Perturbation de l'intégrité des speckles nucléaires dysrégule l'épissage de l'ARN dans C9orf72-FTD/ALS

Perturbation de l’intégrité des nucléosomes et déséquilibre de la régulation de l’épissage de l’ARN dans C9orf72-FTD/ALS

Contexte et motivation de l’étude

L’expansion de la répétition hexanucléotidique (GGGGCC)n dans le gène C9orf72 est la cause génétique la plus courante de la démence frontotemporale (FTD) et de la sclérose latérale amyotrophique (ALS). Des études montrent que ces séquences répétées non seulement forment des agrégats d’ARN toxiques, mais produisent également, par traduction atypique, des agrégats de protéines dipeptidiques répétitives neurotoxiques, en particulier la poly-glycine-arginine (Poly-GR). Les anomalies de traitement de l’ARN induites par ces caractéristiques pathologiques, telles que l’épissage incorrect de l’ARN, sont des problèmes largement observés chez les patients atteints d’ALS et de FTD. Bien que certaines recherches aient révélé des mécanismes d’interaction entre certaines protéines de liaison à l’ARN (RBPs) et ces ARN répétitifs, il n’est pas encore clair comment ces interactions provoquent un déséquilibre global de l’épissage.

Dans cette étude, les chercheurs tentent de découvrir l’impact de l’ARN répétitif (GGGGCC)n sur les propriétés de séparation de phase et la dynamique des nucléosomes, afin de comprendre comment ces changements entraînent des défauts globaux d’épissage de l’ARN et induisent une neurotoxicité. Ce travail non seulement enrichit notre compréhension des mécanismes pathogéniques de C9-FTD/ALS, mais pourrait également offrir de nouvelles pistes pour de futurs biomarqueurs ou cibles thérapeutiques.

Source de l’étude et publication

Cet article, rédigé par Rong Wu et d’autres scientifiques de plusieurs institutions de recherche internationales renommées telles que l’Université Johns Hopkins, a été publié dans le célèbre journal de neurosciences « Neuron » le 23 octobre 2024. Cette étude nous offre une nouvelle perspective sur les mécanismes pathogènes potentiels de l’ALS et la FTD, en particulier sur l’exploration approfondie du déséquilibre de l’épissage de l’ARN et des nucléosomes.

Processus de recherche et méthodes

  1. Conception de l’étude et matériaux expérimentaux
    Les chercheurs ont d’abord utilisé des techniques telles que la transfection de plasmides et l’induction de l’expression génique pour établir des lignées cellulaires HEK293T contenant la séquence répétitive (GGGGCC)n ainsi que des modèles neuronaux dérivés de cellules souches pluripotentes induites (iPSC). Par la purification de l’ARN par affinité et l’analyse par spectrométrie de masse, ils ont détecté les types de protéines à proximité des séquences répétitives et leurs interactions, confirmant la colocalisation de protéines spécifiques des nucléosomes (comme SRRM2) avec les séquences répétitives.

  2. Propriétés de séparation de phase et dynamique des nucléosomes
    Par la détection par co-localisation en immunofluorescence, l’étude a révélé que l’ARN de séquence répétée (GGGGCC)n se colocalise avec la protéine nucléosomique SRRM2, altérant de manière significative la taille et les propriétés dynamiques des nucléosomes. En particulier, dans le modèle cellulaire, l’accumulation d’ARN répétitifs entraîne un changement des propriétés de séparation de phase des nucléosomes, entraînant une transition gel-sol et inhibant ainsi leur dynamique normale.

  3. Analyse de données à étapes multiples et validation des défauts d’épissage de l’ARN au niveau global
    Au niveau du mécanisme moléculaire, les chercheurs ont découvert par séquençage de l’ARN et analyse de données qu’il existe, dans les neurones contenant des séquences répétées, des événements anormaux d’épissage de l’ARN tels que le saut d’exons et la rétention d’introns. En particulier, grâce à des expériences de Knockdown, il a été révélé que l’absence de SRRM2 ou SON induit des événements d’épissage étendus, augmentant de manière significative le saut d’exons et la rétention d’introns. Ces anomalies d’épissage ont également été vérifiées dans les tissus des patients C9-FTD/ALS.

