Déficiences similaires, résultats différents : Perte de la succinate déshydrogénase dans les modèles de culture cellulaire de la médullosurrénale vs fibroblastes du paragangliome
Différentes manifestations de la perte de SDH dans les modèles de médullosurrénale et de fibroblastes
Contexte
La succinate déshydrogénase (Succinate Dehydrogenase, SDH) est une enzyme clé du cycle des acides tricarboxyliques (cycle TCA) et de la chaîne de transport d’électrons dans les mitochondries, responsable de l’oxydation du succinate en fumarate et de la participation au transfert d’électrons. La SDH est composée de quatre sous-unités (SDHA, SDHB, SDHC, SDHD), et la perte de fonction de l’une de ces sous-unités entraîne une perte d’activité enzymatique de la SDH, affectant ainsi le métabolisme énergétique cellulaire. La perte de fonction de la SDH est étroitement liée au développement de plusieurs tumeurs, en particulier les phéochromocytomes (Pheochromocytoma, PPGL) et les paragangliomes (Paraganglioma, PPGL). Ces tumeurs proviennent généralement des cellules paraganglionnaires dérivées de la crête neurale, et la perte de SDH entraîne une accumulation de succinate, inhibant ainsi plusieurs dioxygénases dépendantes du 2-oxoglutarate (dioxygenase), ce qui favorise finalement l’expression de gènes liés à l’angiogenèse et à la prolifération cellulaire.
Cependant, la raison pour laquelle la perte de SDH n’est tumorigène que dans les cellules neuroendocrines reste un mystère. Pour résoudre cette question, les chercheurs ont comparé deux modèles cellulaires de perte de SDH : des cellules chromaffines prématurées immortalisées dérivées de la médullosurrénale de souris (immortalized mouse chromaffin cells, IMCCs) et des fibroblastes embryonnaires de souris immortalisés (immortalized mouse embryonic fibroblasts, IMEFs), afin de révéler les mécanismes d’adaptation et les vulnérabilités de la perte de SDH dans différents types cellulaires.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Fatimah J. Al Khazal, Sanjana Mahadev Bhat et d’autres auteurs, avec une équipe de recherche provenant de plusieurs institutions, dont la Mayo Clinic et le Paris Cardiovascular Research Center. L’article a été publié en 2024 dans la revue Cancer & Metabolism sous le titre “Similar deficiencies, different outcomes: Succinate dehydrogenase loss in adrenal medulla vs. fibroblast cell culture models of paraganglioma”.
Processus et résultats de la recherche
1. Culture cellulaire et établissement des modèles de perte de SDH
L’étude a d’abord établi deux modèles cellulaires de perte de SDH : des IMCCs déficientes en SDHB et des IMEFs déficientes en SDHC. Grâce à la technologie de knock-out génétique, les chercheurs ont réussi à construire des lignées cellulaires déficientes en SDHB et SDHC, et ont validé la perte des protéines cibles par Western blot. De plus, la perte des sous-unités de la SDH a été confirmée par génotypage PCR.
2. Changements phénotypiques et métaboliques cellulaires
L’étude a révélé que la perte de SDH affecte significativement le phénotype et le métabolisme des cellules. Les IMCCs et IMEFs déficientes en SDH ont toutes deux montré un ralentissement de la prolifération cellulaire, une augmentation du volume cellulaire et des modifications du cycle cellulaire. En particulier, les IMCCs déficientes en SDH ont montré un allongement de la phase G1, tandis que les IMEFs ont montré un allongement de la phase G2, suggérant que les voies de réparation de l’ADN pourraient être affectées.
Grâce à une analyse métabolomique, les chercheurs ont découvert que les niveaux de succinate dans les cellules déficientes en SDH augmentaient significativement (environ 130 fois), tandis que les niveaux d’autres métabolites liés au cycle TCA diminuaient généralement. Il est à noter que les IMEFs déficientes en SDH ont montré une accumulation de lactate, contrairement aux IMCCs, ce qui suggère que les IMEFs dépendent davantage de la glycolyse pour maintenir leur approvisionnement énergétique.
