L'inhibition directe et indirecte des macrophages pro-inflammatoires du tissu adipeux par l'acarbose dans l'obésité induite par le régime
Exploration des effets immunorégulateurs directs et indirects de l’acarbose sur l’inflammation chronique liée à l’obésité
Contexte scientifique
Avec la prévalence croissante de l’obésité dans le monde, des syndromes métaboliques associés tels que la résistance à l’insuline (Insulin Resistance, IR), le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et la stéatose hépatique sont devenus des menaces majeures pour la santé humaine. Ces maladies imposent également un fardeau économique considérable et réduisent fortement la qualité de vie et l’espérance de vie des patients. De plus en plus de preuves montrent que l’inflammation chronique de faible intensité liée à l’obésité, en particulier l’inflammation dans le tissu adipeux, est l’un des mécanismes critiques conduisant à la résistance à l’insuline induite par l’obésité. Les macrophages des tissus adipeux (Adipose Tissue Macrophages, ATMs) jouent un rôle clé dans ce processus en passant d’un phénotype anti-inflammatoire M2 à un phénotype pro-inflammatoire M1, aggravant ainsi la résistance à l’insuline et l’inflammation systémique.
Par ailleurs, la capacité du microbiote intestinal et de ses métabolites à réguler le métabolisme et l’équilibre immunitaire chez l’hôte a également attiré une attention croissante. L’obésité et les troubles métaboliques perturbent l’équilibre de l’écosystème intestinal, modifiant par exemple la composition et la proportion des micro-organismes ainsi que leurs métabolites, ce qui aggrave encore le développement de l’inflammation chronique. Cependant, une solution scientifique pour améliorer les maladies liées à l’obésité en modulant le microbiote intestinal et le système immunitaire reste à explorer.
L’acarbose (Acarbose, ACA), inhibiteur de l’alpha-glucosidase, est largement utilisé pour traiter le diabète de type 2 et les maladies métaboliques induites par la résistance à l’insuline. Il a été démontré que l’acarbose, en plus de réduire significativement la glycémie postprandiale et les niveaux d’insuline, peut également induire des effets supplémentaires tels que la perte de poids et des propriétés anti-inflammatoires via la modulation du microbiote intestinal chez les patients obèses ou diabétiques. Cependant, ses mécanismes d’immunorégulation spécifiques restent encore mal compris.
Origine de l’étude
Cette étude, dirigée par Xiaohui Li, Shimeng Zheng, Dong Zhang et leurs collaborateurs, associe des chercheurs de l’université médicale capitale de Pékin et d’autres instituts affiliés. Le travail a été publié en janvier 2025 dans la revue Cell Reports Medicine (DOI : 10.1016/j.xcrm.2024.101883). À travers des expériences animales, des tests in vitro et des analyses métabolomiques, l’étude approfondit les mécanismes moléculaires par lesquels l’acarbose module l’inflammation dans les tissus adipeux via le microbiote intestinal et ses métabolites.
Méthodologie de l’étude
L’étude s’articule autour des étapes expérimentales suivantes :
Construction et intervention sur un modèle animal
Les auteurs ont développé un modèle de souris obèses en nourrissant des souris C57BL/6 avec un régime riche en graisses (HFD) pendant 18 semaines, suivi d’une intervention de 4 semaines avec de l’acarbose administrée via l’eau de boisson. Au cours de ce processus, les auteurs ont évalué le poids corporel, la consommation alimentaire, la tolérance au glucose, la sensibilité à l’insuline et la morphologie des tissus adipeux des souris. De plus, la proportion et les phénotypes des macrophages dans les tissus adipeux ont été quantifiés par cytométrie en flux.Effets de l’antibiotique sur le rôle du microbiote intestinal
Pour examiner si l’effet de l’acarbose sur l’inflammation liée à l’obésité est médié par le microbiote, les auteurs ont administré un cocktail d’antibiotiques (ABX) aux souris obèses, afin de détruire le microbiote intestinal. Ensuite, ils ont traité ces souris avec de l’acarbose et comparé leurs réponses immunitaires et métaboliques à celles des souris non traitées par ABX.Analyses microbiomiques et métabolomiques
