Utilisation de concentrés de facteurs de coagulation et de transfusion sanguine en chirurgie cardiaque : une étude de cohorte rétrospective chez des adultes atteints de troubles hémorragiques héréditaires et acquis
Utilisation des concentrés de facteurs de coagulation et des transfusions sanguines en chirurgie cardiaque : une étude de cohorte rétrospective chez des adultes atteints de troubles hémorragiques héréditaires et acquis
Contexte académique
La chirurgie cardiaque est une intervention à haut risque, en particulier pour les patients atteints de troubles hémorragiques, où le risque de saignement périopératoire et de transfusion sanguine allogénique est significativement accru. Les troubles hémorragiques sont classés en deux catégories : héréditaires (comme l’hémophilie et la maladie de von Willebrand) et acquis (liés à des maladies hépatiques, au syndrome des anticorps antiphospholipides, etc.). Ces dernières années, l’utilisation de concentrés de facteurs de coagulation (CFC) a augmenté, jouant potentiellement un rôle important dans la réduction des risques hémorragiques, des événements thromboemboliques et des coûts médicaux. Cependant, les recherches existantes sur l’utilisation de ces médicaments chez les patients en chirurgie cardiaque et leur impact sur les résultats des patients restent limitées.
Cette étude vise à décrire l’utilisation des CFC et des produits sanguins allogéniques chez les patients en chirurgie cardiaque en analysant les données de la base de données Premier Health Database (PHD) aux États-Unis, et à évaluer leur association avec les saignements périopératoires, les événements thromboemboliques, les coûts hospitaliers, etc.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Kenichi A. Tanaka et ses collègues, issus du département d’anesthésiologie de l’Université des sciences de la santé de l’Oklahoma, du département de pathologie d’Emory Healthcare, entre autres institutions. L’article a été publié en ligne le 18 octobre 2024 dans le British Journal of Anaesthesia, volume 133, numéro 6, pages 1150-1158.
Méthodes de recherche
Source des données
L’étude a utilisé la base de données Premier Health Database (PHD), une base de données hospitalière, de niveau service, couvrant les données d’hospitalisation et de consultation externe dans les zones urbaines et rurales des États-Unis. La base de données comprend des informations provenant de 1100 hôpitaux, dont 372 offrant des services de chirurgie cardiaque. Toutes les données sont anonymisées conformément à la loi HIPAA (Health Insurance Portability and Accountability Act).
Sélection des patients
L’étude a sélectionné des patients adultes (âgés de 18 ans ou plus) ayant subi une chirurgie cardiaque (pontage aorto-coronarien, réparation ou remplacement de la valve mitrale ou aortique) entre 2017 et 2021. Les patients ont été classés en trois groupes selon les codes de diagnostic ICD-10 : troubles hémorragiques héréditaires, troubles hémorragiques acquis et sans troubles hémorragiques. Les troubles hémorragiques héréditaires incluent l’hémophilie A (D66), l’hémophilie B (D67), la maladie de von Willebrand (D68.0) et le déficit en facteur XI (D68.1). Les troubles hémorragiques acquis incluent l’hémophilie acquise (D68.311), les saignements liés aux anticorps antiphospholipides (D68.312) et les déficits acquis en facteurs de coagulation (D68.4).
Résultats de l’étude
Les principaux résultats de l’étude concernent l’utilisation des CFC et des produits sanguins allogéniques. Les résultats secondaires incluent les coûts hospitaliers, les frais de pharmacie, les frais de banque de sang, la durée de l’intervention chirurgicale, les saignements périopératoires, les événements thromboemboliques, les lésions rénales aiguës (AKI), la durée d’hospitalisation et la mortalité.
Analyse statistique
Aucun calcul de taille d’échantillon n’a été effectué, car il s’agit d’une étude exploratoire et descriptive. Les données catégorielles ont été résumées à l’aide de fréquences et de proportions, tandis que les données continues ont été décrites à l’aide de moyennes, d’écarts-types ou de médianes et d’intervalles interquartiles. Les différences entre les groupes ont été analysées à l’aide de tests du chi carré, de Fisher, de t-tests ou de tests de Wilcoxon, avec un seuil de significativité de α < 0,05.
Résultats de l’étude
Caractéristiques des patients
L’étude a sélectionné 1662 patients atteints de troubles hémorragiques et 8202 patients sans troubles hémorragiques dans 372 hôpitaux. Au final, le groupe des troubles hémorragiques héréditaires comptait 449 patients, celui des troubles hémorragiques acquis 1162 patients, et le groupe sans troubles hémorragiques 7261 patients. Dans le groupe des troubles hémorragiques héréditaires, 27,8 % des patients étaient atteints de la maladie de von Willebrand, 10,5 % d’hémophilie A, 4,0 % d’hémophilie B et 4,0 % de déficit en facteur XI. Dans le groupe des troubles hémorragiques acquis, 99,8 % des patients avaient un diagnostic de déficit acquis en facteurs de coagulation (D68.4).
