Les lymphocytes T mémoires résidents des tissus rompent la tolérance aux autoantigènes rénaux et orchestrent la néphrite à médiation immunitaire

Rapport spécial : Le rôle des lymphocytes T mémoires résidents dans les tissus dans la rupture de la tolérance immunitaire aux auto-antigènes rénaux et la néphrite à médiation immunitaire

Introduction

La néphrite à médiation immunitaire est l’une des principales causes de lésions rénales aiguës et de maladies rénales chroniques. Bien que le rôle des lymphocytes B et des anticorps dans ces maladies ait été largement étudié, l’émergence des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a offert l’opportunité de réévaluer le rôle des lymphocytes T dans l’immunologie rénale. Cependant, on ne sait toujours pas comment les lymphocytes T spécifiques des auto-antigènes rénaux sont activés et participent à la néphrite à médiation immunitaire. Cette étude vise à révéler le destin et la fonction de ces lymphocytes T, en particulier les lymphocytes T mémoires résidents dans les tissus (cellules TRM) qui se forment et se maintiennent dans les reins.

Contexte de la recherche

La néphrite à médiation immunitaire est causée par une réponse immunitaire inappropriée aux auto-antigènes ou à des substances inoffensives (comme les antibiotiques), pouvant entraîner un déclin de la fonction rénale, voire une maladie rénale en phase terminale. De nombreuses études existantes se sont principalement concentrées sur la néphrite à médiation par anticorps, tandis que le rôle de l’immunité cellulaire dans les maladies rénales à médiation immunitaire reste incertain. Les lymphocytes T CD8+ cytotoxiques (CTL) sont généralement présents en grand nombre dans l’infiltration rénale et il a été démontré qu’ils jouent un rôle crucial dans divers types de néphrites à médiation immunitaire. Ces infiltrations sont particulièrement courantes dans les formes de néphrite interstitielle (comme la néphrite interstitielle aiguë induite par les médicaments ou la néphrite liée aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaires). Dans ce contexte, il est nécessaire d’analyser en profondeur les mécanismes de l’immunité cellulaire rénale.

Source de la recherche

Cet article a été rédigé par Frederic Arnold et son équipe de l’Université de Fribourg-en-Brisgau, Centre médical IV et Institut de microbiologie et d’hygiène, ainsi que de l’Institut de pathologie en Allemagne. Il a été publié dans la revue “Cellular & Molecular Immunology” en 2024.

Méthodes et processus de recherche

  1. Établissement du modèle de souris expérimental

    • Animaux et transfert cellulaire : L’étude a utilisé un nouveau modèle de souris appelé souris transgéniques NOH (nephrin, ovalbumine, HEL), qui expriment de l’ovalbumine (OVA) liée à la membrane à la surface des podocytes. Des lymphocytes T spécifiques de l’OVA à haute affinité (cellules OT-1) ont été transférés dans des souris NOH et de type sauvage (WT).
    • Activation immunitaire : Les souris transférées ont reçu une infection par Listeria monocytogenes exprimant l’OVA (LM-OVA) dans les 24 heures pour activer les cellules OT-1, suivie d’une deuxième vaccination (virus de la stomatite vésiculaire exprimant l’OVA, VSV-OVA) au jour 21.
    • Suivi et analyse : Les souris ont fait l’objet d’analyses hebdomadaires du sang et de l’urine, et d’analyses terminales aux points temporels précoces (jour 7) et tardifs (jours 35-56), comprenant une transcriptomique unicellulaire, une cytométrie en flux à haute dimension et une imagerie par immunofluorescence multiplex.
  2. Principaux résultats de recherche

    • Analyse des réponses immunitaires systémiques et locales : Après l’infection par LM-OVA et la greffe de cellules OT-1, les cellules OT-1 dans les souris NOH ont rapidement diminué après une seconde infection, mais ont formé une infiltration locale persistante dans les reins, montrant un phénotype mixte combinant des caractéristiques d’activation et de dysfonctionnement des lymphocytes T.
    • Persistance des cellules TRM rénales : Des cellules TRM se sont formées dans les reins des souris NOH, persistant et dominant la réponse immunitaire locale. L’absorption et la présentation croisée de l’OVA ont été détectées dans les cellules épithéliales tubulaires rénales.
    • Pertinence pour les maladies humaines : L’équipe de recherche a également trouvé des lymphocytes T avec des marqueurs de cellules TRM dans les tissus rénaux humains atteints de néphrite interstitielle, soutenant le rôle de ces cellules dans le maintien de l’auto-immunité rénale humaine.

Signification et conclusions de la recherche

Valeur scientifique et perspectives d’application

Cette étude révèle comment les réponses immunitaires spécifiques aux tissus sont séparées des réponses immunitaires systémiques et conduisent à des réponses immunitaires compartimentées dans les reins de souris et humains. L’étude suggère que le ciblage des cellules TRM pourrait devenir une nouvelle stratégie pour contrôler les maladies rénales à médiation immunitaire.

Points forts de la recherche

  • Découverte du rôle des cellules TRM dans les reins : Les cellules TRM peuvent persister localement dans les reins et médier la néphrite à médiation immunitaire, offrant de nouvelles perspectives sur la persistance des réponses auto-immunes.
  • Nouveau modèle expérimental : Un nouveau modèle de souris a été établi avec succès en utilisant des cellules OT-1 à phénotype mixte, ce modèle simulant les maladies rénales à médiation immunitaire humaines.
  • Fort potentiel de translation : Les résultats de la recherche montrent le potentiel des cellules TRM comme cibles thérapeutiques, pouvant servir de base importante pour le développement de nouvelles thérapies pour les maladies rénales à médiation immunitaire.

L’étude montre que l’utilisation d’une stratégie de rupture de la tolérance immunitaire aux auto-antigènes par les lymphocytes T peut simuler et explorer les mécanismes de médiation immunitaire rénale, fournissant un soutien théorique et pratique pour les futures immunothérapies. Cette recherche aide non seulement la communauté académique à comprendre le rôle des cellules TRM dans l’auto-immunité, mais offre également de nouvelles directions thérapeutiques pour la clinique.