L’analyse du microbiome intestinal basée sur le séquençage du gène 16S rRNA a montré que l’acarbose augmentait significativement la diversité microbienne chez les souris obèses. L’augmentation notable d’une bactérie spécifique, le genre Parasutterella, était particulièrement marquante. Parallèlement, une analyse métabolomique sur des échantillons de sérum a révélé une augmentation significative des niveaux d’acides gras à chaîne courte (Short-Chain Fatty Acids, SCFAs), en particulier de l’acide propionique (Propionic Acid, PA), après le traitement par acarbose.Validation in vitro et in vivo
Les auteurs ont utilisé des cultures de macrophages dérivés de la moelle osseuse (Bone Marrow-Derived Macrophages, BMDMs) pour tester les effets de l’acide propionique. Ils ont démontré que cet acide, via le récepteur GPR43, inhibe significativement la survie des macrophages M1 et leur sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (ex., TNF-α). De plus, une technique novatrice utilisant un marquage fluorescent de l’acarbose a permis de prouver que cette dernière agit directement sur les macrophages des tissus adipeux.Exploration des voies de signalisation
À l’aide d’analyses transcriptomiques et protéiques, la recherche a identifié que l’acarbose active le récepteur GPR120 dans le tissu adipeux, régulant ainsi la voie de signalisation mTOR dans les macrophages et améliorant les fonctions lysosomales et mitochondriales, conduisant à une apoptose macrophagique accrue.
Résultats principaux
L’acarbose améliore les indicateurs métaboliques chez les souris obèses
Comparées aux souris nourries uniquement avec un régime riche en graisses, celles traitées avec de l’acarbose ont présenté une réduction significative de la prise de poids, une baisse de la glycémie à jeun ainsi qu’une amélioration de la tolérance au glucose et de la sensibilité à l’insuline.L’acarbose régule la polarisation et la survie des macrophages
L’acarbose diminue significativement la proportion de macrophages pro-inflammatoires M1 tout en favorisant l’accumulation de macrophages anti-inflammatoires M2. Ce phénomène est lié à une augmentation de l’apoptose des macrophages M1.Rôle immunorégulateur de Parasutterella et ses métabolites
Le traitement par acarbose augmente les populations de Parasutterella, qui produisent davantage d’acide propionique. Ce métabolite, via l’activation du récepteur GPR43, diminue la survie des macrophages M1 et leur sécrétion de cytokines inflammatoires.Effet direct de l’acarbose sur les macrophages adipeux
À l’aide d’une technique de marquage fluorescent, les auteurs ont démontré que l’acarbose agit directement sur les macrophages adipeux, en activant le récepteur GPR120 et en modulant la voie mTOR, renforçant ainsi les fonctions lysosomales et mitochondriales pour favoriser l’apoptose macrophagique.
Implications et contributions scientifiques
Cette étude dévoile les mécanismes immunorégulateurs doubles, directs et indirects, par lesquels l’acarbose supprime l’inflammation des tissus adipeux liée à l’obésité. Elle met en évidence le potentiel thérapeutique de l’acarbose non seulement en tant qu’agent anti-obésité, mais aussi comme modulateur du microbiote intestinal et des voies immunitaires. De plus, l’utilisation de nouvelles technologies telles que le marquage fluorescent de l’acarbose et les explorations approfondies sur les récepteurs GPR120 et GPR43 offrent des perspectives pour développer des traitements ciblés contre l’inflammation métabolique.
Points forts de l’étude
- Première preuve que l’acarbose agit à la fois de manière directe et indirecte sur les macrophages des tissus adipeux.
- Identification du rôle clé de Parasutterella et de l’acide propionique dans la modulation de l’inflammation liée à l’obésité.
- Validation expérimentale des effets directs d’acarbose sur les macrophages grâce à une technique de fluorescent innovante.
- Découverte d’un nouveau mécanisme impliquant le récepteur GPR120 et la voie mTOR dans la régulation de l’équilibre macrophagique.
Cette recherche ouvre la voie à de nouvelles stratégies d’intervention immunitaire pour le traitement de l’obésité et des maladies associées. Ses résultats prometteurs pourraient renforcer l’utilisation de thérapies écologiques basées sur la modulation du microbiote intestinal (Gut-Microbiota-Based Therapies) dans le domaine de la gestion de l’obésité.