Le rapport puissance bêta/thêta dans les composants périodiques de l'EEG comme biomarqueur potentiel dans le trouble cognitif léger et la démence d'Alzheimer

Recherche et traitement de pointe de la maladie d’Alzheimer : le rapport de puissance Bêta/Thêta dans les composantes périodiques de l’EEG comme biomarqueur potentiel

Introduction

La maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s dementia, AD) est une maladie évolutive représentant 60 % à 80 % de tous les cas de démence [1]. Aux premiers stades de l’AD, il y a souvent un trouble cognitif léger (Mild Cognitive Impairment, MCI), à ce stade, les individus peuvent encore vivre de manière autonome [2]. Les biomarqueurs différenciant le MCI de l’AD ou du vieillissement en bonne santé sont essentiels pour développer des mesures d’intervention préventives, ce qui contribue à améliorer la qualité de vie, à réduire la charge des soins et à diminuer les coûts associés [3].

L’électroencéphalogramme (Electroencephalogram, EEG) est un outil non invasif et peu coûteux permettant d’évaluer les courants ioniques neuronaux par différence de tension à différentes échelles spatiales, avec une haute résolution temporelle [4-6]. La majorité des études EEG sur l’AD et le MCI se sont concentrées sur l’analyse de la densité spectrale de puissance (Power Spectral Density, PSD), en particulier en état de repos EEG [5,7-12]. Ces études trouvent souvent une augmentation des ondes δ et θ chez les personnes AD, et une diminution des ondes α et β, en particulier dans les régions temporales et occipitales [5,7-14]. Le rapport de puissance des fréquences rapides à lentes a également montré des différences entre AD et les individus cognitivement normaux, avec le rapport β/θ considéré comme un indicateur de la capacité de traitement cognitif [4-8].

En revanche, l’EEG présente des différences moindres et incohérentes pour distinguer MCI et individus sains [9,15-17]. Cela peut être dû au fait que ces études n’ont pas exclu les composantes non périodiques de l’EEG. La densité spectrale de puissance comprend généralement deux types principaux : une composante de fond non périodique (sans composantes rythmiques - semblable à du 1/f), et les oscillations neuronales périodiques ou rythmiques [19]. La partie non périodique est aussi appelée activité fractale ou “sans échelle” en raison de sa similarité auto-similaire sur des échelles temporelles multiples [20]. Plusieurs études ont montré les avantages de se concentrer sur les composantes périodiques de l’EEG [15,19,21,22].

Origine de la recherche

Cette étude a été menée par Hamed Azami et ses collègues de cinq hôpitaux universitaires à Toronto. La recherche a été publiée dans le journal « Alzheimer’s Research & Therapy » (2023, Vol. 15, N° 133). Les données de l’étude proviennent de deux études d’intervention (identifiant clinicaltrials.gov : nct01847586 et nct02537496), et ont été financées par Brain Canada, la Canada Research Chair et le Labatt Family Network for Research on the Biology of Depression.

Conception et processus de l’étude

A) Processus de l’étude

  1. Recrutement des participants :

    • L’étude a recruté 44 témoins sains (Healthy Control, HC) (âge moyen 69,1 ans), 114 participants atteints de MCI (âge moyen 72,2 ans) et 41 participants atteints d’AD (âge moyen 75,7 ans). Tous les participants ont donné leur consentement éclairé par écrit, conformément à l’approbation du comité d’éthique de Centre for Addiction and Mental Health, CAMH.
    • Les participants HC et MCI ont été recrutés à partir de l’essai de prévention de l’AD (nct02386670), et les participants AD provenaient de deux autres études d’intervention.
  2. Collecte et traitement des données EEG :