Utilisation des concentrés de facteurs de coagulation
Le groupe des troubles hémorragiques acquis a utilisé significativement plus de CFC que les autres groupes. Dans ce groupe, 24 % des patients ont reçu du facteur VIIa recombinant activé (FVIIa) et 11,7 % ont reçu du concentré de complexe prothrombique (PCC). Dans le groupe des troubles hémorragiques héréditaires, 35,3 % des patients ont reçu du facteur von Willebrand (VWF), du facteur VIII (FVIII) ou du facteur IX (FIX), et 43,2 % ont reçu de la desmopressine (DDAVP).
Complications et résultats hospitaliers
Le groupe des troubles hémorragiques acquis a présenté un taux de complications significativement plus élevé que les autres groupes, avec un taux de saignement périopératoire de 15,8 % et un taux d’événements thromboemboliques de 19,2 %. La durée d’hospitalisation et de séjour en unité de soins intensifs (USI) était également significativement plus longue dans ce groupe, avec un taux de mortalité le plus élevé (19,2 %). Le groupe des troubles hémorragiques héréditaires a eu des durées d’hospitalisation et de séjour en USI légèrement plus longues que le groupe sans troubles hémorragiques, mais la différence n’était pas significative.
Analyse des coûts
Le coût hospitalier médian du groupe des troubles hémorragiques acquis était de 79 502 $, significativement plus élevé que celui du groupe des troubles hémorragiques héréditaires (54 674 $) et du groupe sans troubles hémorragiques (43 196 $). Les frais médians de banque de sang pour le groupe des troubles hémorragiques acquis étaient de 10 925 $, soit 2,4 fois plus élevés que ceux du groupe des troubles hémorragiques héréditaires et 5,7 fois plus élevés que ceux du groupe sans troubles hémorragiques.
Discussion
Gestion des troubles hémorragiques héréditaires
Les patients atteints de troubles hémorragiques héréditaires sont généralement traités par un remplacement prophylactique préopératoire des facteurs de coagulation pour maintenir les niveaux plasmatiques entre 80 % et 100 %, avec une réduction progressive postopératoire. Cette étude montre que les patients atteints de troubles hémorragiques héréditaires peuvent subir une chirurgie cardiaque en toute sécurité avec des durées d’hospitalisation et de séjour en USI seulement légèrement plus longues que les patients sans troubles hémorragiques.
Défis des troubles hémorragiques acquis
Les patients atteints de troubles hémorragiques acquis, souvent associés à des maladies hépatiques complexes, présentent un risque accru de saignement postopératoire et de complications. Cette étude révèle que les patients atteints de troubles hémorragiques acquis ont des durées d’intervention plus longues, plus de complications postopératoires et des coûts hospitaliers significativement plus élevés. Malgré l’utilisation de CFC, ces patients restent exposés à un risque élevé d’événements thromboemboliques et de mortalité.
Coûts et utilisation des ressources
Les coûts médicaux du groupe des troubles hémorragiques acquis sont significativement plus élevés que ceux des autres groupes, en particulier les frais de banque de sang et de pharmacie. Cela indique que le traitement des patients atteints de troubles hémorragiques acquis nécessite non seulement plus de ressources médicales, mais entraîne également des coûts médicaux plus élevés.
Conclusion
Cette étude montre que les patients atteints de troubles hémorragiques acquis en chirurgie cardiaque nécessitent plus de CFC et de produits sanguins, avec des complications postopératoires et des coûts médicaux significativement plus élevés. Les patients atteints de troubles hémorragiques héréditaires peuvent subir une chirurgie en toute sécurité grâce à un remplacement approprié des facteurs de coagulation, avec une augmentation non significative de la durée d’hospitalisation et des coûts. Des recherches futures devraient optimiser les stratégies de gestion de l’hémostase périopératoire et de prophylaxie thrombotique pour améliorer les résultats des patients et réduire les coûts médicaux.
Points clés de l’étude
- Découverte importante : Les patients atteints de troubles hémorragiques acquis ayant reçu des CFC présentent un risque accru de saignement et d’événements thromboemboliques, avec des coûts médicaux significativement plus élevés que les patients atteints de troubles hémorragiques héréditaires ou sans troubles hémorragiques.
- Innovation méthodologique : Cette étude est la première à analyser systématiquement l’utilisation des CFC en chirurgie cardiaque et leur impact sur les résultats des patients à partir d’une base de données nationale d’assurance.
- Signification clinique : Les résultats soulignent l’importance d’optimiser la gestion de l’hémostase périopératoire et les stratégies de prophylaxie thrombotique, en particulier pour les patients atteints de troubles hémorragiques acquis.
Autres informations utiles
Les limites de cette étude incluent l’utilisation d’une base de données d’assurance, qui peut contenir des erreurs de codage ou des données manquantes, et l’absence de données détaillées sur les résultats de laboratoire et les temps de traitement. Néanmoins, cette étude fournit des informations précieuses pour la gestion des patients atteints de troubles hémorragiques en chirurgie cardiaque.