Thérapie hormonale ménopausique et risque de cancer du sein : Une étude de cohorte basée sur la population de 1,3 million de femmes en Norvège
Étude épidémiologique sur la thérapie hormonale de la ménopause et le risque de cancer du sein
Introduction
Cette étude vise à explorer la relation entre la thérapie hormonale de la ménopause (Menopausal Hormone Therapy, abrégée MHT) et le risque de cancer du sein (Breast Cancer, abrégé BC). Si la thérapie hormonale de la ménopause soulage les symptômes de la ménopause chez les femmes (tels que bouffées de chaleur, fatigue, douleurs urinaires, etc.), elle peut également augmenter le risque de cancer du sein et d’autres problèmes de santé. Par conséquent, les scientifiques tentent, par cette étude, de comprendre à plus grande échelle l’impact des différents types de MHT, des différentes voies d’administration et des types spécifiques de médicaments sur le risque de cancer du sein, afin de fournir des recommandations de traitement plus scientifiques aux femmes.
Contexte et objectifs de l’étude
La thérapie hormonale de la ménopause a été prouvée comme augmentant le risque de cancer du sein, et ce, même dix ans après l’arrêt du traitement. Ainsi, l’Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency) a mis à jour en 2020 le résumé des caractéristiques du produit pour souligner que l’utilisation de ce type de thérapie augmenterait le risque de cancer du sein. Malgré cela, de nombreuses femmes ont encore besoin de MHT pour soulager des symptômes sévères de la ménopause, d’où la nécessité de mener des études à grande échelle pour aider les femmes et les médecins à choisir les méthodes de traitement les plus sûres. Cette étude, par une étude de cohorte à grande échelle impliquant 1,275,783 femmes en Norvège, a analysé en détail l’impact des divers types de MHT, des voies d’administration et des médicaments spécifiques sur le risque de cancer du sein, en classant et analysant les résultats selon les sous-types moléculaires, les modes de détection, les stades du diagnostic et l’indice de masse corporelle (IMC).
Source et auteurs de l’étude
L’étude a été réalisée conjointement par le département de recherche du registre du cancer de Norvège, le département de gynécologie et d’obstétrique de l’hôpital universitaire d’Oslo et plusieurs autres institutions. Les principaux auteurs incluent Nathalie C. Støer, Siri Vangen, Deependra Singh, etc. L’article a été publié dans le British Journal of Cancer en 2024, accepté le 17 janvier 2024, et mis en ligne le 13 mai 2024.
Méthodes de recherche
Source des données et population de l’étude
Les sujets de l’étude sont les femmes vivant en Norvège entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2018. Les informations personnelles de ces femmes ont été obtenues à partir des bases de données nationales telles que le système d’enregistrement de la population, le registre du cancer, et la base de données des prescriptions de médicaments. De plus, les données de l’IMC ont été obtenues par des questionnaires résumés et des enquêtes de santé régionales.
Modèle de régression de Cox (Cox Proportional Hazard Model)
Chaque femme de l’étude a été suivie à partir du 1er janvier 2004 ou du mois où elle a atteint l’âge de 45 ans. Un modèle de risques proportionnels de Cox a été utilisé pour estimer l’association entre le type de MHT, la voie d’administration et les médicaments spécifiques avec le risque de cancer du sein, en ajustant les variables telles que l’origine ethnique, le nombre d’enfants, le niveau d’éducation, le revenu et la région.
Sous-types moléculaires et modes de détection
Le cancer du sein a été classé selon le mode de détection (dépistage, détection symptomatique) et les sous-types moléculaires (tels que ER+, PR+, HER2-, etc.). Les sous-types moléculaires ont été définis par des marqueurs immunohistochimiques et les groupes ont été formés en fonction de l’utilisation de la MHT pendant la période de suivi.
