Dépistage rapide et évolutif des ASO personnalisés dans les organoïdes dérivés de patients

Plateforme de criblage personnalisé d’oligonucléotides antisens (ASO) basée sur des organoïdes dérivés de patients

Contexte académique

Ces dernières années, avec le développement rapide des technologies de séquençage génomique, de plus en plus de maladies génétiques rares ont été associées à des mutations génétiques spécifiques. Les oligonucléotides antisens (Antisense Oligonucleotides, ASO), en tant qu’outils thérapeutiques capables de cibler des séquences d’ARN spécifiques, ont montré un potentiel dans le traitement de plusieurs maladies génétiques. Les ASO agissent en se liant à l’ARNm cible, régulant ainsi le traitement de l’ARN ou influençant l’expression des protéines, ce qui permet de corriger les phénotypes pathologiques causés par des mutations génétiques. Cependant, malgré les résultats significatifs obtenus en laboratoire et en clinique, la conception personnalisée et l’évaluation préclinique des ASO restent confrontées à des défis majeurs en termes de temps et de coûts. En particulier pour les patients atteints de maladies rares, le développement d’ASO ciblant leurs mutations génétiques spécifiques nécessite des systèmes modèles efficaces pour valider leur efficacité.

Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont développé une plateforme de criblage rapide et évolutive d’ASO basée sur des organoïdes dérivés de patients. Cette plateforme utilise des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) dérivées de patients pour générer des modèles d’organoïdes et évaluer les ASO en phase préclinique. Cette méthode permet non seulement de générer rapidement des modèles de maladie spécifiques aux patients, mais aussi de valider l’efficacité des ASO en un temps record, offrant ainsi de nouvelles possibilités pour le traitement personnalisé des maladies rares.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par John C. Means, Anabel L. Martinez-Bengochea, Daniel A. Louiselle et d’autres chercheurs, issus du centre de médecine génomique et de l’institut de recherche pour enfants de Children’s Mercy Kansas City, ainsi que de l’University of Missouri-Kansas City School of Medicine et de l’University of Kansas Medical Center. L’article a été accepté le 27 novembre 2024 et publié dans la revue Nature.

Processus et résultats de la recherche

1. Génération rapide d’iPSC dérivées de patients

L’équipe de recherche a d’abord développé une plateforme efficace pour la génération d’iPSC. Ils ont utilisé des cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) des patients comme matériel de départ, et grâce à une méthode de reprogrammation optimisée, ont généré des iPSC en seulement 3 semaines. Cette méthode combine plusieurs facteurs de reprogrammation (tels que l’inhibiteur de GSK CHIR99021, l’inhibiteur de MEK PD0325901, etc.) et utilise une étape de centrifugation pour favoriser l’adhésion des cellules sur de la matrice de Matrigel. L’équipe a réussi à générer près de 300 lignées d’iPSC dérivées de patients, avec un taux de réussite supérieur à 93 %. Ces iPSC ont conservé une pluripotence stable et une intégrité génomique après plusieurs passages.

2. Génération et validation des modèles d’organoïdes

Les chercheurs ont différencié les iPSC dérivées de patients en modèles d’organoïdes tridimensionnels, incluant des organoïdes cardiaques et cérébraux. Ces modèles d’organoïdes ont permis de reproduire les phénotypes pathologiques associés aux maladies, comme l’absence d’expression de la dystrophine dans les organoïdes cardiaques de patients atteints de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). Grâce au séquençage génomique et à l’ARN-seq, l’équipe a confirmé la présence des mutations génétiques dans ces modèles d’organoïdes et a validé leur corrélation avec les phénotypes pathologiques des patients.

3. Conception et délivrance des ASO

L’équipe a conçu plusieurs ASO ciblant différentes régions de l’ARN, y compris le site d’initiation de la traduction, les sites donneurs et accepteurs d’épissage. Ils ont délivré ces ASO dans les organoïdes cardiaques et ont évalué leur efficacité par immunofluorescence, Western blot et ARN-seq. Les résultats ont montré que les ASO pouvaient efficacement inhiber l’expression des gènes cibles ou réguler le processus d’épissage de l’ARN. Par exemple, les ASO ciblant la troponine T cardiaque (TNNT2) ont significativement réduit l’expression de cette protéine et ont entraîné une perte de fonction contractile des organoïdes cardiaques.

4. Évaluation de l’efficacité des ASO existants

L’équipe a également évalué l’efficacité des ASO approuvés par la FDA dans les organoïdes dérivés de patients. Ils ont sélectionné des patients atteints de DMD présentant une délétion des exons 46-53. En concevant des ASO correspondant au saut d’exon 45, les chercheurs ont réussi à restaurer l’expression de la dystrophine et à améliorer la fonction contractile des organoïdes cardiaques. Ces résultats montrent que les modèles d’organoïdes dérivés de patients peuvent être utilisés pour évaluer l’efficacité des ASO existants.

5. Développement et validation d’ASO personnalisés

Pour deux patients atteints de DMD porteurs de mutations profondes dans les introns, l’équipe a conçu deux ASO personnalisés. Ces ASO ciblaient les sites de mutation et ont permis de restaurer le processus normal d’épissage de l’ARN, ainsi que l’expression de la dystrophine. Grâce à l’imagerie calcique, les chercheurs ont observé que les organoïdes cardiaques traités avec les ASO retrouvaient un rythme de contraction normal. Ces résultats démontrent l’efficacité significative des ASO personnalisés dans les modèles d’organoïdes dérivés de patients.

Conclusion et signification

Cette étude a développé une plateforme de criblage rapide et évolutive d’ASO, utilisant des modèles d’organoïdes dérivés de patients pour l’évaluation préclinique d’ASO personnalisés. Cette plateforme permet non seulement d’accélérer le processus de développement des ASO, mais offre également de nouveaux outils pour le traitement personnalisé des maladies rares. Grâce à cette plateforme, les chercheurs peuvent générer rapidement des modèles de maladie spécifiques aux patients et valider l’efficacité des ASO, fournissant ainsi des options de traitement plus précises pour les patients atteints de maladies rares.

Points forts de la recherche

  1. Plateforme efficace de génération d’iPSC dérivées de patients : L’équipe a développé une méthode permettant de générer des iPSC en seulement 3 semaines, réduisant considérablement le temps nécessaire à l’établissement de modèles de maladie.
  2. Application large des modèles d’organoïdes : Les modèles d’organoïdes dérivés de patients permettent de reproduire les phénotypes pathologiques et de valider l’efficacité des ASO.
  3. Développement d’ASO personnalisés : L’équipe a réussi à concevoir des ASO ciblant des mutations génétiques spécifiques et a validé leur efficacité dans des modèles d’organoïdes.
  4. Évaluation préclinique rapide : Cette plateforme permet d’effectuer une évaluation préclinique des ASO en un temps record, ouvrant de nouvelles perspectives pour le traitement des maladies rares.

Autres informations utiles

L’équipe a également démontré le potentiel de cette plateforme dans d’autres modèles de maladie, tels que les organoïdes cérébraux et les modèles de muscle squelettique. Ces résultats montrent que les modèles d’organoïdes dérivés de patients peuvent non seulement être utilisés pour l’évaluation des ASO, mais aussi pour d’autres approches de développement de médicaments et de criblage à haut débit. De plus, l’équipe a fourni des méthodes expérimentales détaillées et des processus d’analyse de données, offrant ainsi des références utiles pour d’autres chercheurs.

Cette étude fournit de nouveaux outils et méthodes pour le traitement personnalisé des maladies rares, avec une valeur scientifique et appliquée significative.