Altérations post-colitiques des effets dose-dépendants de l'agoniste 5-HT1A buspirone sur l'activité nociceptive des neurones du raphé magnus et du raphé dorsal chez le rat

Effets de l’agoniste 5-HT1A Buspirone sur la modulation de la douleur chez les rats post-colite

Contexte

Ces dernières années, de plus en plus de preuves cliniques et expérimentales ont montré que le système sérotoninergique (5-HT) du cerveau joue un rôle important dans la pathogenèse des maladies gastro-intestinales, telles que les maladies inflammatoires de l’intestin (MICI) et le syndrome de l’intestin irritable (SII). Ces pathologies sont souvent associées à une hypersensibilité viscérale et à des douleurs abdominales chroniques. Les noyaux du raphé magnus (RMg) et du raphé dorsal (DR) sont des structures clés dans la modulation centrale de la douleur, et leurs changements d’activité dans les pathologies intestinales ont été largement étudiés. Cependant, les mécanismes sous-jacents à ces changements de plasticité neuronale restent mal compris. Les récepteurs 5-HT1A jouant un rôle crucial dans la modulation de la douleur et l’activité des neurones du raphé, cette étude vise à explorer si le traitement de la douleur viscérale et somatique dépendant des récepteurs 5-HT1A est altéré après une colite.

Source de l’étude

Cette recherche a été menée par Olga A. Lyubashina, Boris M. Sushkevich et Ivan B. Sivachenko de l’Institut de physiologie Pavlov de l’Académie des sciences de Russie. Elle a été publiée en 2025 dans la revue European Journal of Neuroscience. L’étude a été financée par la Fondation scientifique russe (projet n° 23-25-00151).

Méthodologie

1. Animaux et modèle de colite

Des rats Wistar mâles adultes ont été utilisés, divisés en un groupe témoin sain et un groupe en phase de récupération post-colite. Le modèle de colite a été induit par l’acide trinitrobenzènesulfonique (TNBS), injecté dans le côlon via l’anus pour provoquer une inflammation. Les rats du groupe post-colite ont été étudiés 29 à 60 jours après l’induction de l’inflammation pour s’assurer de la résolution complète de celle-ci.

2. Anesthésie et préparation chirurgicale

Avant l’expérience, les rats ont été anesthésiés par injection intrapéritonéale d’un mélange d’uréthane et de chloralose. Une préparation chirurgicale a ensuite été réalisée, incluant le cathétérisme de l’artère et de la veine fémorales pour surveiller la pression artérielle et administrer des médicaments par voie intraveineuse, ainsi qu’une intubation trachéale pour maintenir la respiration. La tête des rats a été fixée dans un stéréotaxique, et des trous ont été percés dans le crâne pour exposer les noyaux RMg et DR.

3. Enregistrement neuronal

Des microélectrodes en tungstène isolées ont été utilisées pour enregistrer l’activité électrique des neurones RMg et DR. Les électrodes ont été insérées avec précision dans les noyaux cibles à l’aide d’un micromanipulateur, et les signaux ont été amplifiés, filtrés, puis visualisés et traités en temps réel via un logiciel informatique. La pression artérielle et la respiration ont été surveillées en continu pour assurer la profondeur de l’anesthésie et la stabilité de l’expérience.

4. Stimulations nociceptives viscérales et somatiques

La stimulation nociceptive viscérale a été réalisée par distension colorectale (CRD), en gonflant rapidement un ballonnet à 80 mmHg pendant 30 secondes. La stimulation nociceptive somatique a été effectuée par compression de la queue (TS) à l’aide d’une pince chirurgicale pendant 30 secondes. Les deux types de stimulation ont provoqué des changements significatifs de la pression artérielle et de la respiration, confirmant leur nature nociceptive.

