La chaîne lourde H3 de l'inhibiteur d'alpha-trypsine inter-alpha est un biomarqueur potentiel de l'activité de la maladie dans la myasthénie grave

Contexte de la recherche

La myasthénie grave (Myasthenia Gravis, MG) est une maladie auto-immune chronique médiée par des anticorps, qui affecte principalement la transmission synaptique au niveau de la jonction neuromusculaire. Environ 85 % des patients atteints de MG sont médiés par des anticorps dirigés contre les récepteurs de l’acétylcholine (AChR). Les caractéristiques cliniques de cette maladie incluent une faiblesse musculaire, en particulier une faiblesse musculaire liée à la fatigue. Bien que des niveaux d’anticorps anti-AChR soient actuellement utilisés comme indicateurs diagnostiques, leur valeur prédictive pour l’activité de la maladie reste controversée. Cela crée une lacune de connaissances dans le domaine de la MG, car il manque des biomarqueurs pour indiquer l’activité de la maladie et identifier les patients à haut risque. Compte tenu de l’émergence de nouvelles stratégies thérapeutiques pour la MG, l’identification de biomarqueurs efficaces pour stratifier les patients et améliorer la surveillance devient une nécessité urgente.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée par Christina B. Schroeter, Christopher Nelke, Frauke Stascheit, Niklas Huntemann, Corinna Preusse, Vera Dobelmann, Lukas Theissen, Marc Pawlitzki, et al. L’article a été publié dans le journal Acta Neuropathologica, volume 2024, numéro d’article 147:102.

Conception expérimentale et méthodes

L’objectif principal de cette étude est de rechercher des biomarqueurs sériques potentiels pour la MG. L’étude utilise une méthode d’analyse protéomique sérique basée sur la spectrométrie de masse, incluant deux cohortes indépendantes de patients positifs aux anticorps anti-AChR, soit une cohorte exploratoire de 114 patients et une cohorte de validation de 140 patients.

  1. Collecte des échantillons et des données cliniques :

    • Les patients ont été recrutés dans deux centres spécialisés en MG, à savoir l’Université Heinrich Heine de Düsseldorf et le Centre médical de la Charité à Berlin.
    • La période de recrutement s’étend de janvier 2016 à janvier 2022. Tous les patients ont signé un consentement éclairé.
    • Les patients ont été évalués à l’aide d’échelles (QMG et MG-ADL) et classés en “début précoce” et “début tardif”.
  2. Analyse par spectrométrie de masse :

    • Les échantillons sériques ont été prétraités avant d’être soumis à la spectrométrie de masse, identifiant un total de 21 161 peptides.
    • Les données ont été analysées à l’aide d’algorithmes d’apprentissage automatique (ML) pour identifier les biomarqueurs potentiels.
  3. Validation des données :

    • Les niveaux d’expression des protéines ont été vérifiés par des tests ELISA et comparés à d’autres sous-groupes de MG ainsi qu’à des patients atteints de myosite et de neuropathie.
    • Les niveaux d’anticorps anti-AChR ont été mesurés par la méthode de l’analyse des récepteurs radiomarqués (RRA).
    • L’immunohistochimie et la coloration par immunofluorescence ont été utilisées pour vérifier la localisation de l’ITIH3 dans les biopsies musculaires.

Résultats de la recherche

Les algorithmes d’apprentissage automatique ont identifié ITIH3 (chaîne lourde 3 de l’inhibiteur d’alpha-trypsine) comme un biomarqueur sérique potentiel reflétant l’activité de la maladie.

  1. Analyse protéomique :

    • Les niveaux sériques d’ITIH3 sont corrélés avec les scores d’activité de la maladie dans les cohortes exploratoire et de validation, et confirmés par ELISA.
    • ITIH3 est fortement exprimé au niveau de la jonction neuromusculaire chez les patients atteints de MG, mais pas chez les témoins sains.
  2. Signification du biomarqueur :

    • Les niveaux sériques d’ITIH3 sont positivement corrélés avec l’activité de la maladie, indiquant qu’il peut refléter l’activité de la maladie et prédire la réponse au traitement.
    • Chez les patients non répondeurs au traitement, les niveaux d’ITIH3 ne changent pas de manière significative.
  3. Validation des résultats :

    • Les tests ELISA ont vérifié la spécificité de l’ITIH3 chez les patients positifs aux anticorps anti-AChR MG, les patients positifs aux anticorps anti-MuSK MG et d’autres maladies.
    • Les résultats de la mesure d’ITIH3 par ELISA et spectrométrie de masse sont hautement cohérents.
  4. Validation pathologique :

    • L’analyse immunohistochimique montre que l’ITIH3 se regroupe au niveau de la jonction neuromusculaire chez les patients atteints de MG, co-localisé avec l’énolase spécifique des neurones (NSE) et le complexe terminal du complément (C5b-9).
    • Les expériences de co-immunoprécipitation ont identifié des protéines interactives avec l’ITIH3, telles que la desmine et la pléctine, qui jouent un rôle crucial dans le maintien de l’intégrité structurelle de la jonction neuromusculaire.

Conclusions et implications

Cette étude propose pour la première fois l’ITIH3 comme biomarqueur potentiel de l’activité de la maladie MG, validé par plusieurs méthodes expérimentales pour sa spécificité et sa fiabilité. L’étude montre également que l’ITIH3 est associé à des dommages structurels de la jonction neuromusculaire et à l’activation du complément, fournissant des indices pour comprendre son mécanisme pathologique dans la MG. Les recherches futures devraient explorer davantage l’application clinique de l’ITIH3 afin d’améliorer la gestion et l’efficacité du traitement chez les patients atteints de MG.

Points forts et innovations

  • Découverte importante : Identification de l’ITIH3 comme biomarqueur potentiel de l’activité de la maladie MG et de la réponse au traitement.
  • Innovation méthodologique : Combinaison de l’analyse par spectrométrie de masse et des algorithmes d’apprentissage automatique, offrant une nouvelle stratégie pour la découverte de biomarqueurs.
  • Valeur clinique : Les résultats suggèrent que l’ITIH3 a le potentiel d’être largement utilisé comme biomarqueur sérique en clinique, aidant à surveiller plus précisément la progression de la maladie et à évaluer l’efficacité du traitement.

Cette étude offre de nouvelles perspectives et méthodes pour le domaine de la MG, établissant une base pour les développements futurs.