L'épissage régulé par PRMT5 des gènes de réparation de l'ADN entraîne la chimiorésistance dans les cellules souches cancéreuses du sein
Le rôle de PRMT5 dans l’épissage des gènes de réparation de l’ADN favorise la chimiorésistance des cellules souches cancéreuses du sein
Contexte académique
Les cellules souches cancéreuses du sein (Breast Cancer Stem Cells, BCSCs) constituent une sous-population rare de cellules cancéreuses capables de s’auto-renouveler, d’initier des tumeurs et de métastaser. Bien que les BCSCs jouent un rôle clé dans la genèse et la progression du cancer du sein, les mécanismes par lesquels elles résistent à la chimiothérapie et à la radiothérapie restent mal compris. Les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie agissent généralement en induisant des dommages à l’ADN pour tuer les cellules cancéreuses, mais les BCSCs parviennent à résister à ces traitements grâce à une capacité accrue de réparation de l’ADN. Comprendre comment les BCSCs utilisent les mécanismes de réparation de l’ADN pour résister à la chimiothérapie est donc essentiel pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.
PRMT5 (Protein Arginine Methyltransferase 5) est une enzyme de méthylation des arginines impliquée dans divers processus cellulaires, notamment l’épissage de l’ARN, la réparation de l’ADN et la régulation de l’expression génique. PRMT5 est surexprimé dans de nombreux cancers et est associé à la progression tumorale et à un mauvais pronostic. Des études antérieures ont montré que PRMT5 est fortement exprimé dans les BCSCs et qu’il est essentiel à leur survie et à leur auto-renouvellement. Cependant, la manière dont PRMT5 régule l’épissage des gènes de réparation de l’ADN pour influencer la chimiorésistance des BCSCs reste une énigme.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Matthew S. Gillespie, Kelly Chiang, Gemma L. Regan-Mochrie et leurs collaborateurs, issus du Département des sciences du cancer et de la génomique de l’Université de Birmingham (Royaume-Uni). L’article a été publié en 2024 dans la revue Oncogene (DOI : 10.1038/s41388-024-03264-1).
Méthodologie et résultats
1. Les BCSCs résistent aux agents endommageant l’ADN grâce à une réparation accrue de l’ADN
Les chercheurs ont d’abord isolé les BCSCs à partir de la lignée cellulaire MCF7 du cancer du sein en utilisant la cytométrie en flux et une méthode basée sur la résistance à l’anoïkis (anoikis-resistance, AR). Les expériences ont montré que les BCSCs étaient plus résistantes au cisplatine et aux radiations ionisantes (IR). En analysant la vitesse de clairance des foyers de 53BP1, les chercheurs ont constaté que les BCSCs réparaient plus rapidement les cassures double brin de l’ADN (DSBs) induites par le cisplatine, indiquant une capacité accrue de réponse aux dommages de l’ADN (DDR).
2. PRMT5 favorise la réparation de l’ADN et la chimiorésistance des BCSCs
La surexpression de PRMT5 dans les BCSCs est étroitement liée à leur chimiorésistance. En utilisant des shRNAs pour réduire l’expression de PRMT5, les chercheurs ont observé une sensibilité accrue des BCSCs au cisplatine et aux IR. De plus, le traitement des BCSCs avec l’inhibiteur de PRMT5 GSK3203591 (GSK591) a également augmenté leur sensibilité à la chimiothérapie. Les expériences ont confirmé que l’activité méthyltransférase de PRMT5 est essentielle à la chimiorésistance des BCSCs.
3. PRMT5 régule l’épissage des gènes de réparation de l’ADN
PRMT5 ne régule pas seulement la réparation de l’ADN par la méthylation des protéines de réparation, mais il influence également l’expression des gènes de réparation de l’ADN via l’épissage de l’ARN. L’analyse par RNA-seq a révélé que l’inhibition de PRMT5 par GSK591 entraînait de nombreux événements d’épissage alternatif (differential splicing events, DSEs), en particulier dans les gènes liés à la réparation de l’ADN. Ces événements incluaient principalement des exons sautés (skipped exons, SE) et des introns retenus (retained introns, RI), conduisant à la production d’isoformes non canoniques qui altèrent la fonction des protéines de réparation de l’ADN.
