Protéines inflammatoires et hidradénite suppurée : perspectives de corrélation génétique et de randomisation mendélienne
Les protéines inflammatoires et l’hidradénite suppurée : Perspectives issues de la corrélation génétique et de la randomisation mendélienne
Contexte de la recherche
L’hidradénite suppurée (Hidradenitis Suppurativa, HS) est une maladie cutanée inflammatoire chronique caractérisée par des nodules, des abcès et des fistules récurrents, apparaissant principalement dans les zones de friction cutanée comme les aisselles, l’aine, la région périanale et les plis sous-mammaires. L’incidence de l’HS est estimée entre 1 % et 4 %, survenant généralement entre 10 et 30 ans, avec une prévalence plus élevée chez les femmes. Cependant, en raison d’incohérences dans la collecte des données, des difficultés diagnostiques et de la stigmatisation associée à la maladie, la prévalence réelle de l’HS pourrait être sous-estimée.
La pathogenèse de l’HS est multifactorielle, impliquant une prédisposition génétique, une obstruction et une rupture folliculaire, des pressions mécaniques, une dysrégulation du système immunitaire et des déséquilibres hormonaux. Les traitements actuels incluent principalement des antibiotiques, des corticostéroïdes, des rétinoïdes et des thérapies hormonales, ainsi que des méthodes physiques/chirurgicales comme la thérapie au laser CO2, le drainage incisionnel, le déroofage et l’excision large. Cependant, les preuves cliniques soutenant ces thérapies demeurent relativement limitées, et les taux de récidive post-chirurgicale sont élevés. Ainsi, le développement de nouvelles approches thérapeutiques pour améliorer le pronostic des patients est une nécessité urgente.
Des recherches récentes ont montré que les protéines inflammatoires jouent un rôle clé dans le processus pathologique de l’HS. Deux hypothèses principales ont été avancées pour expliquer les mécanismes inflammatoires de l’HS : la première, l’hypothèse de “l’inflammation excessive”, suggère que les changements pathologiques de l’HS résultent d’une activation excessive des réponses inflammatoires locales et systémiques ; la seconde, l’hypothèse de “la dysrégulation immunitaire”, propose que l’HS est liée à une régulation anormale du système immunitaire. Bien que des études aient mis en lumière le rôle de diverses protéines inflammatoires dans l’HS, ces recherches ont souvent été limitées par la sélection des échantillons et la conception des études, laissant incertaines les relations causales potentielles.
Origine de la recherche
Cette étude a été menée par une équipe de recherche du département de médecine traditionnelle chinoise de l’hôpital populaire du comté de Xiangyun à Dali, en Chine, et a été publiée en 2024 dans le Journal of Dermatology. L’équipe a utilisé l’analyse de randomisation mendélienne (Mendelian Randomization, MR) et la régression par score de déséquilibre de liaison (Linkage Disequilibrium Score Regression, LDSC) pour explorer les corrélations génétiques et les relations causales potentielles entre 91 protéines inflammatoires circulantes (Circulating Inflammatory Proteins, CIPs) et l’HS.
Processus et résultats de la recherche
1. Conception de l’étude et sources de données
L’étude a employé la LDSC et l’analyse MR bidirectionnelle à deux échantillons, utilisant des données publiées d’études d’association pangénomique (GWAS) pour analyser les corrélations génétiques et les relations causales entre 91 CIPs et l’HS. L’étude a été divisée en deux parties : l’analyse MR directe, prenant l’HS comme résultat, a sélectionné des variables instrumentales (IVs) associées à chaque CIP pour inférer leur relation causale avec l’HS ; l’analyse MR inverse a pris l’HS comme exposition pour évaluer son impact causal sur les CIPs.
Les sources de données incluent :
- Les données GWAS des CIPs proviennent d’une étude d’association pangénomique à grande échelle basée sur le panel de protéines inflammatoires ciblées par Olink, analysant 91 protéines plasmatiques chez 14 824 participants.
- Les données GWAS de l’HS proviennent de la dernière version de l’étude FinnGen, couvrant 1 209 cas et 432 686 témoins, tous d’ascendance européenne.
2. Analyse de corrélation génétique
À travers l’analyse de régression LDSC, l’équipe de recherche a calculé les corrélations génétiques entre 79 CIPs et l’HS. Les résultats ont montré des corrélations génétiques significatives entre le facteur de croissance des fibroblastes 21 (FGF-21) et le facteur des cellules souches (SCF) avec l’HS. Les estimations de corrélation génétique étaient de 0,494 (p = 0,017) pour les niveaux de FGF-21 et de -0,298 (p = 0,043) pour les niveaux de SCF.
