Modélisation computationnelle de la construction du champ réceptif des cellules ganglionnaires naines dans la rétine des primates

Étude sur le modèle computationnel de la construction du champ réceptif des cellules ganglionnaires naines dans la rétine des primates

Contexte académique

La voie des cellules naines (midget pathway) dans la rétine des primates constitue la base de la haute résolution spatiale et de la perception des couleurs dans le système visuel. Une caractéristique clé de cette voie est l’organisation centre-périphérie (center-surround organization) du champ réceptif, où la réponse de la région centrale est antagonisée par celle de la région environnante. Bien que ce phénomène ait été largement étudié, deux questions clés restent sans réponse : premièrement, la réponse de la région périphérique est principalement ou entièrement due à la rétroaction négative des cellules horizontales (horizontal cells) sur les photorécepteurs (cones), ce qui contredit le mécanisme d’inhibition feedforward (feedforward inhibition) impliqué par le modèle populaire de différence de gaussiennes (difference of gaussians, DOG) ; deuxièmement, l’étendue spatiale des régions centrale et périphérique du champ réceptif peut-elle être prédite à partir de ses composants (comme l’optique, le champ réceptif des cellules horizontales et les dendrites des cellules ganglionnaires) ?

Pour résoudre ces problèmes, Manula A. Somaratna et Alan W. Freeman du Save Sight Institute de l’Université de Sydney ont mené une étude de modélisation computationnelle simulant le traitement du signal dans la voie des cellules naines de la rétine du macaque. Cette étude vise à révéler les mécanismes de construction du champ réceptif en analysant quantitativement la relation entre les propriétés de réponse connues des cellules ganglionnaires naines et les caractéristiques anatomiques et physiologiques des circuits rétiniens.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée conjointement par Manula A. Somaratna et Alan W. Freeman, issus du Save Sight Institute de l’Université de Sydney, en Australie. L’article a été publié pour la première fois le 12 décembre 2024 dans le Journal of Neurophysiology, avec le DOI 10.1152/jn.00302.2024.

Processus de recherche

1. Construction du modèle

L’équipe de recherche a construit un modèle computationnel simulant le traitement du signal des photorécepteurs aux cellules ganglionnaires naines. Le modèle comprend les étapes clés suivantes : - Optique et transduction lumineuse : Simulation de la lumière traversant le système optique de l’œil et convertie en signal électrique par les photorécepteurs. - Photorecepteurs (cones) : Simulation de la réponse des photorécepteurs au signal lumineux. - Cellules horizontales (horizontal cells) : Simulation de la rétroaction négative des cellules horizontales sur les photorécepteurs. - Cellules bipolaires (bipolar cells) : Simulation de la transmission du signal des photorécepteurs aux cellules ganglionnaires via les cellules bipolaires. - Cellules ganglionnaires (ganglion cells) : Simulation de la réponse des cellules ganglionnaires au signal des cellules bipolaires.

Le flux de signal dans le modèle est représenté par des fonctions gaussiennes (Gaussian functions), qui décrivent la diffusion spatiale du signal entre les cellules. L’équipe de recherche a également introduit un “modèle de rapport de gaussiennes” (ratio of gaussians, ROG) pour remplacer le modèle DOG traditionnel, décrivant mieux le mécanisme de rétroaction de l’organisation centre-périphérie.

2. Paramétrage du modèle

Tous les paramètres du modèle sont basés sur des données anatomiques et physiologiques publiées. Par exemple : - Facteur de grossissement rétinien : Fixé à 4,7 degrés/mm, basé sur les recherches de Perry et Cowey. - Densité des photorécepteurs : Basée sur les recherches de Croner et Kaplan, la densité des photorécepteurs varie avec l’excentricité (eccentricity). - Rayon des dendrites des cellules ganglionnaires : Basé sur les recherches de Wässle et al., le rayon des dendrites des cellules ganglionnaires augmente avec l’excentricité.

3. Validation du modèle

L’équipe de recherche a validé la précision du modèle en simulant des stimuli tels que des grilles sinusoïdales dérivantes (drifting sinusoidal gratings) et des impulsions lumineuses brèves (brief light pulses). Ils ont également comparé les performances des modèles ROG et DOG dans l’explication des interactions spatio-temporelles (spatiotemporal interactions) et des réponses aux impulsions (pulse responses).

Résultats principaux

1. Mécanisme de rétroaction de l’organisation centre-périphérie

L’étude a révélé que la rétroaction négative des cellules horizontales sur les photorécepteurs entraîne une réponse périphérique “divisive” plutôt que “soustractive”. Cette découverte diffère du modèle DOG traditionnel, qui suppose que les signaux des régions centrale et périphérique n’interagissent pas avant la soustraction.