5. Protocole expérimental

Les expériences ont débuté après au moins 45 minutes de repos. L’activité neuronale a été enregistrée pendant 180 secondes, incluant 60 secondes d’activité de base, 30 secondes de stimulation et 90 secondes de récupération. Les stimulations CRD et TS ont été espacées d’au moins 5 minutes pour permettre le retour de l’activité neuronale à son niveau de base. Les réponses neuronales à la CRD et à la TS ont été enregistrées avant et après l’administration intraveineuse de Buspirone (0,1, 0,5, 2,0 et 4,0 mg/kg).

6. Analyse des données

Les données d’activité neuronale ont été analysées hors ligne à l’aide du logiciel Spike 2, avec un tri automatique des séquences de spikes basé sur la forme et l’amplitude des ondes. L’activité de base et l’activité pendant la stimulation ont été calculées pour chaque neurone et exprimées en nombre de spikes par seconde. Les réponses neuronales aux stimulations ont été exprimées en pourcentage de l’activité de base, et une variation de plus de 10 % a été considérée comme significative. Les réponses de la pression artérielle ont été évaluées par la différence entre les niveaux avant et pendant la stimulation.

Résultats principaux

1. Changements dans les neurones RMg après la colite

Dans le groupe témoin sain, de faibles doses de Buspirone (0,1 et 0,5 mg/kg) ont inhibé les réponses excitatrices des neurones RMg à la CRD, tandis que des doses plus élevées (2 et 4 mg/kg) ont augmenté les réponses excitatrices des neurones RMg à la CRD et à la TS. Cependant, dans le groupe post-colite, toutes les doses de Buspirone ont inhibé les réponses excitatrices des neurones RMg à la CRD et à la TS, indiquant des changements significatifs dans la réponse à la douleur après la colite.

2. Changements dans les neurones DR après la colite

Dans le groupe témoin sain, de faibles et fortes doses de Buspirone ont inhibé les réponses excitatrices des neurones DR à la CRD et à la TS. Cependant, dans le groupe post-colite, l’effet inhibiteur de Buspirone sur les réponses excitatrices des neurones DR à la TS a été significativement atténué, suggérant une altération de la réponse à la douleur après la colite.

3. Changements dans les réponses de la pression artérielle

Dans le groupe témoin sain, de fortes doses de Buspirone ont significativement inhibé les réponses hypotensives induites par la CRD et la TS. Cependant, dans le groupe post-colite, l’effet inhibiteur de Buspirone sur les réponses de la pression artérielle a été significativement réduit, indiquant des changements dans la réponse systémique à la douleur après la colite.

Conclusion

Cette étude révèle que les mécanismes de modulation de la douleur dépendants des récepteurs 5-HT1A sont significativement altérés après une colite. Le Buspirone, qui module normalement les réponses à la douleur des neurones RMg et DR via l’activation des récepteurs 5-HT1A auto- et hétérorécepteurs, voit son action modifiée après la colite, entraînant une réduction des réponses à la douleur dans le RMg et une augmentation dans le DR. Ces changements pourraient être liés à l’hypersensibilité viscérale et somatique observée après la colite.

Points forts de l’étude

  1. Méthodologie innovante : Cette étude utilise des enregistrements microélectrodes pour mesurer avec précision les réponses des neurones RMg et DR aux stimulations nociceptives viscérales et somatiques, tout en évaluant les réponses systémiques de la pression artérielle, offrant une vue complète des effets analgésiques du Buspirone.
  2. Découverte majeure : L’étude montre que les mécanismes de modulation de la douleur dépendants des récepteurs 5-HT1A sont altérés après une colite, ouvrant de nouvelles perspectives pour comprendre l’hypersensibilité à la douleur post-colite.
  3. Applications potentielles : Les résultats suggèrent que l’utilisation du Buspirone dans le traitement de la douleur post-colite pourrait nécessiter une réévaluation, et des recherches futures pourraient explorer davantage le rôle des récepteurs 5-HT1A dans la douleur chronique.

Autres informations pertinentes

L’étude a également révélé des différences sexuelles dans les effets du Buspirone sur les neurones RMg et DR, les rates femelles étant plus sensibles au Buspirone. Cette découverte offre de nouvelles pistes pour étudier les différences liées au sexe dans la modulation de la douleur.