3. Analyse de randomisation mendélienne
Dans l’analyse MR directe, l’équipe de recherche a sélectionné 7 à 30 IVs associées à chaque CIP, utilisant les méthodes de pondération inverse variance (IVW), MR-Egger et la médiane pondérée pour évaluer leur relation causale avec l’HS. Les résultats ont montré que des niveaux élevés de la glycoprotéine de surface des cellules T CD5 (CD5) et du chimiokine de motif C-X-C 11 (CXCL11) étaient associés à un risque accru d’HS ; tandis que des niveaux élevés de la chimiokine de motif C-C 4 (CCL4), de la protéine S100-A12 (EN-RAGE), de la sous-unité bêta du récepteur de l’interleukine-10 (IL-10RB) et du ligand 1 de la protéine de mort cellulaire programmée 1 (PD-L1) étaient associés à un risque réduit d’HS.
Dans l’analyse MR inverse, l’équipe a découvert que l’HS entraînait une augmentation des niveaux de quatre CIPs : l’interleukine-20 (IL-20), le facteur inhibiteur de la leucémie (LIF), le récepteur du LIF (LIF-R) et la thymic stromal lymphopoietin (TSLP).
4. Analyse de sensibilité
Pour vérifier la robustesse des résultats, l’équipe de recherche a effectué des analyses de sensibilité, notamment le test Q de Cochran, le test d’interception MR-Egger, MR-PRESSO et l’analyse MR radiale. Les résultats ont montré qu’il n’y avait pas d’hétérogénéité ou de pléiotropie horizontale significative dans les analyses MR directes et inverses, renforçant ainsi la fiabilité des résultats.
Conclusion et portée de la recherche
1. Principales découvertes
L’étude a montré que des niveaux élevés de CD5 et de CXCL11 dans le sérum étaient associés à un risque accru d’HS, tandis que des niveaux élevés de CCL4, CX3CL1, EN-RAGE, IL-10RB et PD-L1 étaient associés à un risque réduit d’HS. En outre, l’HS entraînait une augmentation des niveaux circulants d’IL-20, LIF, LIF-R et TSLP. Ces découvertes offrent de nouvelles perspectives sur les mécanismes inflammatoires de l’HS et fournissent des références pour les futures interventions thérapeutiques et le développement de cibles potentielles.
2. Valeur scientifique
Grâce à l’analyse LDSC et MR, cette étude a efficacement réduit les interférences des facteurs confondants et de la causalité inverse, améliorant ainsi la fiabilité de l’inférence causale. La recherche a mis en lumière les facteurs potentiels en amont et les effets en aval dans le processus de développement de l’HS, jetant les bases des stratégies de traitement de l’HS.
3. Valeur pratique
Les résultats de cette étude ouvrent de nouvelles perspectives pour le diagnostic et le traitement de l’HS. Par exemple, CD5 et CXCL11 pourraient devenir de nouvelles cibles thérapeutiques pour l’HS, tandis que l’augmentation d’IL-20, LIF, LIF-R et TSLP pourrait être étroitement liée au processus pathologique de l’HS. Ces résultats contribuent non seulement à une compréhension approfondie de la pathogenèse de l’HS, mais fournissent également une base théorique pour le développement de thérapies innovantes ciblant l’HS.
Points forts de la recherche
- Innovation : Cette étude est la première à utiliser les données GWAS et la méthode MR pour analyser systématiquement les corrélations génétiques et les relations causales entre 91 CIPs et l’HS, comblant ainsi une lacune dans ce domaine de recherche.
- Exhaustivité : L’étude a non seulement exploré les impacts causaux potentiels des CIPs sur l’HS, mais a également révélé, grâce à l’analyse MR inverse, l’impact de l’HS sur les niveaux de CIPs, offrant une compréhension plus complète des mécanismes pathologiques de l’HS.
- Robustesse : Grâce à diverses analyses de sensibilité, l’équipe de recherche a validé la fiabilité des résultats, renforçant la crédibilité des conclusions.
- Portée clinique : Les résultats de l’étude ont révélé plusieurs protéines inflammatoires associées à l’HS, fournissant des cibles potentielles pour les interventions cliniques futures et le développement de médicaments.
Perspectives et limites
Malgré les avancées significatives de cette étude, certaines limites persistent. Par exemple, les données proviennent principalement de populations européennes, ce qui pourrait limiter la généralisabilité des conclusions. De plus, les mesures des CIPs étant basées sur des échantillons plasmatiques, elles pourraient ne pas refléter entièrement l’état inflammatoire des tissus cutanés. Les recherches futures devraient inclure des données provenant de populations plus diverses et valider ces découvertes à travers des expériences biologiques et des essais cliniques.