Réexamen de la résistance mutationnelle à l'ampicilline et au céfotaxime chez Haemophilus influenzae

Réexamen de la résistance mutationnelle à l’ampicilline et au céfotaxime chez Haemophilus influenzae

Contexte et Motivation

Haemophilus influenzae est un pathogène bactérien opportuniste pouvant causer des infections graves des voies respiratoires et des infections invasives telles que la septicémie et la méningite, en particulier chez les populations vulnérables comme les nourrissons, les personnes âgées et les individus immunodéprimés. Ces dernières années, l’émergence des souches résistantes à l’ampicilline sans production de β-lactamase (BLNAR - β-lactamase-negative ampicillin-resistant) et les corrélations ambiguës entre la résistance génotypique et phénotypique ont compliqué les traitements empiriques et la prise en charge des patients.

Les antibiotiques β-lactamines, tels que l’ampicilline, ont été historiquement le traitement de choix. Cependant, en raison de l’augmentation des souches résistantes à l’ampicilline, les recommandations thérapeutiques dans de nombreux pays ont évolué vers des combinaisons β-lactamine/inhibiteur de β-lactamase ou des céphalosporines de troisième génération. Bien que les mutations dans le gène ftsi, qui code pour la protéine liant la pénicilline 3 (PBP3), soient un mécanisme connu de résistance, d’autres gènes et mutations potentielles pourraient également jouer un rôle. L’objectif de cette recherche est donc de revisiter les mécanismes moléculaires de résistance et d’explorer de nouveaux déterminants de résistance.

Source et Auteurs

Cet article intitulé « Revisiting mutational resistance to ampicillin and cefotaxime in Haemophilus influenzae » a été publié dans le journal Genome Medicine (2024). Les auteurs incluent des chercheurs provenant de plusieurs institutions académiques européennes.

Méthodologie et Plan de Travail

Le projet de recherche comporte trois volets analytiques principaux :

  1. Analyse exhaustive de la littérature et méta-analyse :

    • Étude de 291 isolats de H. influenzae β-lactamase-négatifs pour analyser les corrélations entre les mutations associées à PBP3 (groupes I, II et III) et la résistance à l’ampicilline ainsi qu’au céfotaxime.
  2. Approche phylogénomique globale :

    • Analyse d’un ensemble de 555 génomes de H. influenzae issus de la base de données PubMLST afin de comprendre les trajectoires évolutives des mutations dans le gène ftsi.
  3. Microbial Genome-Wide Association Study (GWAS) :

    • Analyse génomique de 298 isolats cliniques pour identifier et valider de nouveaux déterminants génétiques potentiels de résistance aux antibiotiques.

Les données phénotypiques sur les concentrations minimales inhibitrices (MIC) ont été obtenues à l’aide des méthodes de bandes de diffusion en gradient (par exemple, Etest) et de microdilution avec des critères d’interprétation EUCAST et CLSI.

Résultats et Observations

  1. Résistance associée aux mutations PBP3 :

    • Les souches du groupe II de PBP3 ont une association significative avec la résistance à l’ampicilline, bien que près de la moitié de ces souches soient classées comme sensibles selon leurs résultats phénotypiques.
    • Les souches du groupe III de PBP3 montrent une résistance accrue au céfotaxime, bien qu’une variabilité soit observée en fonction des mutations accumulées.
  2. Découvertes phylogénomiques :

    • Les mutations spécifiques associées à PBP3 (telles que a502v et n526k) se produisent indépendamment dans différentes lignées évolutives, indiquant une évolution convergente sous pression sélective.
  3. Résultats du GWAS :

    • Le gène ftsi (codant PBP3) est fortement associé à la résistance à l’ampicilline. Les mutations a502v, n526k et m377i sont particulièrement prédictives de la résistance.
    • Des gènes additionnels, tels que rd_05960, oppA, rida et ompP2, apparaissent comme des candidats plausibles pour influencer la résistance mais nécessitent davantage de validation.
  4. Analyse des haplotypes de mutations PBP3 :

    • Le réseau d’haplotypes identifie le « H1 » comme le plus fréquent chez les isolats résistants, intégrant les mutations m377i, a502v et n526k.

Signification et Implications Cliniques

  1. Recommandations thérapeutiques :

    • Il est suggéré d’adopter une zone d’incertitude technique (« ATU » en anglais) pour les isolats dont la concentration minimale inhibitrice (MIC) se rapproche des seuils cliniques. Lorsque disponible, les données génotypiques peuvent guider les décisions thérapeutiques.
  2. Perspectives en santé publique :

    • Apporter des bases de données robustes sur les gènes de résistance pour aider à surveiller et contrôler la propagation de souches résistantes.
  3. Amélioration des outils de diagnostic :

    • Les résultats ouvrent la voie à des approches basées sur l’apprentissage machine pour prédire plus précisément la résistance antibiotique.

Limites et Suggestions Futures

  • Limites :

    • Le manque de données harmonisées sur les tests de sensibilité phénotypique (MIC).
    • L’utilisation d’une méthode basée sur un génome de référence pourrait masquer certains déterminants de résistance absents dans l’isolat de référence.
  • Suggestions pour l’avenir :

    • Consolider de vastes cohortes provenant de multiples régions géographiques pour améliorer la puissance des études GWAS.
    • Intégrer des algorithmes de machine learning pour prédire les résistances en utilisant des données quantitatives complètes.

Conclusion

Cette recherche met en lumière les mécanismes mutationnels complexes de résistance chez Haemophilus influenzae. Les groupes PBP3 ne peuvent pas à eux seuls expliquer la diversité phénotypique observée. Une meilleure intégration des informations phénotypiques et génotypiques est nécessaire pour élaborer des stratégies thérapeutiques plus efficaces. Enfin, des études supplémentaires permettront de clarifier le rôle des nouveaux gènes candidats identifiés et de valider leur importance clinique. “`