Le récepteur central C3a module les comportements de type dépressif induits par le LPS

Mécanisme de régulation du récepteur du complément central C3a sur le comportement de type dépressif induit par le LPS

Introduction

Avec l’augmentation continue du nombre de patients souffrant de dépression dans le monde, le trouble dépressif majeur (major depressive disorder, MDD) est devenu l’une des principales causes d’invalidité à l’échelle mondiale. Les symptômes de la dépression, l’efficacité des traitements et la corrélation biologique montrent une grande hétérogénéité, reflétant la complexité du processus pathologique de cette maladie. Ces dernières années, de plus en plus de preuves montrent que le système immunitaire joue un rôle clé dans le mécanisme pathogène de la dépression. De nombreux gènes liés à l’immunité sont considérés comme des facteurs de risque de la dépression, et les patients dépressifs présentent un état de déséquilibre immunitaire. De plus, certains traitements anti-inflammatoires ont montré des effets antidépresseurs, et des approches thérapeutiques basées sur l’immunité ont été proposées comme solutions de médecine de précision pour certains groupes spécifiques de patients dépressifs. Néanmoins, les mécanismes par lesquels les facteurs immunitaires favorisent la dépression restent mal compris.

Le cortex préfrontal (prefrontal cortex, PFC), en particulier le cortex préfrontal médial (medial prefrontal cortex, mPFC) chez les rongeurs, a été démontré comme étant une des raisons des anomalies fonctionnelles et structurelles chez les patients dépressifs. Bien que des études aient prouvé un dysfonctionnement de l’activité des cellules immunitaires telles que l’activation des microglies ou la médiation de l’élagage synaptique (synaptic pruning) dans le PFC, et que ceux-ci soient associés à des phénotypes de type dépressif, les recherches sur la façon dont les voies immunitaires régulent directement l’activité des neurones dans le PFC sont limitées.

Le système du complément est une partie essentielle de l’immunité innée, et sa dysrégulation est associée à diverses maladies neurologiques et psychiatriques, y compris la dépression. Les recherches indiquent que le récepteur C3a du complément (C3a receptor, C3AR) régule l’infiltration des monocytes et l’activité des microglies dans un modèle murin de stress chronique. Cependant, l’impact de l’activité du C3AR sur les neurones du PFC dans des modèles de dépression reste incertain.

Le but de cette étude est d’explorer le rôle du C3AR dans le mPFC dans un comportement de type dépressif induit par la lipopolysaccharide (LPS) et d’examiner son impact sur l’excitabilité des neurones du mPFC.

Source de l’étude

Cet article a été publié dans le numéro 236 de 2024 de la revue «Progress in Neurobiology» et a été mis en ligne le 17 avril 2024. Cette recherche a été réalisée en collaboration par plusieurs départements de l’Université de Zhejiang, y compris le département de neurologie et de psychiatrie du deuxième hôpital affilié et le Centre de recherche en médecine systémique de l’École de médecine fondamentale. L’auteur correspondant est Lien Hong.

Conception et procédure de l’étude

Modèle animal et procédure expérimentale

Toutes les expériences animales ont été effectuées conformément aux directives de l’Université de Zhejiang pour les soins et l’utilisation des animaux de laboratoire et ont été approuvées par le comité d’expérimentation animale de l’Université de Zhejiang. Les souris knock-out pour le C3AR (KO) utilisées dans l’étude ont été fournies par le Dr Zhou Hong de l’Université médicale de Nanjing, puis croisées avec des souris C57BL/6J pendant plus de dix générations. Les souris ont été maintenues dans un cycle lumière/obscurité de 12 heures (lumière de 7h00 à 19h00), à une température de 22±1℃ et une humidité de 55%±5%, avec un accès libre à la nourriture et à l’eau. Les tests de comportement ont été réalisés sur des souris mâles âgées de 2-4 mois pendant le cycle de lumière.

Virus et culture cellulaire

Une série de virus AAV a été utilisée pour l’expression génique à large échelle et la suppression génique dans des régions spécifiques du cerveau, permettant une manipulation spécifique du niveau d’expression du C3aR dans les neurones du PFC. De plus, les cultures cellulaires primaires et les expériences électrophysiologiques ont également joué un rôle clé dans le processus de recherche. L’analyse des neurones en culture primaire, des astrocytes et des microglies a permis d’explorer l’impact du LPS et du C3a sur l’expression du C3aR.

Tests comportementaux

Les tests comportementaux sur souris incluaient le test en champ ouvert (Open Field Test, OFT), le test du labyrinthe en croix surélevé (Elevated Plus Maze Test, EPM), le test de suspension de la queue (Tail Suspension Test, TST), le test de nage forcée (Forced Swim Test, FST) et le test de préférence pour le saccharose (Sucrose Preference Test, SPT). Ces tests ont aidé à évaluer les comportements anxieux et dépressifs des souris après traitement avec le LPS.