    • Les données EEG de chaque participant ont été enregistrées à l’aide de l’équipement EEG Synamps 2, à 64 canaux, et du système de montage 10-10. Chaque enregistrement a duré 10 minutes avec une fréquence d’échantillonnage de 1000 Hz. Les participants étaient assis, les yeux fermés, dans un état de relaxation, en évitant tout mouvement de la tête ou des yeux ou de s’endormir.
    • Les données ont été traitées en mode hors ligne en utilisant MATLAB et la boîte à outils EEGLAB. D’abord, un examen visuel a permis d’assurer l’absence d’ondes δ et θ évidentes, avant de retirer les segments de bruit et les canaux affectés par des artefacts divers. Une analyse en composantes indépendantes (ICA) a été utilisée pour supprimer les composantes liées aux mouvements oculaires et à l’activité musculaire.
  3. Analyse des données :

    • La densité spectrale totale de puissance a été calculée avec la méthode de Welch et a été paramétrée avec l’outil « FOOOF », décomposant la densité spectrale en ses composantes non périodiques et périodiques, optimisant le modèle spectral par la méthode des moindres carrés.
    • En comparant les spectres EEG des trois groupes dans l’ensemble du cerveau (moyenne de tous les électrodes EEG) ainsi que dans les régions frontale, temporale, centrale, pariétale et occipitale, le rapport Bêta/Thêta a été déterminé.

B) Résultats de l’étude

  1. Composantes non périodiques :

    • Il n’a pas été révélé de différence significative des composantes non périodiques de l’EEG entre les groupes témoins sains, MCI et AD (ANCOVA f(3,195)=0.55, p=0.56).
  2. Composantes périodiques et spectre de puissance totale :

    • Les participants AD ont montré une augmentation relative des ondes δ, θ et γ dans le spectre total et périodique, avec une réduction des ondes β, surtout dans la région occipitale.
    • Notamment, le rapport Bêta/Thêta mesuré par le spectre périodique dans la région occipitale montrait une différence significative entre les participants MCI et les témoins sains (correction Bonferroni p=0.036), surpassant en classification le rapport Bêta/Thêta basé sur le spectre total.

C) Conclusions et significations

L’étude a démontré le potentiel du rapport de puissance Bêta/Thêta périodique dans l’EEG pour distinguer les individus sains, ceux atteints de MCI et d’AD, suggérant que la concentration sur les composantes périodiques permet de détecter des changements subtils dans les stades de maladie légère de manière plus précise. Cette découverte pourrait avoir une grande valeur pour le développement de mesures de prévention plus efficaces et pour les recherches mécanistiques.

D) Points forts de l’étude

  1. Découvertes et preuves :

    • En se concentrant sur les composantes périodiques de l’EEG, on a trouvé que le rapport Bêta/Thêta dans certaines régions cérébrales des individus MCI est significativement réduit par rapport au vieillissement normal.
    • Les classificateurs basés sur les composantes périodiques se montrent plus performants pour distinguer les individus AD et MCI comparés à ceux basés sur le spectre total.
  2. Innovation dans les méthodes et processus :

    • L’utilisation de la méthode « FOOOF » pour séparer les composantes périodiques et non périodiques de l’EEG a vérifié la capacité de cette méthode à révéler des changements clairs liés à la maladie en éliminant les composantes non périodiques.
    • L’étude indique que l’analyse des composantes périodiques de l’EEG est plus fiable pour distinguer MCI du vieillissement normal.

Limites de l’étude et perspectives futures

Cette étude présente également des limites, telles que la taille insuffisante de l’échantillon pour des analyses sous-groupes spécifiques et le fait que le diagnostic n’avait pas utilisé de biomarqueurs. Des recherches futures pourraient valider ces découvertes avec de plus grands échantillons et une combinaison de divers biomarqueurs.

Conclusion

Cette étude soutient une recherche approfondie sur le potentiel du rapport de puissance Bêta/Thêta dans les composantes périodiques de l’EEG comme indicateur neurophysiologique différenciant les patients MCI et AD des individus sains. Les travaux futurs devraient relier cet indicateur à d’autres biomarqueurs des maladies neurodégénératives afin de mieux comprendre son rôle mécanistique.