Développement et application d'une enzyme de transfert d'électrons direct pour la surveillance continue de la lévodopa
Développement d’une enzyme de transfert direct d’électrons pour la surveillance continue de la lévodopa
Introduction
La maladie de Parkinson (Parkinson’s Disease, PD) est une maladie neurodégénérative chronique qui affecte des millions de personnes dans le monde. Elle se caractérise par une perte de neurones dopaminergiques dans la substance noire et l’accumulation des protéines α-synucléines en agrégats appelés corps de Lewy (Lewy bodies) dans les neurones. Bien que la lévodopa soit le principal traitement de la PD et qu’elle puisse atténuer efficacement les symptômes moteurs, son étroite fenêtre thérapeutique peut induire des effets secondaires graves tels que nausées, dyskinésies ou réapparition des symptômes en cas de dosage inadéquat. Ce défi a renforcé le besoin d’un dispositif de surveillance en temps réel pour la lévodopa.
Contrairement aux systèmes de surveillance continue du glucose (CGM) largement utilisés dans la gestion du diabète, un dispositif similaire pour la lévodopa dans la PD n’a pas encore été développé. Les auteurs de cet article soutiennent qu’un tel dispositif pourrait non seulement optimiser le dosage des traitements, mais également améliorer la compréhension de la pharmacocinétique de la lévodopa, ce qui conduirait à une gestion plus efficace de la maladie. L’objectif de l’étude est de développer un capteur de lévodopa innovant pour répondre aux limitations technologiques actuelles.
Source de l’article
Cet article a été publié dans le journal npj Biosensing sous le titre « The development and application of an engineered direct electron transfer enzyme for continuous levodopa monitoring ». L’étude a été réalisée par Kartheek Batchu, David Probst, Takenori Satomura, John Younce et Koji Sode. Ces chercheurs proviennent du département commun d’ingénierie biomédicale des universités de Caroline du Nord et de Caroline du Nord State, de la faculté de médecine de l’Université du Vermont, de la faculté d’ingénierie de l’Université de Fukui et du département de neurologie de l’Université de Caroline du Nord. L’article a été publié en 2025.
Conception et méthodologie de l’étude
1. Conception générale de l’étude
Pour permettre la surveillance continue de la lévodopa, l’équipe de recherche a développé une enzyme modifiée de type transfert direct d’électrons (Direct Electron Transfer, DET), le déshydrogénase au cuivre (Copper Dehydrogenase, CODH). Cette enzyme provient d’une oxydase multicupreuse (Multicopper Oxidase, MCO) isolée d’un archaea hyperthermophile. En utilisant des mutations dirigées, les chercheurs ont modifié les ligands des centres cupreux de type 2 et de type 3 (Type 2 & Type 3 Copper Ligands) afin de réduire drastiquement l’activité oxydase tout en améliorant la capacité de transfert direct d’électrons (DET) entre l’enzyme et la surface de l’électrode.
2. Méthodes et détails expérimentaux
a) Modification enzymatique
Les chercheurs ont introduit des mutations dans la MCO via des modifications génétiques au niveau des résidus His396 et His459. Ces mutations ont permis de supprimer les réactions utilisant l’oxygène comme accepteur terminal d’électrons, tout en conservant le centre cupreux de type 1 (T1 Copper) comme site principal de transfert d’électrons à l’électrode. Cette version modifiée est nommée “déshydrogénase au cuivre” (CODH). L’UV-Vis a confirmé la conservation du site T1 actif, tandis que les sites T2/T3 ont été désactivés.
Les enzymes mutées ont été fixées sur des électrodes en or via une couche auto-assemblée à base de disuccinimidyl hexanoate (DSH-SAM), optimisant leur interaction avec l’électrode.
b) Validation de l’activité et de la stabilité enzymatique
L’activité oxydase de l’enzyme modifiée a été mesurée via l’oxydation du substrat ABTS, montrant une activité inférieure à 1,5 % par rapport à la MCO originale. En conditions anaérobies, les expériences de transfert direct d’électrons ont démontré une stabilité du courant catalytique de l’enzyme CODH, avec seulement 21 % de perte de signal à une concentration de lévodopa de 360 µM.
c) Construction du capteur électrochimique
Un capteur basé sur une électrode disque en or (Gold Disc Electrode, GDE) a été conçu en utilisant un système à trois électrodes : une électrode de travail en or, une électrode de référence Ag/AgCl, et une contre-électrode en platine. Le capteur a ensuite été miniaturisé avec des électrodes microfils en or (diamètre : 76,2 µm) adaptées à une insertion sous-cutanée.
d) Évaluation des performances du capteur
Les mesures électrochimiques ont été réalisées dans une gamme de concentrations de lévodopa (0–55 µM) en solution. Le capteur miniaturisé a montré une limite de détection (LOD) de 138 nM et une sensibilité de 0.0042 µA/µM. Les interférents endogènes et exogènes, tels que la dopamine ou l’hydroxytyrosol, n’ont montré qu’une variation minimale du signal, à l’exception de la 3-O-méthyldopa qui a présenté un biais légèrement supérieur à 10 %.
3. Influence des facteurs environnementaux et stockage prolongé
Le capteur a été testé dans diverses conditions environnementales. Les variations de pH (6–8) et de température (25–37 °C) ont eu un impact négligeable sur la réponse électrochimique. De plus, le capteur a maintenu 95 % de sa sensibilité initiale après 21 jours de stockage à 4 °C.
4. Implications cliniques et perspectives futures
L’équipe envisage d’intégrer ce capteur dans des dispositifs sous-cutanés destinés aux patients atteints de la PD, avec un développement supplémentaire des couches de biocompatibilité et des algorithmes pour éliminer les bruits environnementaux. L’objectif final est d’associer cette technologie aux systèmes d’infusion continue de lévodopa pour créer un traitement en boucle fermée.
Signification et points saillants
Cette étude présente pour la première fois le développement d’une MCO modifiée non dépendante de l’oxygène comme accepteur terminal d’électrons, et son application dans un capteur spécifique à la lévodopa. Les principaux points forts incluent :
Spécificité élevée pour la lévodopa : La CODH modifiée montre une spécificité supérieure à celle des capteurs utilisant la tyrosinase ou l’oxydation directe.
Mécanisme innovant de transfert direct d’électrons (DET) : La suppression des réactions d’oxydation utilisant l’oxygène permet une interaction plus directe avec l’électrode.
Design miniaturisé et robustesse aux interférents : Le capteur microfil est adapté aux conditions in vivo et a été testé contre un large éventail d’interférents.
Stabilité pour une surveillance continue : Le capteur a montré une stabilité de 21 jours, adapté à une surveillance en temps réel.
Conclusion
Cette étude a développé une méthode électrochimique novatrice pour la surveillance continue de la lévodopa en utilisant une enzyme DET modifiée, le CODH. Ce capteur ouvre la voie à une gestion personnalisée de la PD tout en jetant les bases pour le développement de systèmes similaires pour d’autres médicaments. Avec des tests cliniques supplémentaires, cette technologie pourrait révolutionner la gestion des patients atteints de la PD, améliorant ainsi leur qualité de vie.