2. Avantages du modèle ROG

Le modèle ROG peut non seulement expliquer les interactions spatio-temporelles, mais aussi mieux s’adapter aux réponses aux impulsions. Par rapport au modèle DOG, le modèle ROG présente les avantages suivants : - Représentation du mécanisme de rétroaction : Le modèle ROG inclut explicitement le mécanisme de rétroaction des cellules horizontales, alors que le modèle DOG l’ignore. - Explication des interactions spatio-temporelles : Le modèle ROG peut directement expliquer les réponses en fréquence spatio-temporelle, tandis que le modèle DOG nécessite un ajustement séparé des paramètres pour chaque fréquence temporelle. - Ajustement des réponses aux impulsions : Le modèle ROG peut s’adapter aux réponses des cellules ganglionnaires induites par des impulsions lumineuses brèves, alors que le modèle DOG ne peut pas traiter les données liées au temps ou à la fréquence temporelle.

3. Calcul du rayon du champ réceptif

L’équipe de recherche a découvert que les rayons des régions centrale et périphérique du champ réceptif peuvent être calculés à partir de la somme des carrés des rayons de leurs composants. Par exemple, le rayon central (rcen) peut être obtenu en prenant la racine carrée de la somme des carrés du rayon de la fonction de dispersion optique (ropt) et du rayon des dendrites des cellules ganglionnaires (rgang) : [ r{cen}^2 = r{opt}^2 + r_{gang}^2 ] Cette découverte fournit une nouvelle explication des caractéristiques spatiales du champ réceptif.

4. Antagonisme chromatique

Le modèle a également prédit l’antagonisme chromatique (chromatic antagonism) entre les régions centrale et périphérique, et a révélé comment cet antagonisme varie avec l’excentricité. L’étude a montré que le mécanisme central des cellules ganglionnaires près de la fovéa est généralement piloté par un seul type de photorécepteur, tandis que le mécanisme périphérique est piloté par plusieurs types de photorécepteurs.

Conclusions et signification

Cette étude a révélé, grâce à un modèle computationnel, les mécanismes de construction du champ réceptif des cellules ganglionnaires naines dans la rétine des primates, en particulier le mécanisme de rétroaction de l’organisation centre-périphérie. Les principales contributions de l’étude incluent : - Description quantitative du mécanisme de rétroaction : Première description quantitative, via un modèle computationnel, de la rétroaction négative des cellules horizontales sur les photorécepteurs. - Proposition du modèle ROG : Introduction du modèle ROG, fournissant un nouvel outil pour expliquer les interactions spatio-temporelles et les réponses aux impulsions. - Méthode de calcul du rayon du champ réceptif : Proposition d’une méthode pour calculer le rayon du champ réceptif à partir de la somme des carrés des rayons de ses composants, offrant une nouvelle perspective pour l’étude des caractéristiques spatiales du champ réceptif. - Prédiction de l’antagonisme chromatique : Le modèle a prédit avec succès les variations de l’antagonisme chromatique avec l’excentricité, offrant une nouvelle perspective pour la recherche sur la vision des couleurs.

Points forts de l’étude

  1. Révélation du mécanisme de rétroaction : L’étude a révélé pour la première fois, via un modèle computationnel, le mécanisme de rétroaction négative des cellules horizontales sur les photorécepteurs, résolvant le problème de l’incapacité du modèle DOG à expliquer la rétroaction.
  2. Avantages du modèle ROG : Le modèle ROG a excellé dans l’explication des interactions spatio-temporelles et des réponses aux impulsions, fournissant un nouvel outil pour la recherche sur le traitement du signal rétinien.
  3. Calcul du rayon du champ réceptif : L’étude a proposé une méthode pour calculer le rayon du champ réceptif à partir de la somme des carrés des rayons de ses composants, offrant une nouvelle approche pour l’étude des caractéristiques spatiales du champ réceptif.
  4. Prédiction de l’antagonisme chromatique : Le modèle a prédit avec succès les variations de l’antagonisme chromatique avec l’excentricité, offrant une nouvelle perspective pour la recherche sur la vision des couleurs.

Autres informations utiles

L’équipe de recherche a également souligné que les études futures pourraient explorer davantage les interactions entre les cellules horizontales et d’autres cellules rétiniennes, ainsi que la manière dont ces interactions influencent le traitement des signaux visuels. De plus, l’application du modèle ROG pourrait être étendue à d’autres types de cellules ganglionnaires rétiniennes, voire à d’autres systèmes sensoriels.

Cette étude offre non seulement une nouvelle perspective pour comprendre la construction du champ réceptif des cellules ganglionnaires naines dans la rétine des primates, mais ouvre également de nouvelles directions pour la recherche sur les modèles computationnels du traitement des signaux visuels.