Analyse statistique
Le modèle de risques proportionnels de Cox a été utilisé pour estimer les rapports de risque (HR) avec un intervalle de confiance (IC) de 95%. L’analyse des données a été effectuée avec le langage R, en ajustant diverses variables de confusion potentielles et en réalisant diverses analyses de sensibilité.
Résultats de l’étude
Évaluation globale du risque
Pendant la période de suivi, 454,262 femmes ont utilisé la MHT, et 33,654 femmes ont été diagnostiquées avec un cancer du sein. Par rapport aux femmes n’utilisant pas la MHT, les femmes utilisant actuellement la MHT présentaient un risque accru de cancer du sein (HR 1.45 ; IC à 95% 1.41–1.49), en particulier celles utilisant la thérapie combinée estradiol-neta (HR 2.23 ; IC à 95% 2.14–2.33).
Voie d’administration
Les œstrogènes oraux et les œstrogènes par voie transdermique augmentent le risque de cancer du sein, alors que les œstrogènes vaginaux ne montrent pas de lien significatif. En ce qui concerne les médicaments spécifiques, les femmes utilisant le Cliovelle® présentaient un risque accru de 63% (HR 1.63 ; IC à 95% 1.35–1.96), tandis que le risque pour le Kliogest® augmentait de 167% (HR 2.67 ; IC à 95% 2.37–3.00).
Sous-types moléculaires et modes de détection
L’utilisation de la MHT est plus étroitement liée au risque de cancer du sein de type Luminal A (HR 1.97 ; IC à 95% 1.86–2.09). Comparée au cancer du sein détecté par symptômes, le risque détecté par dépistage est plus faible. De plus, chez les femmes ayant un IMC faible, l’association entre l’utilisation de la MHT et le risque de cancer du sein est plus forte.
Conclusion et signification de l’étude
Conclusions principales
Cette étude confirme que l’utilisation de la MHT par voie orale et transdermique augmente de manière significative le risque de cancer du sein, tandis que l’utilisation vaginale n’entraîne pas de risque important. L’utilisation de la MHT est plus fortement associée au risque de cancer du sein de type Luminal A, particulièrement chez les femmes ayant un IMC faible. L’étude montre également que l’utilisation de la MHT est liée à un risque plus élevé de cancer du sein interstitiel, ce qui pourrait être lié à une densité mammaire accrue suite à l’utilisation de la MHT, réduisant ainsi la sensibilité du dépistage.
Valeur appliquée
Cette étude fournit des données importantes pour guider les femmes ménopausées et les professionnels de santé dans le choix de la MHT, en soulignant l’association significative entre certains types de MHT et le risque de cancer du sein. Elle offre également des bases scientifiques nécessaires pour la recherche de formulations de MHT plus sûres.
Points forts de l’étude
- Cette étude offre une analyse détaillée du risque de cancer du sein en fonction du type de MHT, de la voie d’administration et des médicaments spécifiques.
- D’une ampleur considérable, elle est basée sur des bases de données nationales norvégiennes, assurant une intégrité et une précision élevées des données, évitant les biais de rappel et les biais de sélection des populations.
- L’actualisation de l’utilisation de la MHT dans l’étude permet d’éviter une sous-estimation du risque associé.
Autres découvertes importantes
- Les médicaments MHT (combinaison d’estradiol et de norgestimate et œstrogène transdermique) montrent un risque accru significatif de cancer.
- Les utilisateurs de la thérapie hormonale de la ménopause (MHT) présentent souvent une prolifération cellulaire mammaire désordonnée et des caractéristiques moléculaires anormales accrues.
Conclusion
Cette vaste étude de cohorte nationale clarifie de manière significative les associations entre divers types et voies d’administration des thérapies hormonales de la ménopause et le risque de cancer du sein. Elle fournit des conseils précieux sur les médicaments MHT spécifiques en rapport avec ce risque. Les résultats de cette étude contribuent à aborder de manière plus scientifique et raisonnable les défis du traitement des symptômes de la ménopause tout en réduisant le risque de cancer du sein, protégeant ainsi la santé des femmes.