Analyse des données

Les données expérimentales ont été analysées à l’aide des logiciels IBM SPSS Statistics et GraphPad Prism 6, les résultats étant présentés sous forme de moyenne±écart-type. Le seuil de signification statistique a été fixé à *p < 0.05, **p < 0.01, ***p < 0.001.

Résultats de l’étude

Les souris knock-out pour le C3AR montrent une résistance aux comportements de type dépressif induits par le LPS

Les analyses par ELISA et western blot ont démontré une augmentation significative de l’expression de C3 et C3aR dans le mPFC des souris WT après traitement au LPS. En revanche, les souris KO pour le C3AR ont montré une résistance aux comportements anxieux et dépressifs induits par le LPS. Comparées aux souris WT traitées par LPS, les souris KO traitées par LPS ne montraient pas de comportements anormaux significatifs dans les tests OFT, EPM, TST et FST, indiquant que l’absence de C3aR inhibait efficacement les comportements de type dépressif induits par le LPS.

Le C3AR dans le mPFC régule les comportements de type dépressif induits par le LPS

Pour valider davantage le rôle régulateur du C3AR dans le mPFC sur les changements de comportement induits par le LPS, les chercheurs ont implanté des canules bilatérales dans le mPFC des souris WT pour infuser de manière intracérébrale un antagoniste du C3aR (C3ARA). Les résultats ont montré qu’après infusion de C3ARA, les souris WT traitées par LPS présentaient une réduction significative des déficiences motrices observées dans les tests de suspension de la queue et de nage forcée par rapport aux groupes de contrôle ayant reçu du liquide céphalorachidien artificiel, ce qui suggère que le C3AR dans le mPFC joue un rôle important dans les comportements de type dépressif induits par le LPS.

Le C3AR régule l’excitabilité des neurones du mPFC et module les comportements de type dépressif induits par le LPS de manière bidirectionnelle

Des enregistrements électrophysiologiques réalisés sur des neurones corticaux primaires et des tranches aiguës de cerveau provenant de souris WT et KO ont révélé que les neurones KO déficients en C3AR généraient un nombre significativement plus élevé de potentiels d’action en réponse à une injection de courant dépolarisant que les neurones WT, indiquant une excitabilité accrue des neurones KO. De plus, l’activité du C3AR pouvait réguler de manière inverse l’excitabilité neuronale : l’application de C3a sur les neurones WT entraînait une diminution significative de la fréquence des potentiels d’action, tandis que le traitement par LPS des neurones KO augmentait la fréquence des potentiels d’action. Cela démontre que la perte de C3AR augmentait non seulement l’excitabilité de base, mais également l’excitabilité des neurones du mPFC après traitement au LPS.

Les souris KO pour le C3AR traitées par LPS montrent une résistance aux comportements de type dépressif induits par une inhibition des neurones glutamatergiques du mPFC

L’étude a exploré plus avant la fonction spécifique du C3AR dans les cellules du mPFC. En utilisant des outils de chimie génétique pour inhiber spécifiquement les neurones glutamatergiques du mPFC chez les souris KO pour le C3AR, les chercheurs ont découvert que les souris KO traitées par LPS continuaient de montrer un comportement normal.

Conclusions

L’étude révèle le mécanisme clé de régulation du C3AR dans les comportements de type dépressif induits par le LPS, mettant en avant une voie importante par laquelle la modulation de l’excitabilité des neurones glutamatergiques dans le mPFC permet d’obtenir des effets antidépresseurs. Ce travail fournit non seulement une nouvelle compréhension des mécanismes pathologiques de la MDD, mais établit également une base pour le développement futur de traitements ciblant le C3AR.

Signification de l’étude

Cette étude, en révélant de nouveaux mécanismes impliquant le système du complément dans la dépression, offre une nouvelle base théorique pour le développement de méthodes d’intervention pour la MDD. Le C3AR, en régulant l’excitabilité des neurones du mPFC, influence directement les comportements de type dépressif et apparaît comme une cible thérapeutique potentielle. Les recherches futures pourront explorer le rôle du C3AR dans différents sexes et zones cérébrales, ainsi que la faisabilité de son intervention clinique.

Cette recherche ouvre une nouvelle direction pour l’étude des causes de la dépression, montrant que la régulation du système du complément et de l’activité neuronale pourrait offrir des méthodes thérapeutiques efficaces, en particulier pour des traitements de précision ciblés pour des groupes spécifiques de patients.