Temps de reprise de l'anticoagulation et risque de complications ischémiques et hémorragiques chez les patients avec hémorragie intracrânienne et valves cardiaques mécaniques

Exploration du Temps de Rétablissement du Traitement Anticoagulant après un ICH chez les Patients avec Valves Cardiaques Mécaniques

Contexte et Motivation de l’Étude

Pour les patients avec des valves cardiaques mécaniques, déterminer le moment opportun pour reprendre le traitement anticoagulant après une hémorragie intracrânienne (ICH) demeure un défi clinique majeur. Ces patients nécessitent un traitement anticoagulant pour prévenir les événements thromboemboliques, mais ce traitement peut également provoquer l’expansion des hématomes intracrâniens. Ainsi, équilibrer le risque de thromboembolie pendant l’arrêt du traitement anticoagulant avec le risque d’expansion de l’ICH lors de la reprise du traitement est une grande difficulté pour les cliniciens. Les directives internationales actuelles suggèrent la reprise du traitement anticoagulant, mais ne fournissent pas de recommandations spécifiques sur le moment de cette reprise. Cela s’explique par l’absence d’essais contrôlés randomisés (RCT) déterminant le meilleur moment pour reprendre le traitement anticoagulant après une ICH chez les patients avec valves cardiaques mécaniques. Par conséquent, les études d’observation rétrospectives existantes, en raison de la taille limitée des échantillons et des résultats variés, compliquent davantage cette question.

Source de l’Article et Informations sur les Auteurs

Cet article a été rédigé par Amra Sakusic, Alejandro A. Rabinstein, Bhrugun Anisetti, Jay Mandrekar, Eelco F.M. Wijdicks, William D. Freeman et Sherri A. Braksick. Ils appartiennent tous à différents départements de neurologie et de biostatistique de la Mayo Clinic. L’article a été publié dans le volume 27, numéro 4 du journal Neurology en date du 27 août 2024.

Conception et Processus de l’Étude

Cette étude est conçue comme une étude d’observation rétrospective de cohorte, incluant tous les patients adultes avec des valves cardiaques mécaniques admis à la Mayo Clinic entre le 1er janvier 2000 et le 13 juillet 2022. Les patients étudiés ont été hospitalisés pour une hémorragie intracrânienne aiguë, identifiés grâce à un algorithme de recherche électronique utilisant les codes de classification internationale des maladies (ICD) et une recherche textuelle des prescriptions liées aux valves cardiaques mécaniques. Les critères d’inclusion comprenaient des patients avec des valves mécaniques et une ICH, tandis que ceux présentant des pathologies spécifiques comme l’angiopathie amyloïde cérébrale (CAA) et un risque élevé de récidive d’hémorragie ont été exclus.

Pour confirmer l’efficacité de l’étude, l’équipe de recherche a examiné manuellement les dossiers médicaux électroniques de tous les patients, recueillant des données depuis le premier événement d’ICH jusqu’au 13 juillet 2022 ou jusqu’au décès des patients.

Sujets de l’Étude et Méthodes d’Analyse

Au total, 171 patients avec des valves cardiaques mécaniques et une ICH ont été inclus dans l’analyse. L’âge médian des sujets était de 75 ans, avec 68,4 % de patients de sexe masculin. La majorité des patients (79,5 %) ont reçu un traitement de réversion anticoagulante, incluant principalement des concentrés de complexes prothrombiniques (PCC), de la vitamine K, du plasma frais congelé (FFP) ou une combinaison de ces traitements. Après la chirurgie, 11 patients ont subi un AVC ischémique (6,4 %) pendant l’arrêt du traitement anticoagulant, tandis que 17 patients ont présenté une expansion de l’ICH (9,9 %) après la reprise du traitement anticoagulant.

L’analyse des données a été réalisée à l’aide du logiciel SAS, les statistiques descriptives des variables continues étant exprimées en médianes et interquartiles (IQR), et les variables catégorielles en fréquences et pourcentages. Les tests de corrélation ont été effectués à l’aide du test de χ2 ou du test exact de Fisher, et les comparaisons des variables continues avec le test de Wilcoxon. Une valeur de p inférieure à 0,05 était considérée comme statistiquement significative.

Résultats et Découvertes de l’Étude

  1. Relation entre le traitement de réversion anticoagulante et les événements thromboemboliques : L’étude a révélé que les patients ayant reçu un traitement de réversion anticoagulante n’avaient pas un risque accru significatif d’événements thromboemboliques, avec des risques similaires de complications ischémiques entre les patients utilisant le PCC et le FFP.

  2. Relation entre le moment de reprise du traitement anticoagulant et les événements thrombotiques : Le taux d’AVC ischémique pendant la période d’arrêt du traitement anticoagulant était faible (5,3 %), et la plupart des AVC sont survenus après plus de 7 jours d’arrêt, suggérant que suspendre le traitement anticoagulant pendant plus de 7 jours pourrait être sûr.

  3. Relation entre le moment de reprise du traitement anticoagulant et le risque d’expansion de l’ICH : Environ 10 % des patients ont présenté une expansion de l’ICH après la reprise du traitement anticoagulant, et ce risque n’était pas lié au moment de la reprise, mais était significativement associé à l’utilisation du pontage veineux.

  4. Résultats pour les patients : Plus important encore, les patients présentant une expansion de l’ICH avaient une mortalité significativement plus élevée par rapport aux patients ayant subi un événement ischémique pendant l’arrêt du traitement anticoagulant (41 % contre 9 %).

Conclusion de l’Étude

Cette étude souligne pour la première fois que l’utilisation de la réversion des anticoagulants chez les patients avec valves cardiaques mécaniques après une ICH est sûre, tout en fournissant de nouvelles perspectives sur l’équilibre entre les risques ischémiques et hémorragiques. Les résultats indiquent qu’il est sûr de suspendre le traitement anticoagulant pendant 7 jours après une première ICH, et que la reprise du traitement anticoagulant doit être envisagée plus tôt seulement pour les patients présentant d’autres facteurs de risque thromboembolique majeur. En outre, l’étude recommande vivement d’éviter l’utilisation du pontage veineux lors de la reprise du traitement anticoagulant.

Points Forts de l’Étude

  1. Grande Taille de l’Échantillon et Suivi à Long Terme : Cette étude couvre près de 22 ans de données de 171 patients, offrant une large représentativité.
  2. Nouvelles Perspectives : Indique que pour les patients avec valves cardiaques mécaniques, retarder la reprise du traitement anticoagulant de 7 jours est sûr.
  3. Signification Clinique : L’étude soutient l’idée d’éviter le pontage veineux lors de la reprise du traitement anticoagulant.

Limites de l’Étude

Bien que l’étude soit de grande envergure et inclue un suivi à long terme, elle reste une étude d’observation rétrospective, dépendant des données existantes plutôt que d’un échantillon prédéfini. De plus, les décisions thérapeutiques des cliniciens peuvent introduire des biais dans les indications de traitement. Il est nécessaire de réaliser de futures études de cohortes multicentriques de grande envergure pour valider ces conclusions.

Valeur Clinique et Scientifique

Cette étude offre des orientations cliniques importantes, en particulier dans la gestion des ICH chez les patients avec valves cardiaques mécaniques. En fournissant des délais de reprise du traitement anticoagulant plus sûrs, les résultats de l’étude aident à optimiser les stratégies de traitement, réduisant les risques de saignement et de thromboembolie. Les futures recherches pourraient explorer davantage les moments optimaux pour l’arrêt et la reprise du traitement anticoagulant, ainsi que les méthodes pour réduire les complications associées.