Vers le Risque Génétique en Cascade dans la Maladie d'Alzheimer

Modèle en cascade pour l’étude du risque génétique de la maladie d’Alzheimer

Contexte et motivation de la recherche

La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neurodégénérative à progression lente, caractérisée principalement par l’accumulation de deux caractéristiques pathologiques : les plaques amyloïdes et les enchevêtrements neurofibrillaires de tau phosphorylée. Ces caractéristiques pathologiques sont généralement présentes des années avant la perte de mémoire et le déclin des fonctions exécutives. Les plaques amyloïdes commencent généralement à s’accumuler environ 20 ans avant l’apparition des symptômes cliniques de la MA, tandis que la distribution spatiale des enchevêtrements de tau est plus étroitement liée aux déficits cognitifs et à la neurodégénérescence rapportés.

Ces dernières années, une série de cadres théoriques basés sur les progrès des biomarqueurs de la MA ont été proposés. Parmi ces cadres, le modèle basé sur le “cadre Amyloïde-Tau-Neurodégénérescence” (ATN) est particulièrement remarquable. Dans ce modèle, la progression de la MA se produit séquentiellement selon l’ordre de l’amyloïde (A), de la protéine tau (T) et de la neurodégénérescence (N), chaque marqueur pouvant être positif (+) ou négatif (-).

Les études d’association pangénomique (GWAS) ont révélé environ 90 loci génétiques impliqués dans le développement de la maladie d’Alzheimer à début tardif. Cependant, on ne sait pas encore si la contribution de ces gènes est égale à tous les stades de la maladie ou s’ils présentent des effets dépendants du stade. Par conséquent, cette étude vise à explorer si le risque génétique de la maladie d’Alzheimer diffère à différents stades de la progression de la maladie.

Source de l’étude

Cette étude a été réalisée conjointement par des chercheurs de plusieurs institutions, notamment : - Plusieurs chercheurs de l’University College London (UCL) ; - Des chercheurs de l’University of Southern California.

Cet article a été publié le 31 mai 2024 dans la revue “Brain” (DOI : https://doi.org/10.1093/brain/awae176).

Processus et méthodes de recherche

Cette étude explore la relation entre le risque génétique et la progression de la MA. Pour examiner cette relation, les chercheurs ont obtenu des données longitudinales contenant des informations sur les biomarqueurs amyloïdes et tau de la base de données ADNI, et ont appliqué le modèle de risques proportionnels de Cox pour l’analyse.

L’étude comprend deux étapes principales :

Étape 1 : Analyse de la transition de A-T- à A+T-

Cette analyse est basée sur les données de 312 participants initialement A-T- qui avaient des informations génétiques et des biomarqueurs. Parmi ces 312 participants, 65 ont ensuite évolué vers A+T-. Le modèle de risques proportionnels de Cox a été utilisé pour estimer la contribution de l’APOE et des scores de risque polygénique (PRS, excluant APOE).

Principales découvertes :

  • La charge allélique APOE-e4 influence significativement la transition de A-T- à A+T- (HR = 2,88, IC 95% : 1,70-4,89, p < 0,001).
  • Le PRS n’a pas d’impact significatif sur cette transition (HR = 1,09, IC 95% : 0,84-1,42, p = 0,53).

Étape 2 : Analyse de la transition de A+T- à A+T+

Cette analyse inclut les données de 290 participants A+T-, dont 45 ont évolué vers A+T+ lors des collectes de données ultérieures. Le modèle de Cox a également été appliqué, en ajustant pour l’âge, le sexe, les années d’éducation et d’autres variables, pour estimer la contribution de l’APOE et du PRS.

Principales découvertes :

  • La charge allélique APOE-e4 contribue moins à la transition de A+T- à A+T+ (HR = 1,62, IC 95% : 1,05-2,51, p = 0,031).
  • Le PRS contribue davantage à ce processus (HR = 1,73, IC 95% : 1,27-2,36, p < 0,001).

Conclusions de l’étude

Cette étude démontre clairement que le risque génétique de la maladie d’Alzheimer à début tardif a un impact différencié selon les stades de développement de la maladie. L’allèle APOE-e4 favorise principalement l’accumulation précoce d’amyloïde, tandis que le risque polygénique joue un rôle plus significatif dans le développement de la pathologie tau. Cette découverte promet non seulement d’améliorer la compréhension des mécanismes moléculaires de la maladie d’Alzheimer, mais offre également une fenêtre potentielle pour des interventions médicales précises.

Points forts de l’étude

  • Impact génétique différencié : Cette étude est la première à établir clairement que le risque génétique de la MA n’est pas égal à tous les stades de la maladie, mais présente une dépendance au stade.
  • Contribution spécifique du risque polygénique : Dans les études précédentes, le risque génétique était souvent considéré comme un facteur constant. Cette étude brise cette perception en montrant l’impact significatif du risque polygénique dans les stades pathologiques liés à tau.
  • Effet protecteur du niveau d’éducation : Les données montrent qu’un niveau d’éducation élevé a un effet protecteur contre la progression de A+T- à A+T+, suggérant le rôle complexe des facteurs non génétiques dans la progression de la MA.

Autres informations précieuses

Cette étude a également effectué plusieurs analyses de sensibilité, notamment en assouplissant les définitions de progression, en ajustant les seuils des biomarqueurs, en utilisant uniquement les biomarqueurs PET ou CSF, et en appliquant différentes sources de PRS. Les résultats montrent que, malgré une réduction de la taille de l’échantillon, ces analyses de sensibilité sont cohérentes avec l’analyse principale, validant davantage la fiabilité des conclusions de l’étude.

Signification de l’étude

Cette étude représente un pas important dans la compréhension de la dépendance au stade du risque génétique. Sur la base de ces découvertes, on peut anticiper que des traitements personnalisés et des interventions ciblées sur des stades spécifiques offriront de nouvelles orientations pour le traitement de la maladie d’Alzheimer. Cela permettra non seulement d’approfondir la compréhension des mécanismes pathologiques, mais aussi d’améliorer l’efficacité de la médecine de précision.

À la lumière des résultats de cette étude, les chercheurs appellent à des recherches supplémentaires pour élargir la compréhension du rôle des facteurs génétiques et non génétiques à différents stades pathologiques, en particulier la nécessité d’études longitudinales à grande échelle pour confirmer ces découvertes clés.

Ce travail offre une nouvelle perspective passionnante pour explorer la pathologie complexe de la maladie d’Alzheimer, stimulant la recherche d’interventions précises ciblant différents stades de la maladie.