine cholérique, CTB) dans les yeux. Après une période de survie de 5 à 7 jours, les animaux ont été perfusés et leurs cerveaux ont été sectionnés. En utilisant des méthodes immunohistochimiques, les chercheurs ont observé la distribution des projections rétiniennes et mesuré le volume des terminaisons rétiniennes à l’aide de méthodes stéréologiques.

Enregistrement électrophysiologique

Dans les expériences électrophysiologiques, les chercheurs ont enregistré l’activité neuronale du colliculus supérieur chez 9 dègues du Chili. Les animaux ont été anesthésiés et le colliculus supérieur a été exposé chirurgicalement. Des microélectrodes en tungstène ou des réseaux multielectrodes ont été utilisés pour enregistrer l’activité électrique des neurones. Les stimuli visuels ont été présentés sur un écran LCD, comprenant un carré blanc en mouvement, des grilles sinusoïdales, un disque noir en expansion (simulant un objet approchant) et un disque noir statique.

2. Traitement et analyse des données

Les signaux neuronaux enregistrés ont été filtrés par bande passante et traités par un algorithme de filtrage adaptatif pour éliminer le bruit de fond. Les neurones individuels ont été isolés et classés à l’aide de la transformée en ondelettes discrètes et de l’algorithme de clustering k-means. Les chercheurs ont utilisé des fonctions gaussiennes pour ajuster les champs récepteurs des neurones et calculer leur taille et leur forme. De plus, les réponses des neurones à la fréquence spatiale et au contraste ont été analysées.

Résultats principaux

1. Entrées rétiniennes et architecture cellulaire du colliculus supérieur

L’étude a révélé que le colliculus supérieur du dègue du Chili possède une structure hautement stratifiée, avec toutes les couches clairement identifiables. Les projections rétiniennes proviennent principalement de l’œil controlatéral et se distribuent densément dans les couches superficielles (stratum griseum superficiale, SGS) et la couche zonale (stratum zonale, SZ), tandis que les couches profondes (stratum griseum intermediale, SGI et stratum griseum profundus, SGP) reçoivent peu d’entrées rétiniennes.

2. Propriétés des champs récepteurs

Les chercheurs ont constaté que la taille des champs récepteurs des neurones du colliculus supérieur augmente avec la profondeur. Les neurones des couches superficielles ont des champs récepteurs plus petits, tandis que ceux des couches profondes ont des champs récepteurs plus grands. De plus, la forme des champs récepteurs change avec la profondeur, passant de circulaire dans les couches superficielles à elliptique dans les couches profondes.

3. Ajustement à la fréquence spatiale

La plupart des neurones du colliculus supérieur préfèrent les basses/moyennes fréquences spatiales (0,04 et 0,08 cycles/deg, cpd), mais certains neurones sont ajustés aux hautes fréquences spatiales (0,24 cpd). Cela indique que le dègue du Chili possède une acuité visuelle élevée.

4. Réponse au contraste

L’étude a montré qu’environ la moitié des neurones du colliculus supérieur présentent une réponse linéaire ou quasi linéaire au contraste, tandis que l’autre moitié montre une réponse saturée. Cela contraste avec les réponses non linéaires des rongeurs nocturnes, reflétant les caractéristiques du système visuel diurne du dègue du Chili.

5. Réponse aux objets approchants

Les neurones du colliculus supérieur montrent une augmentation continue de leur taux de décharge en réponse à un objet approchant, tandis qu’ils présentent une réponse typique “on-off” à un objet statique. Cela suggère que le colliculus supérieur possède un mécanisme neuronal pour identifier les objets en approche rapide, potentiellement lié à des comportements d’évasion.

Conclusion et signification

Cette étude est la première à décrire en détail les propriétés des réponses visuelles des neurones du colliculus supérieur du dègue du Chili, révélant une acuité visuelle élevée et des caractéristiques diurnes de son système visuel. Les résultats montrent que le dègue du Chili, en tant que rongeur diurne et précoce, possède une acuité visuelle élevée et une capacité de traitement visuel complexe, ce qui en fait un modèle idéal pour étudier le développement et la fonction du système visuel.

Points forts de la recherche

  1. Introduction d’un nouveau modèle : Le dègue du Chili, en tant que rongeur diurne, comble le fossé entre les rongeurs nocturnes et le système visuel humain.
  2. Haute acuité visuelle : L’étude a révélé que le dègue du Chili possède une acuité visuelle élevée, en particulier dans l’ajustement aux hautes fréquences spatiales.
  3. Réponse linéaire au contraste : Contrairement aux rongeurs nocturnes, les neurones du colliculus supérieur du dègue du Chili présentent des réponses linéaires ou quasi linéaires au contraste, reflétant les caractéristiques de son système visuel diurne.