Suivi in situ des lymphocytes T cibles liés aux inhibiteurs de points de contrôle chez les patients atteints de colite induite par les points de contrôle

Suivi des lymphocytes T cibles des inhibiteurs de points de contrôle in situ

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Contexte académique

Les inhibiteurs de points de contrôle (Check Point Inhibitors, CPI) ont révolutionné le traitement du cancer en bloquant les signaux de régulation immunitaire médiés par les molécules de points de contrôle, rétablissant ainsi la fonction des lymphocytes T pour éliminer les cellules cancéreuses. Cependant, ces thérapies entraînent également une série d’événements indésirables liés à l’immunité (immune-related adverse events, IRAEs), les inflammations gastro-intestinales étant les plus courantes, affectant environ 60 % des patients. Bien que les IRAEs de l’intestin, de la peau et des articulations soient associées à une amélioration de la survie au cancer, leurs effets secondaires graves augmentent la charge médicale. Bien que les mécanismes immunopathologiques spécifiques des IRAEs ne soient pas encore entièrement compris, ils pourraient être dus à une activation désordonnée des lymphocytes T en réponse aux auto-antigènes ou aux micro-organismes symbiotiques.

CTLA-4 (antigène 4 associé aux lymphocytes T cytotoxiques), PD-1 (protéine 1 de mort cellulaire programmée) et son ligand PD-L1 sont les principaux points de contrôle immunitaire ciblés par les CPI, dont l’expression sur les lymphocytes T augmente avec l’activation. Le CTLA-4 concurrence le co-stimulateur CD28 pour les ligands CD80 et CD86, tandis que le PD-1 se lie à ses ligands PD-L1 et PD-L2, conduisant des signaux inhibiteurs du récepteur des lymphocytes T (TCR). Ces effets favorisent l’épuisement des lymphocytes T, inhibant leur capacité à éliminer les cellules cancéreuses. Les anti-CTLA-4 et anti-PD-1 inversent cet effet, rétablissant la capacité des lymphocytes T à réagir aux antigènes tumoraux. Les IRAEs induites par les CPI sont considérées comme étant conduites par les mêmes principes.

Source de l’étude

Cet article a été rédigé conjointement par Tarun Gupta, Agne Antanaviciute, Chloe Hyun-Jung Lee et d’autres auteurs, affiliés à l’Institut MRC Weatherall de médecine moléculaire de l’Université d’Oxford et à l’unité de découverte immunitaire translationnelle de l’hôpital John Radcliffe de l’Université d’Oxford. Cette étude a été publiée le 13 mai 2024 dans la revue « Cancer Cell » sous le titre “Tracking in situ checkpoint inhibitor-bound target T cells in patients with checkpoint-induced colitis”.

Détails de l’étude

Méthodologie de l’étude

Dans cette étude, les auteurs ont utilisé le séquençage de l’ARN unicellulaire multimodal (single-cell RNA sequencing, scRNA-seq) et la transcriptomique spatiale subcellulaire (spatial transcriptomics, ST) pour suivre les lymphocytes T liés aux CPI dans le sang et les tissus intestinaux des patients ayant développé une colite due aux CPI, afin d’étudier leur rôle dans la colite.

  1. Construction de l’atlas de référence unicellulaire :
    • Les échantillons provenaient de patients atteints de colite recevant une monothérapie CPI (anti-PD-1, nivolumab ou pembrolizumab) et une bithérapie (anti-PD-1 et anti-CTLA-4, ipilimumab), ainsi que des cellules mononucléaires du sang périphérique (PBMC) et des tissus coliques des patients atteints de colite, du groupe témoin sain, des patients CPI sans colite et des témoins inflammatoires non traités par CPI (colite ulcéreuse, UC).
    • Cet atlas unicellulaire englobait 186 838 cellules de 72 donneurs, comprenant des sous-populations d’épithélium, de stroma et de cellules immunitaires.
    • Une analyse de cluster a identifié diverses cellules attendues dans le côlon, particulièrement dans les échantillons de colite due aux CPI, où des populations spécifiques de fibroblastes « activés » et des changements phénotypiques dans les cellules épithéliales, gliales, endothéliales et macrophages ont été observés.
  2. Analyse de la transcriptomique spatiale :
    • 18 coupes tissulaires provenant de 16 donneurs ont été analysées, intégrant 25 672 points de couverture ST pour révéler 19 régions spatiales communes annotées par localisation anatomique ou types cellulaires représentatifs.
    • Ont été identifiés des types cellulaires communs reflétant la structure du tissu colique, comme les cellules cryptiques apicales et profondes.
    • Des analyses détaillées à une résolution subcellulaire ont capturé toutes les principales populations cellulaires, y compris les neutrophiles et les segments cellulaires difficilement accessibles.
  3. Détection des cellules unicellulaires liées aux CPI :
    • Un total de 72 561 lymphocytes T CD3+ des biopsies coliques et 36 176 cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) appariées a été séquencé, permettant le suivi des clones de lymphocytes T dans le côlon et le sang périphérique.
    • Une analyse CITE-seq a montré une réduction de la liaison des anticorps anti-PD-1 par rapport aux échantillons témoins traités par CPI et une corrélation diminuée entre l’ARNm PD-1 et la détection de protéines.
    • Un modèle de régression quantile par forêts aléatoires a prédit l’expression de PD-1 dans les échantillons sans traitement par CPI, identifiant et analysant les cellules possiblement liées aux CPI.
  4. Comparaison de l’état des lymphocytes T dans les échantillons de colite :
    • Les lymphocytes T CD4+ (incluant les Tregs, TFH, TH17) et certains lymphocytes T CD8+ étaient principalement liés aux CPI.