  4. Confirmation de la relation entre les nucléosomes et la neurotoxicité
    Pour explorer plus avant la relation entre les dommages aux nucléosomes et la neurotoxicité, les chercheurs ont utilisé un test de libération de lactate déshydrogénase (LDH) pour détecter la mort neuronale. Les résultats montrent que l’absence de SRRM2 ou SON entraîne la mort des cellules neuronales, indiquant que la perte de fonction des nucléosomes provoque une neurotoxicité. De plus, les chercheurs ont réussi à réduire la neurotoxicité induite par la surexpression de (GGGGCC)n en rétablissant l’expression de SRRM2 par un système d’induction médicamenteuse, confirmant ainsi l’importance de la fonction nucléosomique.

Résultats principaux de la recherche

  1. Interaction entre l’ARN répétitif et les nucléosomes
    L’ARN de séquence répétée (GGGGCC)n se colocalise avec la protéine nucléosomique SRRM2, entraînant un déséquilibre de la séparation de phase liquide-liquide de SRRM2, affectant ainsi la formation et les propriétés dynamiques des nucléosomes.

  2. Anomalies globales de l’épissage de l’ARN causées par les séquences répétées
    Les dommages aux nucléosomes causés par les séquences répétées provoquent des défauts d’épissage de l’ARN au niveau global, principalement sous la forme de saut d’exons et de rétention d’introns. L’analyse montre que les défauts d’épissage liés à l’absence de SRRM2 et SON sont concentrés dans des régions à haute teneur en GC, suggérant que ces régions pourraient être des cibles spécifiques de liaison des protéines nucléosomiques.

  3. Impact de Poly-GR sur l’agrégation des protéines nucléosomiques
    Dans un modèle murin, Poly-GR co-agrège avec SRRM2, exacerbé par les dommages à la fonction nucléosomique. Un phénomène similaire a été observé dans les neurones des patients, suggérant que Poly-GR pourrait jouer un rôle important dans la pathologie C9-FTD/ALS.

  4. Effet de la restauration fonctionnelle des nucléosomes sur l’atténuation de la neurotoxicité
    La recherche a montré qu’en rétablissant l’expression de SRRM2, il est possible de réduire de manière significative la neurotoxicité induite par la surexpression de (GGGGCC)n. Cette découverte offre une nouvelle approche potentielle pour atténuer la pathologie de l’ALS et FTD en rétablissant l’intégrité des nucléosomes.

Conclusion et valeur de l’étude

Cette étude, par le biais d’expériences moléculaires et cellulaires systématiques, révèle le rôle crucial des dysfonctionnements des nucléosomes dans C9-FTD/ALS, en particulier sur l’impact du déséquilibre de l’épissage de l’ARN. L’étude montre que l’ARN répétitif (GGGGCC)n et les agrégats de Poly-GR entraînent ensemble des dysfonctionnements des nucléosomes, constituant potentiellement une voie toxique convergente de la maladie. L’inhibition globale de l’épissage causée par les dommages aux nucléosomes pourrait être un mécanisme commun dans de nombreuses maladies neurodégénératives. En particulier, la perte de SRRM2 et le déséquilibre de l’épissage dans les régions enrichies en GC révèlent l’importance des séquences et des régions spécifiques dans le maintien de la fonction nucléosomique.

D’un point de vue applicatif, cette étude offre de nouvelles directions potentielles pour traiter C9-FTD/ALS en ciblant les nucléosomes ou en rétablissant la fonction de SRRM2. En outre, ces découvertes élargissent notre compréhension des anomalies de traitement de l’ARN dans les maladies neurodégénératives, en particulier des mécanismes moléculaires des défauts d’épissage, ce qui pourrait aider à développer des stratégies thérapeutiques pour d’autres maladies similaires.