Variants introduisant un cadre de lecture ouvert en amont chez les patients atteints de calcification cérébrale familiale primaire

Contexte de recherche et énoncé du problème

La calcification cérébrale familiale primaire (PFBC) est une maladie neurologique rare caractérisée par une calcification microvasculaire des ganglions de la base et d’autres régions cérébrales. Bien qu’au moins six gènes associés à la PFBC aient été identifiés (dont SLC20A2, XPR1, PDGFB, PDGFRB, MYORG et JAM2), la cause reste inconnue pour plus de 50% des patients. Ces cas inexpliqués pourraient impliquer des variations cryptiques dans les régions non codantes des gènes connus.

Les chercheurs ont émis l’hypothèse que des variations dans la région 5’ non traduite (UTR) pourraient introduire des codons AUG, initiant ainsi la traduction de l’ARNm et entraînant une perte de fonction de certains gènes PFBC. Pour vérifier cette hypothèse, l’équipe de recherche a réannoté les données de séquençage d’exome de 113 probands liés à la PFBC et a découvert deux variations introduisant un AUG en amont dans la région 5’UTR du gène PDGFB.

Source de l’article et présentation des auteurs

Cet article intitulé “Upstream open reading frame-introducing variants in patients with primary familial brain calcification” a été rédigé par Anne Rovelet-Lecrux, Antoine Bonnevalle, Olivier Quenez et al. L’équipe de recherche provient principalement d’institutions françaises telles que l’Univ Rouen Normandie, l’INSERM U1245 et le CHU Rouen. L’article a été publié dans le “European Journal of Human Genetics” en 2024, avec Gaël Nicolas comme auteur correspondant.

Processus de recherche

Étapes de recherche et sujets

  1. Sélection des patients et séquençage d’exome :
    • L’équipe a mené un recrutement national multicentrique de patients en France et réalisé un séquençage d’exome. Les patients sélectionnés devaient présenter une calcification cérébrale supérieure au seuil lié à l’âge, avec des taux sanguins normaux de parathormone, phosphore et calcium.
  2. Réannotation des données et sélection des variants :
    • Les données d’exome de 113 patients PFBC sans variants pathogènes connus ont été réannotées à l’aide d’outils 5UTR et UTR, identifiant deux variants dans la région 5’UTR du gène PDGFB.
  3. Validation fonctionnelle des variants :
    • Un système rapporteur GFP a été utilisé pour évaluer l’impact des variants sur l’expression protéique. Les deux variants ont significativement réduit les niveaux d’expression de la protéine GFP.
  4. Analyse de coségrégation clinique :
    • La coségrégation génétique de ces variants dans les familles PFBC a été vérifiée par séquençage Sanger.

Échantillons et méthodes expérimentales

  • Échantillons : 113 patients PFBC sans variants pathogènes connus.
  • Couverture de séquençage : Utilisation des kits de capture Agilent v5, v5+UTR et v6+UTR, assurant une couverture élevée des régions 5’UTR de tous les gènes d’intérêt.
  • Système rapporteur :
    • Des cellules HEK293 ont été transfectées avec des plasmides GFP contenant différents variants 5’UTR de PDGFB pour les expériences in vitro.
    • Les niveaux d’expression de GFP ont été analysés par Western Blot et PCR quantitative.

Résultats principaux

Découverte de deux variants pathogènes

  • Variant c.-373C>G : Ce variant a montré une coségrégation familiale et est prédit pour former un cadre de lecture ouvert en amont (uORF) fonctionnel, inhibant la traduction normale de PDGFB.
  • Variant c.-318C>T : Découvert dans un cas simple, ce variant est prédit pour créer un cadre de lecture ouvert chevauchant (oORF) décalé, affectant également significativement l’expression protéique.

Résultats de validation expérimentale

  • Résultats Western Blot et qPCR : Les variants c.-373C>G et c.-318C>T ont tous deux significativement réduit les niveaux protéiques dans le système GFP.
    • Le Western Blot a montré que le variant c.-318C>T produisait une protéine GFP plus grande que prévu, indiquant une utilisation efficace du nouveau codon AUG d’initiation.

Conclusion et signification

Cette étude démontre que les variants introduisant un AUG en amont dans la région 5’UTR du gène PDGFB constituent un mécanisme pathogène potentiel pour la PFBC, en inhibant la traduction ou en produisant des protéines non fonctionnelles via l’introduction d’uORF fonctionnels et d’oORF décalés. Cela ouvre de nouvelles pistes diagnostiques pour les patients PFBC inexpliqués et souligne l’importance de réannoter et de détecter les variants dans les régions non codantes.

Points forts de l’étude

  1. Hypothèse innovante : Proposition d’un nouveau mécanisme de PFBC impliquant l’introduction de codons AUG par des variants 5’UTR.
  2. Validation expérimentale : Confirmation de l’impact fonctionnel des variants via un système rapporteur GFP, démontrant leur pathogénicité.
  3. Valeur clinique : Nouvelle orientation pour le dépistage génétique des cas PFBC inexpliqués, alertant les cliniciens sur l’importance des variants non codants.

Autres informations importantes

L’article souligne également l’importance de réannoter les données de séquençage d’exome existantes pour la recherche de variants avant de procéder à un séquençage du génome entier. Bien que les variants codants rares puissent avoir une pathogénicité significative, les variants non codants inhabituels peuvent également jouer un rôle important. Des études futures avec des échantillons plus larges sont nécessaires pour confirmer d’autres variants pathogènes potentiels dans les régions non codantes d’autres gènes PFBC.