Principaux résultats

Cette étude a mis en évidence les caractéristiques de distribution des cellules cibles liées aux CPI dans les tissus inflammatoires et non inflammatoires, définissant les microdomaines cellulaires pathogènes responsables de la colite et les comparant aux microdomaines de l’UC.

  1. Analyse multimodale pour déterminer les causes et les voies :
    • Les lymphocytes T liés aux CPI étaient principalement des lymphocytes T CD4+ (incluant les T auxiliaires périphériques, les T auxiliaires folliculaires, les T régulateurs).
    • Les lymphocytes T CD8+ IFN-γ provenaient des populations mémoires résidentes tissulaires (TRM) et périphériques, montrant une occupation plus restreinte des cibles et se localisant conjointement avec les microdomaines épithéliaux endommagés dépourvus de signaux régulateurs efficaces.
    • Les lymphocytes TH17 CD4+ liés aux CPI étaient la principale source d’IFN-γ dans la colite.
  2. Distribution spécifique des lymphocytes T dans différents tissus :
    • Les sous-populations de lymphocytes T co-localisaient avec les cellules épithéliales dans les tissus des patients atteints de colite, et il a été observé une augmentation des lymphocytes T non liés aux CPI exprimant Cxcl13, co-localisés avec les macrophages.
  3. Analyse spatiale raffine les caractéristiques des microdomaines cibles :
    • En marquant les cellules cibles des CPI et en utilisant la transcriptomique spatiale à haute résolution, on a détecté une augmentation de la proportion des cellules cibles des CPI dans les régions riches en tissus fasciaux et en infiltration immunitaire. Cela a permis de mieux comprendre les modèles d’activation et de migration des lymphocytes T induits par les CPI.

Conclusion

Cette étude, en utilisant le séquençage de l’ARN unicellulaire multimodal et la transcriptomique spatiale, a complètement analysé les caractéristiques de distribution des lymphocytes T liés aux CPI dans la colite et leurs mécanismes pathogènes. Elle a révélé le rôle des lymphocytes T liés aux CPI dans la pathogenèse et comparé avec les mécanismes de contrôle de l’inflammation en l’absence de traitement CPI. Ces découvertes offrent non seulement des perspectives approfondies sur les mécanismes pathologiques des colites associées aux CPI, mais fournissent également de nouvelles idées pour gérer les effets secondaires des thérapies CPI à l’avenir.

Points forts de l’étude :

  1. Découvertes importantes :
    • Identification des sous-populations spécifiques de lymphocytes T associés aux CPI dans la colite et de leurs microdomaines pathogènes.
  2. Innovation méthodologique :
    • Combinaison des techniques de séquençage de l’ARN unicellulaire multimodal et de transcriptomique spatiale à haute résolution pour découvrir les mécanismes moléculaires de la colite liée aux CPI.
  3. Valeur scientifique et appliquée :
    • Offre de nouveaux cibles et stratégies pour la gestion des effets secondaires des traitements CPI en médecine de précision.

L’exploration approfondie et les innovations techniques de cette étude offrent une base importante pour la recherche des mécanismes des effets secondaires des thérapies immuno-oncologiques, pouvant jouer un rôle clé dans les diagnostics et l’optimisation des traitements à l’avenir.