Effets des interactions gène-environnement et médiation concernant les événements adverses de l'enfance, les troubles de l'humeur et de l'anxiété et la dépendance aux substances

Étude des effets génétiques et environnementaux des événements défavorables de l’enfance, des émotions et des troubles anxieux et de la dépendance aux substances

I. Contexte et importance de l’étude

Les événements défavorables de l’enfance (EDE, adverse childhood events) ont souvent un impact profond sur la santé mentale de l’individu et la dépendance aux substances. Des recherches ont montré qu’il existe une corrélation étroite entre les EDE et les troubles de l’humeur et de l’anxiété (M/AD, Mood and Anxiety Disorders) ainsi que les troubles liés à l’utilisation de substances (SUD, Substance Use Disorders). Cependant, il n’est pas clair si l’effet est direct ou indirect et si ces effets sont modulés par le risque génétique.

Cet article de recherche publié dans “Nature Human Behaviour” vise à explorer les mécanismes d’influence des EDE sur les M/AD et les SUD et à étudier le rôle modérateur des scores de risque polygénétique (PRS, Polygenic Risk Scores) dans ce processus. Les chercheurs utilisent la modélisation pour analyser les voies directes et indirectes, afin de fournir une base pour la prévention et le traitement personnalisé.

II. Source de la recherche

Cette étude est dirigée par Henry R. Kranzler, en collaboration avec des chercheurs de plusieurs institutions de recherche renommées, telles que la Faculté de médecine de l’Université de Pennsylvanie, la Faculté de médecine de l’Université de Yale, etc. L’article a été accepté le 10 avril 2024 et publié en ligne dans “Nature Human Behaviour”, avec le DOI https://doi.org/10.1038/s41562-024-01885-w.

III. Processus et méthodes de recherche

a) Processus de recherche

L’échantillon de recherche provient de la cohorte de Yale-Penn, comprenant 12 668 participants, soit 44,9 % de femmes, 42,5 % d’afro-américains et 42,1 % d’européens-américains. La recherche comprend principalement les étapes suivantes :

  1. Prétraitement des données et construction des variables :

    • Construire des variables latentes pour les EDE, les M/AD et les SUD.
    • Analyser à l’aide de scores de risque polygénétique (PRS) pour les facteurs M/AD et SUD.
  2. Construction et analyse du modèle :

    • Construire et comparer deux modèles de médiation : le modèle d’auto-médication positive (forward self-medication model) et le modèle d’induction de substance inversée (reverse substance-induced model).
    • Utiliser le modèle de variables latentes (Latent Variables Model) pour analyser ces voies.
  3. Test de l’effet modérateur du score de risque polygénétique :

    • Tester l’effet modérateur des PRS sur les voies des modèles de médiation mentionnés (interactions gène-environnement, G×E).

Échantillon de recherche et méthodes d’analyse

L’étude comprend 12 668 participants, dont 9 695 personnes avec un diagnostic de SUD (76,5%) et 2 973 personnes sans diagnostic de SUD (23,5%). Près d’un tiers (33,2%) des participants ont un ou plusieurs diagnostics de M/AD. Les indicateurs de l’étude sont principalement analysés et construits à l’aide de variables latentes et de scores de risque polygénétique.

La variable latente des EDE comprend dix variables reflétant des expériences avant l’âge de 13 ans telles que l’instabilité familiale, la violence criminelle, les abus sexuels et les maltraitances physiques. Ces indicateurs montrent une corrélation significative dans les variables latentes et possèdent une haute cohérence interne (homogénéité).

La variable latente des SUD comprend cinq diagnostics de SUD selon le DSM-IV : dépendance à l’alcool, à la cocaïne, aux opiacés, au tabac et au cannabis. Ces cinq diagnostics montrent également une haute cohérence interne dans les variables latentes.

La variable latente des M/AD comprend huit troubles psychiatriques : trouble dépressif majeur (MDD), trouble bipolaire, trouble de stress post-traumatique (PTSD), trouble d’anxiété généralisée (GAD), etc., dont le lien avec les variables latentes est moins fort, mais toujours significatif.

IV. Principaux résultats de la recherche

b) Principaux résultats

L’étude a découvert que des voies indirectes significatives existent dans les deux modèles de médiation, mais que l’effet de médiation positive à travers les M/AD (forward mediation effect) était plus fort que l’effet de médiation inverse à travers les SUD (reverse mediation effect). Les principaux résultats sont les suivants :

  1. Modèle positif (Forward Model) :

    • Il a été découvert que les EDE étaient significativement directement liés aux SUD (β=0,08, p,001), c’est-à-dire que les personnes ayant vécu plus d’EDE étaient plus susceptibles de développer des SUD.
    • De plus, la liaison indirecte à travers les M/AD (β=0,05, p,001) a expliqué 38 % de l’association totale.
  2. Modèle inverse (Reverse Model) :

    • Les EDE étaient également significativement directement liés aux M/AD (β=0,37, p,001), c’est-à-dire que les personnes ayant vécu plus d’EDE étaient plus susceptibles de développer des M/AD.
    • La liaison indirecte à travers les SUD (β=0,04, p,001) a expliqué 9 % de l’association totale.

c) Conclusion et valeur de la recherche

L’étude démontre que les événements défavorables de l’enfance influencent les troubles de l’humeur et de l’anxiété et la dépendance aux substances à l’âge adulte via plusieurs voies. La spécification de ces voies peut fournir une base pour l’élaboration de programmes de prévention et de traitement personnalisés. L’étude met particulièrement l’accent sur l’importance des interventions préventives, suggérant de renforcer le dépistage des EDE dans les milieux médicaux et scolaires.

d) Points saillants de la recherche

  1. Large échantillon : L’étude inclut plus de douze mille participants, fournissant une puissance statistique suffisante pour tirer des conclusions claires.

  2. Méthodologie novatrice : Pour la première fois, l’étude combine des modèles de variables latentes et des scores de risque polygénétique pour une analyse approfondie des relations entre les EDE, les troubles psychiatriques et la dépendance aux substances.

  3. Identification des interactions gène-environnement (G×E) : L’étude révèle divers effets modérateurs des PRS sur les voies reliant les EDE aux SUD et aux M/AD.

e) Autres informations importantes

L’étude souligne la valeur potentielle des scores de risque polygénétique dans la prédiction et la prévention des troubles psychiatriques et de la dépendance aux substances, qui, s’ils sont suffisamment précis, peuvent être utilisés dans le dépistage et l’intervention clinique.

V. Signification et valeur de la recherche

Cette recherche offre une nouvelle orientation théorique et pratique en révélant les relations complexes entre les événements défavorables de l’enfance, les risques génétiques et les problèmes de santé mentale. Les résultats fournissent une base pour une compréhension plus profonde des causes des problèmes de santé mentale et appuient la mise en place de stratégies d’intervention clinique. Par exemple, des interventions ciblées pendant l’enfance pourraient réduire efficacement le risque de développer des troubles émotionnels et de dépendance aux substances à l’âge adulte.