Altérations de l'expression génétique dans la moelle épinière des macaques infectés par le SIV sous traitement antirétroviral

Une étude du laboratoire NARP révèle l’impact de l’infection par le SIV sur l’expression génique de la moelle épinière

Contexte

Malgré la mise en œuvre du traitement antirétroviral (TAR), la neuropathie périphérique associée au VIH (VIH-DSP) reste l’une des manifestations neurologiques les plus courantes de l’infection par le VIH. Les symptômes cliniques du VIH-DSP comprennent la faiblesse, l’engourdissement, la sensation de brûlure et l’hypersensibilité. Bien que le TAR contrôle la réplication virale, jusqu’à un tiers des patients atteints du VIH continuent de présenter des symptômes de VIH-DSP. Le mécanisme exact de ce phénomène n’est pas entièrement clair, mais on pense actuellement que le VIH-DSP est causé par les effets directs et indirects du virus ainsi que par la toxicité potentielle de certains médicaments TAR (tels que les inhibiteurs de la transcriptase inverse et les inhibiteurs de protéase). De plus, certaines maladies comme le diabète et le vieillissement peuvent jouer un rôle facilitateur.

La moelle épinière est un élément central des voies de la douleur et de la sensation, les récepteurs sensoriels transmettant des sensations nociceptives à la moelle épinière via les neurones sensoriels des ganglions de la racine dorsale (DRG), tandis que les neurones de la corne dorsale de la moelle épinière transmettent l’information sensorielle au thalamus via plusieurs voies, projetant finalement vers le cortex sensoriel du cerveau. Cependant, des données moléculaires et morphologiques détaillées sur la moelle épinière des patients infectés par le VIH ont été limitées depuis l’utilisation généralisée du TAR.

Source de l’étude

Cet article a été rédigé en collaboration par des scientifiques de la Johns Hopkins University School of Medicine, dont Kathleen R. Mulka, Suzanne E. Queen, Lisa M. Mangus, Sarah E. Beck, Audrey C. Knight, Megan E. McCarron, Clarisse V. Solis, Arlon J. Wizzard, Jyotsna Jayaram, Carlo Colantuoni et Joseph L. Mankowski, et publié dans le Journal of Neuroimmune Pharmacology en 2024 (DOI: 10.1007/s11481-024-10130-0).

Processus de recherche

Modèle expérimental

L’étude utilise un modèle d’infection par le SIV chez le macaque, qui permet d’évaluer les changements dans la moelle épinière à des moments clés de l’infection expérimentale et de la suppression virale induite par le TAR. L’équipe de recherche a effectué un séquençage de l’ARN (RNA-Seq) sur la moelle épinière de macaques non infectés (contrôle), infectés uniquement (SIV+), et infectés et traités par TAR (SIV + TAR), et a cartographié les changements d’expression génique à des types cellulaires spécifiques via la plateforme SeqSeek.

Traitement des échantillons

Des macaques mâles âgés de 2 à 9 ans ont été sélectionnés pour l’expérience, tous testés négatifs pour le SIV et n’exprimant pas le gène neuroprotecteur Mane-A1*084:01:01. L’étude a été divisée en trois groupes : le groupe témoin (non infecté et non traité), le groupe SIV+ (infecté par le SIV et non traité), et le groupe SIV + TAR (infecté par le SIV et traité par TAR). Un protocole standard d’infection par le SIV a été utilisé, combinant une injection intraveineuse du clone moléculaire neurovirulent SIV/17E-FR et du SIV immunosuppresseur SIV/DeltaB670.

Collecte des échantillons et extraction de l’ARN

Les singes expérimentaux ont été euthanasiés à différents moments, et les échantillons de moelle épinière ont été rapidement congelés et conservés à -80°C. L’ARN a été extrait de 100 mg d’échantillons de moelle épinière lombaire congelés, et les échantillons ont été soumis à une analyse de séquençage RNA-Seq global.

Analyse des données

Le centre d’analyse bioinformatique a été utilisé pour l’alignement des lectures, le logiciel DESeq2 pour le calcul des niveaux d’expression des gènes et des transcrits, et l’analyse de l’expression différentielle des gènes. Les plateformes Enrichr et SeqSeek ont été utilisées pour l’analyse des voies génétiques.

Principaux résultats de la recherche

Impact de l’infection par le SIV sur l’expression génique

Le séquençage RNA-Seq a révélé que dans les échantillons de moelle épinière infectés par le SIV, les gènes régulés à la hausse étaient principalement concentrés dans les voies liées à la signalisation de l’interféron et à la réponse virale, y compris ISG15, OAS1, IFI27, etc. La régulation à la hausse de ces gènes démontre une forte réponse antivirale après l’infection par le SIV. L’analyse statistique a identifié 563 gènes régulés à la hausse et 437 gènes régulés à la baisse, ces derniers étant principalement impliqués dans la biosynthèse du cholestérol et l’organisation de la matrice extracellulaire.

Comparaison entre le groupe SIV+TAR et le groupe témoin

Dans le groupe SIV + TAR, l’ARN viral du SIV n’a pas été détecté dans les tissus de la moelle épinière, mais l’ADN était toujours présent. Par rapport au groupe témoin, 501 gènes étaient régulés à la hausse et 279 gènes étaient régulés à la baisse dans le groupe SIV + TAR. Les gènes régulés à la hausse étaient principalement impliqués dans les voies des récepteurs de neurotransmetteurs et de la signalisation post-synaptique, indiquant que les voies de signalisation neuronale étaient actives dans la moelle épinière du groupe SIV+TAR.

Hétérogénéité de l’expression génique

Dans le groupe SIV+TAR, il existait une hétérogénéité dans l’expression génique, avec certains singes montrant une régulation à la hausse des gènes liés à la signalisation synaptique neuronale, tandis que d’autres montraient une régulation à la hausse des marqueurs d’inflammation, suggérant que bien que le TAR ait supprimé le virus, il existait toujours des différences dans la réponse de l’expression génique entre les individus.

Conclusion

Cette étude démontre les effets différents de l’infection par le SIV et du TAR sur l’expression génique de la moelle épinière des macaques : le groupe infecté par le SIV sans traitement TAR a montré une forte réponse antivirale et inflammatoire, tandis que le groupe infecté par le SIV traité par TAR a montré une activité significative des voies de neurotransmetteurs et de signalisation post-synaptique. Ces découvertes jettent les bases de futures recherches sur l’impact de l’infection par le SIV et le VIH et du traitement TAR sur la moelle épinière, et pourraient potentiellement fournir de nouvelles directions pour les interventions thérapeutiques contre les neuropathies associées au VIH.