Les Oligonucléotides Antisens Améliorent l'Expression de SLC20A2 et Réduisent la Calcification Cérébrale dans un Modèle de Souris Humanisé
Les oligonucléotides antisens augmentent l’expression de SLC20A2 et inhibent la calcification cérébrale dans un modèle murin humanisé
Contexte et problématique de recherche
La calcification cérébrale familiale primaire (PFBC) est une maladie neurogénétique liée au vieillissement, caractérisée par des dépôts de calcium bilatéraux dans les régions cérébrales telles que les ganglions de la base, le thalamus et le cervelet. Les patients atteints de PFBC présentent souvent des symptômes variés tels que des maux de tête, des troubles moteurs de type parkinsonien, une diminution cognitive, de l’anxiété et de la dépression. Actuellement, la gestion clinique du PFBC repose uniquement sur le traitement symptomatique, et il n’existe aucune méthode thérapeutique capable de ralentir efficacement la progression de la calcification cérébrale.
On sait que le fondement génétique du PFBC inclut des mutations dans les gènes SLC20A2, PDGFRB et PDGFB, et environ 61 % des cas de PFBC sont attribués à des mutations hétérozygotes du gène SLC20A2. Cependant, le mécanisme pathologique expliquant comment les mutations de SLC20A2 conduisent à la calcification cérébrale reste mal compris. L’équipe d’auteurs a découvert de nouvelles mutations introniques profondes dans le gène SLC20A2 et a exploré la possibilité de restaurer l’expression génique en régulant l’épissage de l’ARNm à l’aide d’oligonucléotides antisens (ASOs).
Source et auteurs
Cette recherche, menée par Zhao Miao et al., implique des principaux auteurs provenant de l’Université médicale de Fujian, du Centre de sciences cérébrales et de technologie inspirée du cerveau de Shanghai, ainsi que de l’Institut de recherche en neuroscience de l’Académie chinoise des sciences. L’étude a été publiée dans “Neuron” le 9 octobre 2024.
Conception et déroulement de la recherche
Échantillons et analyse génétique
Le groupe de recherche a identifié cinq mutations introniques profondes du gène SLC20A2 dans six familles parmi 135 patients atteints de PFBC n’ayant révélé aucune anomalie lors du séquençage des exons, en utilisant le séquençage de génome entier (WGS). Ces mutations ont été confirmées par séquençage Sanger et l’analyse prédictive informatique a révélé qu’elles pourraient affecter les sites d’épissage de l’ARNm.
Étude des mécanismes moléculaires
En utilisant un modèle de minigène d’épissage, l’équipe a exploré comment ces mutations introniques conduisent à un épissage anormal. Les résultats ont montré que les mutations introduisaient de nouveaux exons cryptiques, augmentant ainsi la production d’ARNm non fonctionnel et entraînant une insuffisance d’expression de la protéine SLC20A2.
De plus, grâce à l’analyse de capture de l’ARN (RNA Pull-down) et à la spectrométrie de masse, l’équipe a confirmé que les mutations modifiaient la capacité de liaison de protéines spécifiques liant l’ARN (comme SRSF3 et hnRNPQ) aux exons cryptiques, expliquant ainsi comment les mutations interfèrent avec les mécanismes de régulation de l’épissage.
Expériences cellulaires et intervention par ASOs
Les chercheurs ont conçu des ASOs ciblant les exons cryptiques pour inhiber l’épissage anormal en se liant de manière stable à l’ARN et en empêchant le spliceosome de se fixer aux sites concernés. Les résultats des expériences cellulaires ont montré que les ASOs réduisaient significativement la production d’ARNm anormal médiée par les exons cryptiques et rétablissaient le niveau d’expression de la protéine SLC20A2. Ces résultats ont été validés dans des fibroblastes dérivés de patients atteints de PFBC.
Validation dans un modèle murin humanisé
Les chercheurs ont créé un modèle murin knock-in humanisé portant la séquence intronique mutée du gène SLC20A2, imitant le processus pathologique de la calcification cérébrale observé chez les patients atteints de PFBC. Comparés aux souris de type sauvage, les souris knock-in ont montré des niveaux accrus de phosphate inorganique (Pi) dans le liquide céphalorachidien et une progression de la calcification cérébrale.
Grâce à des injections d’ASOs par voie intracérébroventriculaire (ICV), les chercheurs ont réussi à réduire les niveaux de Pi dans le liquide céphalorachidien et à inhiber significativement la progression de la calcification cérébrale chez les souris knock-in, prouvant ainsi l’efficacité du traitement par ASOs.
Découvertes et résultats principaux
- Découverte génétique : Cinq mutations introniques profondes ont été identifiées pour la première fois, provoquant un épissage anormal du gène SLC20A2 par des exons cryptiques, entraînant ainsi une diminution de l’expression de la protéine.
- Validation au niveau cellulaire : Les ASOs, en inhibant l’épissage des exons cryptiques, ont rétabli efficacement l’expression de la protéine SLC20A2 dans les cellules dérivées de patients.
- Validation sur modèle murin : Chez les souris humanisées, les injections d’ASOs ont réduit le niveau de Pi dans le liquide céphalorachidien et ralenti la progression de la calcification cérébrale.
- Potentiel thérapeutique : La technologie de correction de l’épissage par ASOs offre une stratégie thérapeutique viable pour traiter le PFBC causé par la déficience de SLC20A2.
Signification et valeur de la recherche
Valeur scientifique
Cette étude révèle de manière systématique le mécanisme moléculaire par lequel les mutations introniques profondes entraînent la perte de fonction génique via des exons cryptiques, élargissant ainsi la compréhension de la base génétique du PFBC. De plus, la recherche offre un nouveau modèle murin pour les maladies liées au gène SLC20A2, facilitant une exploration plus approfondie de leurs mécanismes pathologiques.
Valeur clinique
Le succès des traitements par ASOs dans d’autres maladies génétiques (telles que l’atrophie musculaire spinale et la dystrophie musculaire de Duchenne) indique que la régulation de l’épissage médiée par ASOs a un potentiel de conversion clinique. La stratégie “CRACE” (Calcification Repression by ASO Corrected Expression) proposée dans cet article non seulement ralentit efficacement la progression de la calcification dans le PFBC, mais pourrait aussi offrir des pistes de traitement pour d’autres maladies associées à des déséquilibres de l’homéostasie du Pi, telles que les maladies rénales chroniques et cardiovasculaires.
Points forts et innovations
- Première validation du mécanisme pathogène des mutations introniques profondes de SLC20A2.
- Introduction d’une stratégie thérapeutique “CRACE” basée sur les ASOs, fournissant une nouvelle direction pour le PFBC et autres maladies génétiques.
- Développement d’un modèle murin knock-in simulant efficacement le PFBC, facilitant des recherches ultérieures et le criblage de médicaments.
Perspectives et améliorations futures
Les recherches futures devraient viser à optimiser la modification moléculaire et les modes de livraison des ASOs pour améliorer la spécificité régionale et l’efficacité de la dose. En outre, l’utilisation combinée de plusieurs ASOs pour le traitement pourrait renforcer l’efficacité thérapeutique, jetant les bases pour la médecine de précision.
Les découvertes et innovations techniques majeures de cette étude démontrent le potentiel de la régulation de l’épissage génique dans le traitement des maladies génétiques et fournissent une base solide pour le développement de nouvelles thérapies.