Identification des isoformes de tau oligomériques, citrullinés et autres dans la rétine des patients atteints de MA précoce et avancée et relations avec l'état de la maladie

Étude sur la protéine tau anormale dans la rétine des patients atteints de la maladie d’Alzheimer

Introduction

La maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s disease, AD) est la principale cause de démence chez les personnes âgées dans le monde. Les caractéristiques pathologiques de l’AD incluent la déposition de la protéine amyloïde β (amyloid beta-protein, Aβ) dans le cerveau et l’agrégation anormale de la protéine tau associée aux microtubules. La protéine tau subit des modifications post-traductionnelles, telles que l’hyperphosphorylation (hyperphosphorylation, p-tau) et la citrullination (citrullination, cit-tau), entraînant la formation d’oligomères toxiques (oligomeric-tau, oligo-tau). Ces oligomères peuvent non seulement se propager dans les neurones infectés, mais aussi provoquer l’agrégation de la protéine tau en filaments et en filaments hélicoïdaux appariés (paired helical filaments, PHF), formant finalement des enchevêtrements neurofibrillaires (neurofibrillary tangles, NFTs), qui endommagent la fonction neuronale et conduisent à la mort cellulaire.

Les lésions cérébrales pathologiques dues à la protéine tau surviennent généralement après les lésions Aβ, lesquelles commencent à s’accumuler des décennies avant l’apparition des symptômes cliniques. Cela offre une possibilité d’intervention précoce. Il est donc urgent de développer des technologies viables, économiques et peu invasives pour le dépistage et le suivi précoces de l’AD.

La rétine est le seul organe du système nerveux central (CNS) qui n’est pas entouré d’os. Son accessibilité et sa capacité d’imagerie à haute résolution en font un outil potentiel pour le dépistage de l’AD. Cette étude vise à explorer les différentes formes d’anomalies de la protéine tau dans la rétine et leur relation avec l’AD.

Origine

Cette étude a été rédigée par Haoshen Shi, Nazanin Mirzaei, Yosef Koronyo, et al., les auteurs étant principalement issus de l’Université de la Californie du Sud (University of Southern California, USC). La recherche est publiée dans le journal “Acta Neuropathologica” en 2024.

Processus de l’étude

Origine et traitement des échantillons : Cette étude a recueilli des tissus oculaires et cérébraux de 75 donneurs, y compris 34 patients atteints d’AD, 11 patients atteints de déficience cognitive légère (mild cognitive impairment, MCI), et 30 témoins avec cognition normale (normal cognition, NC). De plus, 4 patients atteints de démence non-AD (non-AD dementia, D-NAD) ont été inclus. Ces tissus proviennent principalement du Centre de recherche sur la maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s Disease Research Center, ADRC) de l’Université de la Californie du Sud et du National Disease Research Interchange (NDRI). Tous les échantillons de tissus ont été fixés, conservés et traités selon des normes standard.

Évaluation pathologique et clinique : L’étude a utilisé une observation semi-quantitative pour évaluer la gravité des maladies cérébrales, y compris les plaques Aβ, les enchevêtrements neurofibrillaires (NFTs), les filaments neurofibrillaires (NTs), et l’atrophie cérébrale, ainsi que d’autres caractéristiques pathologiques. L’état cognitif clinique a été évalué par l’évaluation de la démence clinique (Clinical Dementia Rating, CDR) et par le Mini-Mental State Examination (MMSE).

Techniques d’immunohistochimie et d’imagerie : Pour explorer les différentes formes de la protéine tau, l’étude a mené des analyses d’immunohistochimie (Immunohistochemistry, IHC) et de profil spatial numérique par géo-nanofilaments (GeoMx Digital Spatial Profiling, DSP) sur les tissus rétiniens et cérébraux. L’IHC a utilisé divers anticorps spécifiques tels que at8, ps396, citr209, oligo-tau, pour marquer et analyser différentes conformations de la protéine tau.

Résultats de l’étude

Distribution spatiale de la pathologie tau et association avec la maladie : 1. Enchevêtrements tau positifs MC-1 : Par la détection IHC, les enchevêtrements tau positifs MC-1 ont été trouvés en augmentation notable dans la rétine des patients atteints d’AD, ces enchevêtrements se concentrant principalement dans la couche des cellules ganglionnaires (ganglion cell layer, GCL) et la couche nucléaire interne (inner nuclear layer, INL), indiquant la présence d’une structure pathologique semblable aux NFTs dans le cerveau des patients atteints d’AD.

  1. Oligomères tau (oligo-tau) : La marque T22 montre une augmentation significative des oligomères tau dans la rétine des patients atteints d’AD et de MCI, en particulier dans la couche plexiforme extérieure (outer plexiform layer, OPL) et la couche plexiforme interne (inner plexiform layer, IPL), avec une corrélation positive notable entre ces oligomères tau et la charge des NFTs dans le cerveau.

  2. Tau phosphorylé (p-tau) : L’analyse GeoMx DSP montre une augmentation significative des formes p-tau (comme ps214, ps396, ps404) dans la rétine et les tissus cérébraux correspondants des patients atteints d’AD et de MCI. Ces formes de p-tau sont également associées à la pathologie cérébrale et à l’état cognitif.

  3. Tau citrulliné (cit-tau) : L’étude révèle une augmentation notable du cit209-tau dans la rétine des patients atteints d’AD et de MCI, en corrélation étroite avec l’augmentation du tau phosphorylé ps202/t205 (positif at8). Cette augmentation du tau citrulliné est particulièrement notable dans les zones centrales de la rétine et est liée aux indicateurs d’évaluation cognitive tels que le CDR et le MMSE.

Association des différentes formes de la protéine tau : Par analyse de corrélation de Pearson, il a été démontré que les formes oligo-tau et Aβ42 sont fortement corrélées de manière positive dans la rétine, et la charge artérielle Aβ40 est également fortement corrélée avec le tau citrulliné.

Conclusion et valeur

En résumé, cette étude révèle pour la première fois les différentes formes d’anomalies de la protéine tau dans la rétine des patients atteints d’AD et de MCI, en particulier les formes oligomériques et citrullinées de la protéine tau. Ces anomalies sont significativement associées à la pathologie cérébrale correspondante et à l’état cognitif. Les résultats de l’étude suggèrent que certaines formes de la protéine tau dans la rétine peuvent servir de biomarqueurs pour la détection précoce de l’AD et l’évaluation de la progression de la maladie. Cette découverte offre une nouvelle base théorique et une potentialité d’application pour le développement de techniques d’imagerie rétinienne non invasive pour le dépistage de l’AD.

Points forts de l’étude

  1. Nouvelles formes de la protéine tau dans la rétine : L’étude découvre pour la première fois des formes oligomériques et citrullinées de la protéine tau dans la rétine des patients atteints d’AD, comblant une lacune dans le domaine de la recherche.
  2. Exploration exhaustive de diverses formes pathologiques : En combinant l’analyse spatiale numérique GeoMx et les techniques d’immunohistochimie, l’étude analyse systématiquement diverses formes de la protéine tau dans la rétine et leur relation avec la progression de l’AD.
  3. Potentiel de détection non invasive : L’étude soutient le dépistage précoce de l’AD basé sur l’imagerie rétinienne, possédant un potentiel de conversion clinique important.