Interrogation pan-cancer des variants MUTYH révèle l'inactivation biallèlique et la réparation par excision de base défectueuse à travers un éventail de tumeurs solides

Une étude inter-cancer révèle une bi-allélique inactivation du gène MUTYH et des défauts de réparation par excision de base dans divers types de tumeurs solides

Contexte de l’étude

Dans la vie quotidienne, les cellules sont fréquemment exposées à un stress oxydatif endogène et exogène, provenant des sous-produits de la respiration cellulaire et de l’exposition à divers composés exogènes. MUTYH est un composant clé de la voie de la réparation par excision de bases (Base Excision Repair, BER), responsable de la réparation des dommages oxydatifs de l’ADN d’origine endogène et exogène. Un des produits les plus fréquents des dommages oxydatifs est la 8-oxo-7,8-dihydroguanine (8-oxoG). MUTYH joue un rôle crucial dans divers tissus hautement exposés aux dommages oxydatifs et à la division cellulaire fréquente, en excisant l’adénine mal appariée pour prévenir les mutations GC à TA induites par ces dommages oxydatifs.

Les défauts de la voie BER sont associés à une augmentation de la charge mutationnelle et à la cancérogenèse. Les variantes pathogènes bialléliques (biallelic germline pathogenic variants) du gène MUTYH peuvent provoquer la polyposis associé au MUTYH (MUTYH-Associated Polyposis, MAP), une maladie autosomique récessive qui se manifeste généralement par de multiples adénomes colorectaux et un risque accru de cancer colorectal (Colorectal Cancer, CRC). Bien que certaines études suggèrent que les mutations hétérozygotes du gène MUTYH peuvent augmenter le risque de CRC à un âge avancé, cette association reste controversée. Cette étude vise à explorer davantage la prévalence des variantes pathogènes de MUTYH et la perte d’hétérozygotie (Loss of Heterozygosity, LOH) de MUTYH dans divers types de cancers et leurs conséquences.

Source de l’étude

Cet article est rédigé par les auteurs suivants : Channing J. Paller (Johns Hopkins University), Hanna Tukachinsky (Foundation Medicine), Alexandra Maertens (Johns Hopkins University), Brennan Decker (Foundation Medicine), Julian R. Sampson (Cardiff University) et Jeremy P. Cheadle (University of Minnesota). Cette recherche a été publiée le 23 février 2024 dans la revue « JCO Precision Oncology », DOI: https://doi.org/10.1200/po.23.00251.

Processus et méthodes de l’étude

Méthodologie et flux de travail de l’étude

Cette étude a analysé 354 366 échantillons de biopsies de tumeurs solides, séquencés dans le cadre des soins cliniques de routine. Les algorithmes de validation ont été utilisés pour distinguer si les variantes du gène MUTYH étaient germinales ou somatiques. Le processus détaillé est le suivant :

  1. Collecte de données : Les échantillons provenaient de patients traités d’août 2014 à février 2022, et ont été soumis à une analyse génomique complète via les plateformes FoundationOne ou FoundationOne CDx.

  2. Classification des échantillons : L’algorithme Somatic/Germline Zygosity (SGZ), validé, a été utilisé pour distinguer les mutations germinales et somatiques et pour extraire les variantes du gène MUTYH dans différents types d’échantillons de tumeurs solides.

  3. Détection des gènes mutés : Parmi les 354 366 échantillons, 6 572 (1,9 %) portaient des variantes du gène MUTYH. Parmi ces variantes, 6 110 étaient des variantes germinales : 119 étaient bialléliques, 9 étaient des variantes germinales et somatiques, et 5 982 étaient hétérozygotes.

  4. Analyse des signatures mutationnelles : Pour les échantillons contenant des variantes MUTYH, la signature mutationnelle associée (COSMIC SBS18), reflétant les défauts de la BER, a été analysée.

Analyse et interprétation des résultats

Principaux résultats

  1. Variantes bialléliques du gène MUTYH : Dans les échantillons avec des variantes bialléliques pathogènes du gène MUTYH, environ 66 % étaient des CRC, montrant une charge de mutation élevée (TMB) et une signature COSMIC SBS18 significative, reflétant des défauts de la voie BER.

  2. Variantes hétérozygotes du gène MUTYH et LOH : Parmi les 5 991 échantillons identifiés avec des variantes germinales hétérozygotes, environ 12 % (738 échantillons) ont montré une LOH somatique de MUTYH et une perte chromosomique significative du bras 1p (où est situé MUTYH).

  3. Analyse de corrélation : Les porteurs hétérozygotes avaient une prévalence légèrement supérieure dans certains types de cancers tels que le cancer de la glande surrénale, les tumeurs neuroendocrines du pancréas, les tumeurs non gliales du SNC, les tumeurs stromales gastro-intestinales et le cancer de la thyroïde.

  4. Charge mutationnelle (TMB) et signatures génétiques : Le groupe d’échantillons avec LOH présentait une perte plus élevée du bras chromosomique 1p et un LOH génomique global élevé, une TMB significativement augmentée, soutenant les caractéristiques des défauts de la BER.

Conclusion et signification

Cette étude révèle la présence de variantes MUTYH chez une grande population de patients atteints de tumeurs solides. Outre le rôle connu des variantes pathogènes bialléliques de MUTYH dans la susceptibilité au cancer, les porteurs hétérozygotes de MUTYH pourraient également, via un mécanisme de LOH somatique, contribuer au développement de différents types de cancers, mais ce rôle nécessite une confirmation par des études ultérieures. Cela fournit une base de recherche pour de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant les cancers avec des défauts de la BER.

Points saillants de l’étude

  1. Susceptibilité au cancer : La recherche, pour la première fois, analyse à grande échelle la distribution et l’impact des variantes du gène MUTYH dans différents types de tumeurs solides, élargissant la compréhension des risques de cancer liés aux défauts de la BER.

  2. Mécanismes de corrélation : Les cancers avec des mutations hétérozygotes du gène MUTYH accompagnées de LOH montrent une TMB élevée et une signature COSMIC SBS18, suggérant un mécanisme de seconde frappe tardive.

  3. Signification clinique : Les résultats de l’étude suggèrent que les porteurs de mutations MUTYH pourraient nécessiter des considérations spécifiques dans leurs plans de traitement, telles que des stratégies thérapeutiques personnalisées ciblant les défauts de la BER.

Cette analyse systématique inter-cancer fournit des données précieuses et des aperçus pour comprendre le rôle biologique des variantes de MUTYH et leur application clinique potentielle, établissant une base solide pour la recherche future et les traitements contre le cancer.