L'analyse multiomique identifie les prédicteurs de survie chez les patients afro-américains atteints de leucémie myéloïde aiguë

Profilage multiomique : Identification de prédicteurs de survie chez les patients afro-américains atteints de leucémie aiguë myéloïde

Contexte et Objectifs

La leucémie aiguë myéloïde (LAM) est une maladie maligne caractérisée par une expansion clonale des cellules progénitrices myéloïdes, due à des altérations génomiques. Cependant, les études génomiques sur des populations diverses, notamment les patients d’origine africaine, restent limitées. Les patients afro-américains représentent seulement 2 % des études génomiques sur la LAM, alors qu’ils constituent 9 % des cas. Cette sous-représentation entrave non seulement la médecine de précision, mais risque également d’accentuer les disparités dans les soins.

Des études antérieures ont montré que les patients afro-américains atteints de LAM présentent des taux de survie inférieurs à ceux des patients caucasiens. Cette disparité pourrait être liée au racisme structurel, à des facteurs socio-économiques et à des différences génomiques. Toutefois, les systèmes actuels de stratification des risques, basés sur les données des populations européennes, pourraient ne pas refléter adéquatement les caractéristiques génétiques spécifiques des patients afro-américains. Cette étude vise à explorer les caractéristiques génomiques et transcriptomiques des patients afro-américains atteints de LAM et à identifier les facteurs prédictifs de survie, afin d’améliorer les systèmes de stratification des risques.

Origine et Contribution

L’étude, dirigée par le Centre de Cancérologie Comprehensive de l’Université d’État de l’Ohio, a été réalisée en collaboration avec des institutions des États-Unis, du Nigeria et d’Afrique du Sud. Les résultats ont été publiés en novembre 2024 dans Nature Genetics sous le titre “Multiomic profiling identifies predictors of survival in African American patients with acute myeloid leukemia”.

Méthodologie

  1. Collecte et analyse des échantillons :

    • Séquençage des exomes (WES) et transcriptomes (RNA-seq) de 100 patients afro-américains confirmés par génotype, comparés à 323 patients caucasiens.
    • Analyse des caractéristiques cliniques et des résultats thérapeutiques.
  2. Analyse technique :

    • Profils génomiques approfondis à partir des échantillons tumoraux et normaux.
    • Utilisation de scores inflammatoires (Iscore) dérivés des données RNA-seq.
  3. Approche comparative :

    • Comparaison des fréquences de mutations et des signatures transcriptomiques entre les patients afro-américains et caucasiens.
  4. Résultats cliniques :

    • Évaluation des réponses au traitement et des taux de survie en fonction des mutations identifiées.

Résultats Principaux

  1. Découvertes génomiques :

    • Parmi 162 gènes mutés de manière récurrente chez les patients afro-américains, 73 % n’ont été détectés que rarement ou pas du tout chez les patients caucasiens.
    • Découverte d’une mutation inédite dans le gène PHIP, présente chez 7 % des patients afro-américains et seulement 0,3 % des patients caucasiens.
  2. Différences transcriptomiques :

    • Les patients afro-américains avec une mutation NPM1 présentent des scores inflammatoires significativement plus élevés que leurs homologues caucasiens (69 % contre 45 %).
  3. Impact clinique des mutations :

    • Les mutations NPM1 et NRAS sont associées à des survies sans maladie (DFS) plus courtes chez les patients afro-américains.
    • Les mutations IDH1 et IDH2 réduisent la survie globale (OS) des patients afro-américains, sans effet similaire chez les patients caucasiens.
  4. Optimisation de la stratification des risques :

    • L’intégration de NPM1, NRAS, IDH1 et IDH2 comme marqueurs de risque défavorables a permis d’améliorer la classification des risques pour les patients afro-américains.
    • 34 % des patients afro-américains ont été reclassifiés dans le groupe à haut risque, ce qui peut guider vers des traitements plus intensifs.

Implications et Recommandations

  1. Pour la pratique clinique :

    • Adapter les systèmes de stratification pour inclure des marqueurs spécifiques à l’ascendance des patients.
    • Proposer des traitements ciblés, y compris la transplantation de cellules souches hématopoïétiques pour les patients reclassifiés à haut risque.
  2. Pour la recherche :

    • Explorer davantage les différences biologiques sous-jacentes, en particulier dans les profils transcriptomiques des mutations NPM1.
  3. Pour l’équité en santé :

    • S’attaquer aux biais structurels et aux disparités raciales dans la recherche clinique, en promouvant une participation équitable des patients issus de minorités.

Perspectives Futures

Cette étude constitue une avancée majeure dans la recherche sur la LAM pour les patients afro-américains. Les travaux futurs devraient inclure : - Des essais cliniques prospectifs pour valider les nouveaux systèmes de stratification. - Une exploration approfondie des impacts fonctionnels des mutations identifiées dans des modèles expérimentaux. - Une collaboration internationale pour élargir les cohortes génétiques diversifiées.

En conclusion, cette étude souligne l’importance d’intégrer des données génétiques adaptées aux populations sous-représentées afin d’améliorer les soins et les résultats cliniques.