3. Changements morphologiques et fonctionnels des mitochondries
En utilisant la microscopie électronique, les chercheurs ont observé que les mitochondries des IMCCs déficientes en SDH subissaient des changements morphologiques significatifs, se manifestant par un gonflement des mitochondries, une structure interne des crêtes floue et même l’apparition de corps denses aux électrons. En revanche, les changements morphologiques des mitochondries dans les IMEFs déficientes en SDH étaient plus légers. De plus, une analyse par microscopie tridimensionnelle a montré que la densité volumique des mitochondries dans les cellules déficientes en SDH diminuait globalement, bien que le volume des mitochondries restantes augmentait.
4. Adaptabilité métabolique et performance en conditions hypoxiques
Grâce à l’analyse du métabolisme énergétique cellulaire par Seahorse, les chercheurs ont découvert que les IMCCs déficientes en SDH conservaient un taux de consommation d’oxygène de base (OCR) relativement élevé en conditions normoxiques, tandis qu’en conditions hypoxiques, leur capacité métabolique était comparable à celle des cellules sauvages. En revanche, les IMEFs déficientes en SDH ont montré une capacité métabolique significativement réduite à la fois en conditions normoxiques et hypoxiques. Ces résultats suggèrent que les IMCCs peuvent maintenir une certaine capacité métabolique oxydative en conservant la fonction du complexe I (Complex I) après la perte de SDH, tandis que les IMEFs dépendent davantage de la glycolyse.
5. Analyse transcriptomique
Les résultats du séquençage de l’ARN ont montré que la perte de SDH provoquait des réponses transcriptomiques très différentes dans les IMCCs et les IMEFs. Dans les IMCCs, l’expression de plusieurs gènes codant pour les sous-unités du complexe I était régulée à la hausse, tandis que dans les IMEFs, aucun changement significatif n’a été observé. Cette découverte soutient davantage l’hypothèse selon laquelle les IMCCs maintiennent leur adaptabilité métabolique en régulant à la hausse les gènes liés au complexe I.
Conclusions et implications
Cette étude, en comparant les IMCCs et les IMEFs déficientes en SDH, a révélé les différentes manifestations de la perte de SDH dans différents types cellulaires. Les IMCCs peuvent maintenir une certaine adaptabilité métabolique en conservant la fonction du complexe I après la perte de SDH, tandis que les IMEFs dépendent davantage de la glycolyse. Cette découverte fournit de nouveaux indices pour expliquer la tumorigenèse de la perte de SDH dans les cellules neuroendocrines et offre une base théorique pour le développement de futures stratégies thérapeutiques ciblant les tumeurs déficientes en SDH.
Points forts de l’étude
- Spécificité du type cellulaire : L’étude a systématiquement comparé pour la première fois les différentes manifestations de la perte de SDH dans les cellules de la médullosurrénale et les fibroblastes, révélant les différences dans la réponse des types cellulaires à la perte de SDH.
- Adaptabilité métabolique : Les IMCCs peuvent maintenir une adaptabilité métabolique en conservant la fonction du complexe I après la perte de SDH, une découverte qui fournit des indices importants pour comprendre les mécanismes de développement des tumeurs déficientes en SDH.
- Analyse transcriptomique : Grâce au séquençage de l’ARN, l’étude a révélé les différences dans les réponses transcriptomiques à la perte de SDH dans différents types cellulaires, jetant les bases pour des recherches plus approfondies sur les mécanismes moléculaires de la perte de SDH.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que l’accumulation de succinate dans les cellules déficientes en SDH inhibe l’activité des déméthylases d’histones (JMJD demethylases), entraînant une hyperméthylation des histones. Cette découverte offre une nouvelle perspective pour comprendre l’impact de la perte de SDH sur la régulation épigénétique.
Cette recherche approfondit non seulement notre compréhension des mécanismes de tumorigenèse liés à la perte de SDH, mais fournit également un soutien théorique important pour le développement de futures stratégies thérapeutiques ciblant les tumeurs déficientes en SDH.