Restauration des progéniteurs neuronaux par reprogrammation partielle dans le niche neurogénique âgé

Rapport de Recherche Scientifique

Introduction

Depuis longtemps, le vieillissement a été considéré comme un processus irréversible. Cependant, des recherches récentes ont montré que le vieillissement est en réalité un processus biologique modulable. Plusieurs interventions ont prouvé leur capacité à ralentir voire inverser certains aspects du vieillissement. Le reprogrammation partielle est une méthode qui, par l’expression pulsée de facteurs de reprogrammation (comme Oct4, Sox2, Klf4, c-Myc, connus sous le nom de ‘OSKM’), peut ramener des cellules somatiques à un état similaire à celui des cellules souches embryonnaires. Cette méthode a prouvé in vitro sa capacité à effacer de nombreuses caractéristiques du vieillissement. Cependant, lorsqu’appliquée in vivo, la reprogrammation complète peut entraîner la perte de l’identité cellulaire et augmenter le risque de tumeurs. Par conséquent, une méthode plus prometteuse consiste à réguler l’expression des facteurs de reprogrammation pour atteindre une “reprogrammation partielle”. La reprogrammation partielle a montré des effets améliorants sur les tissus de souris dans plusieurs études, mais son impact sur le cerveau âgé reste peu connu.

Origine de l’article

Cette étude a été réalisée conjointement par des scientifiques des départements de Génétique, Biologie, Science des Données Biomédicales, de l’Institut des Neurosciences Wu Tsai, et du Centre Glenn pour la Biologie du Vieillissement à l’Université de Stanford. Les principaux auteurs sont Lucy Xu, Julliana Ramirez-Matias, Max Hauptschein, Eric D. Sun, Judith C. Lunger, Matthew T. Buckley et Anne Brunet. L’article a été publié dans le journal Nature Aging en avril 2024 (volume 4, 546-567), et mis en ligne avec le DOI:10.1038/s43587-024-00594-3.

Processus de recherche

Sujets et méthodes d’étude

Cette recherche a utilisé des approches de transcriptomique unicellulaire pour étudier de manière systématique comment la reprogrammation partielle affecte la zone de neurogenèse dans le cerveau de souris âgées (zone sous-ventriculaire, SVZ). Un modèle murin génétiquement modifié appelé souris ioskm a été utilisé, dans lequel l’expression des quatre facteurs de reprogrammation (Oct4, Sox2, Klf4, c-Myc) peut être induite dans tout le corps.

Les souris ioskm âgées ont été divisées en deux groupes pour un traitement de reprogrammation partielle, consistant en une administration d’eau buvable contenant de la tétracycline pendant 2 jours, suivie de 5 jours sans traitement, répété trois fois. Ensuite, les chercheurs ont utilisé la technologie de séquençage d’ARN unicellulaire pour analyser les transcriptomes des cellules dans la zone SVZ des souris traitées.

Collecte et traitement des données

Les chercheurs ont collecté des échantillons de tissus SVZ de souris âgées partiellement reprogrammées (18-20 mois et 24-26 mois), de souris âgées non traitées et de souris jeunes non traitées, puis effectué un séquençage d’ARN unicellulaire. À l’aide de méthodes de réduction de dimensions et d’analyse de clustering (comme l’UMAP et le clustering de Louvain), ils ont identifié les principaux types de cellules, y compris les cellules souches neurales (NSC), les NSC activées, les cellules progénitrices neuronales (NPC) et les neuroblastes.

Étapes expérimentales et analyse

L’étude a validé l’impact de la reprogrammation partielle sur la proportion des cellules de la zone SVZ à travers diverses méthodes expérimentales, dont la coloration immunologique et des modèles d’apprentissage machine. Les résultats ont montré que la proportion de neuroblastes et de leurs progéniteurs diminue significativement avec l’âge chez les souris âgées, tandis que le traitement de reprogrammation partielle peut restaurer ces proportions.

Résultats de la recherche

  1. La reprogrammation partielle a significativement augmenté la proportion de neuroblastes dans la zone SVZ des souris âgées, la ramenant à un niveau similaire à celui des souris plus jeunes.
  2. Cet effet s’est manifesté tant dans les souris âgées traitées par reprogrammation partielle systémique que dans celles spécifiquement reprogrammées pour la zone SVZ.
  3. Un modèle d’apprentissage machine, basé sur la proportion des différents types de cellules, a montré que la reprogrammation partielle peut réduire l’âge prédit d’environ 2,7 mois.
  4. Une analyse transcriptomique plus approfondie a révélé que la reprogrammation partielle peut inverser plusieurs caractéristiques moléculaires associées au vieillissement, telles que la restauration de la voie de traitement de l’ARN et de l’adhésion cellulaire dans divers types de cellules.

Conclusion de l’étude

Cette étude montre que la reprogrammation partielle peut avoir des effets bénéfiques directs et intrinsèques dans la zone SVZ des souris âgées, augmentant la proportion de neuroblastes et améliorant la neurogenèse. Ceci pourrait offrir de nouvelles stratégies pour contrebalancer le déclin cérébral chez les individus âgés en restaurant la fonction des zones de neurogenèse.

Les recherches plus poussées ont découvert que la reprogrammation partielle ne génère pas de nouveaux types cellulaires (comme les cellules souches embryonnaires) mais améliore la fonctionnalité des cellules existantes, ce qui suggère une certaine sécurité pour cette méthode in vivo. En outre, la reprogrammation partielle a montré des effets cell-autonomous significatifs dans les expériences in vitro utilisant des NSC âgées.

Points forts de l’étude

  1. Originalité : Utilisation systématique de la transcriptomique unicellulaire pour révéler l’impact de la reprogrammation partielle sur la zone SVZ des souris âgées.
  2. Applicabilité : La reprogrammation partielle a non seulement augmenté la proportion de neuroblastes mais a également amélioré la capacité de neurogenèse, avec un potentiel d’application pratique.
  3. Innovation méthodologique : Première démonstration des effets de rétablissement de la reprogrammation partielle sur la proportion et la fonction des cellules de la zone SVZ du cerveau âgé, et proposition d’un modèle de prédiction de vieillissement par apprentissage machine.

Importance et perspectives de recherche

Les découvertes de cette étude posent les bases de l’application de la reprogrammation partielle dans le domaine des neurosciences, et pourraient offrir de nouvelles interventions contre la dégradation fonctionnelle liée au vieillissement du cerveau. Les recherches futures pourraient explorer la durabilité des effets de la reprogrammation, son impact sur d’autres zones et types cellulaire du cerveau, et leur capacité à améliorer les fonctions comportementales des individus âgés. Ces recherches fourniront des références importantes pour optimiser les stratégies de reprogrammation et développer des thérapies anti-âge plus efficaces.