4. Relation entre les changements d’épissage et les variations d’expression génique induits par l’inhibition de PRMT5
Bien que l’inhibition de PRMT5 ait provoqué de nombreux changements d’épissage, ceux-ci n’ont pas significativement affecté les niveaux d’expression génique globale. Les chercheurs ont constaté que l’inhibition de PRMT5 entraînait principalement la rétention nucléaire des transcrits contenant des introns, plutôt qu’une réduction de l’expression génique. Ces résultats suggèrent que PRMT5 influence la fonction des protéines de réparation de l’ADN via l’épissage, sans nécessairement modifier les niveaux d’expression des gènes.
5. Différences dans la régulation de l’épissage entre les BCSCs et les cellules tumorales en masse
Les chercheurs ont également comparé les effets de l’inhibition de PRMT5 sur l’épissage dans les BCSCs et dans la population tumorale globale. Bien que les deux groupes aient montré des changements d’épissage dans les gènes de réparation de l’ADN, les événements d’épissage dans les BCSCs étaient plus spécifiques et les BCSCs étaient moins sensibles à l’inhibition de PRMT5. Cela indique que les BCSCs, grâce à une expression élevée de PRMT5 et à une régulation précise de l’épissage, renforcent leur capacité de réparation de l’ADN et leur résistance à la chimiothérapie.
Conclusion et implications
Cette étude met en lumière le rôle crucial de PRMT5 dans la chimiorésistance des BCSCs, en particulier via la régulation de l’épissage des gènes de réparation de l’ADN, ce qui améliore leur capacité de réparation. L’inhibition de PRMT5 augmente significativement la sensibilité des BCSCs aux agents chimiothérapeutiques, en particulier lorsqu’elle est combinée à des agents endommageant l’ADN, favorisant ainsi l’apoptose des BCSCs. Ces découvertes fournissent une base théorique importante pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques contre le cancer du sein, notamment en combinant des inhibiteurs de PRMT5 avec des agents endommageant l’ADN.
Points forts de l’étude
- Régulation de l’épissage des gènes de réparation de l’ADN par PRMT5 : PRMT5 améliore la capacité de réparation de l’ADN des BCSCs en régulant l’épissage des gènes de réparation, ce qui contribue à leur chimiorésistance.
- L’inhibition de PRMT5 augmente la sensibilité à la chimiothérapie : L’inhibition de PRMT5 rend les BCSCs plus sensibles au cisplatine et aux radiations, en particulier lorsqu’elle est combinée à des agents endommageant l’ADN.
- Séparation entre changements d’épissage et variations d’expression génique : Les changements d’épissage induits par l’inhibition de PRMT5 n’affectent pas significativement les niveaux d’expression génique, mais altèrent la fonction des protéines de réparation de l’ADN via la production d’isoformes non canoniques.
- Différences dans la régulation de l’épissage entre BCSCs et cellules tumorales en masse : Les BCSCs sont moins sensibles à l’inhibition de PRMT5, ce qui suggère qu’elles utilisent une régulation précise de l’épissage pour renforcer leur chimiorésistance.
Valeur de l’étude
Cette étude révèle non seulement le rôle clé de PRMT5 dans la chimiorésistance des BCSCs, mais elle fournit également une base théorique importante pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques contre le cancer du sein. En combinant des inhibiteurs de PRMT5 avec des agents endommageant l’ADN, il pourrait être possible de cibler efficacement les BCSCs résistantes à la chimiothérapie, améliorant ainsi la survie à long terme des patientes atteintes de cancer du sein. De plus, cette étude ouvre de nouvelles pistes de recherche pour explorer le rôle de PRMT5 dans d’autres types de cellules souches cancéreuses.