Modélisation stochastique de l'adaptation de l'expression génique à cellule unique révèle la contribution non génomique à l'évolution des sous-clones tumoraux
L’évolution adaptative de l’expression génique monocellulaire révèle la contribution non génomique à l’évolution des sous-clones tumoraux
Contexte académique
Le cancer est une maladie complexe dont la progression est entraînée par l’évolution des cellules, qui sont sélectionnées pour leur adaptation à un avantage de croissance. Traditionnellement, les études sur l’évolution du cancer se concentrent principalement sur les mutations génétiques, considérées comme le principal facteur de l’évolution tumorale. Cependant, de plus en plus de preuves suggèrent que des facteurs non génétiques, tels que les modifications épigénétiques et les variations de l’expression génique, jouent également un rôle important dans l’évolution du cancer. Les changements adaptatifs de l’expression génique peuvent directement influencer les fonctions cellulaires, et leur compréhension peut aider à déchiffrer les pressions sélectives dans l’évolution tumorale et à concevoir des traitements plus efficaces. Cependant, en raison des limitations technologiques, en particulier des études basées sur le séquençage en masse qui peinent à distinguer les variations d’expression au niveau cellulaire de celles liées à la composition des populations cellulaires, le séquençage de l’ARN monocellulaire (single-cell RNA sequencing, scRNA-seq) offre de nouvelles opportunités pour étudier l’évolution de l’expression génique.
L’équipe de recherche de cette étude a construit un modèle stochastique pour analyser l’évolution adaptative de l’expression génique dans les sous-clones d’un mélanome murin, révélant sa relation avec les phénotypes tumoraux, en particulier la réponse à l’immunothérapie. En combinant les données d’expression génique monocellulaire et l’arbre évolutif basé sur les mutations, les chercheurs ont identifié des modèles d’expression génique adaptative associés à différents phénotypes, en particulier les variations d’expression liées à la voie de signalisation Wnt, offrant ainsi une nouvelle perspective sur l’évolution des sous-clones tumoraux.
Source de l’article
Cet article a été coécrit par M.G. Hirsch, Soumitra Pal, Farid Rashidi Mehrabadi et d’autres chercheurs, issus de plusieurs institutions de renom, notamment la National Library of Medicine (NLM) et le National Cancer Institute (NCI) des National Institutes of Health (NIH) aux États-Unis. L’article a été publié le 15 janvier 2025 dans la revue Cell Systems, sous le titre «Modélisation stochastique de l’adaptation de l’expression génique monocellulaire révèle la contribution non génomique à l’évolution des sous-clones tumoraux», avec le DOI 10.1016/j.cels.2024.11.013.
Processus et résultats de l’étude
Processus de recherche
Génération des données et isolement des sous-clones
Les chercheurs ont d’abord isolé 24 cellules uniques à partir d’une lignée de mélanome hautement hétérogène (B2905), puis les ont cultivées pour les développer en sous-clones indépendants. Ces sous-clones représentaient des sous-populations issues d’une origine commune de cellules de mélanome. Ensuite, ces sous-clones ont été soumis à un séquençage complet de l’exome (whole-exome sequencing, WES) et à un séquençage de l’ARN monocellulaire (scRNA-seq) pour obtenir des données d’expression génique et des informations sur les mutations. Sur la base des données de mutations, les chercheurs ont construit un arbre évolutif pour l’analyse ultérieure de l’évolution de l’expression génique.Analyse des caractéristiques phénotypiques
Chaque sous-clone a été implanté dans des souris génétiquement identiques, et leur cinétique de croissance in vivo ainsi que leur réponse à l’immunothérapie (traitement anti-CTLA4) ont été enregistrées. En fonction du taux de croissance et de la réponse à l’immunothérapie, les chercheurs ont divisé les sous-clones en trois groupes : hautement agressifs et résistants (HA-R), secondairement agressifs et sensibles (SA-S) et mixtes agressifs et sensibles (MA-S).Construction du modèle stochastique et analyse de l’expression génique adaptative
Les chercheurs ont utilisé un processus d’Ornstein-Uhlenbeck (OU) (un modèle stochastique) pour simuler l’évolution de l’expression génique. Ce modèle suppose que les variations de l’expression génique peuvent résulter d’une évolution neutre, d’une évolution contrainte ou d’une évolution adaptative. Grâce au logiciel Evogenex, les chercheurs ont analysé les données d’expression génique de chaque groupe de sous-clones pour identifier les gènes ayant une expression adaptative dans des groupes de sous-clones spécifiques.Analyse fonctionnelle et validation
Les gènes identifiés avec une expression adaptative ont été soumis à une analyse d’enrichissement des voies KEGG pour déterminer les fonctions biologiques dans lesquelles ils sont impliqués. De plus, les chercheurs ont validé le rôle de ces gènes dans la réponse au traitement en implantant des cellules de mélanome parentales chez des souris et en les soumettant à un traitement d’immunothérapie.
Principaux résultats
Évolution adaptative de l’expression génique
L’équipe de recherche a identifié respectivement 812, 1277 et 616 gènes ayant une expression adaptative dans les groupes de sous-clones HA-R, SA-S et MA-S. Les modèles d’expression de ces gènes étaient étroitement liés aux phénotypes des sous-clones. Par exemple, les gènes des sous-clones HA-R étaient principalement associés à l’invasion cellulaire et à la voie de signalisation Wnt non canonique, tandis que les gènes des sous-clones SA-S étaient liés à la prolifération cellulaire et à la voie de signalisation Wnt canonique.Enrichissement fonctionnel
Les gènes sous-exprimés dans les sous-clones HA-R et les gènes surexprimés dans les sous-clones SA-S étaient enrichis dans les voies liées aux ribosomes, associées à la croissance cellulaire. Les gènes sous-exprimés dans les sous-clones SA-S étaient enrichis dans les voies de signalisation Rap1 et d’invasion bactérienne des cellules épithéliales, ces voies étant associées à la migration cellulaire.Expériences de validation
En analysant les tumeurs issues du traitement d’immunothérapie des cellules de mélanome parentales, les chercheurs ont constaté un chevauchement significatif entre les gènes dont l’expression a changé et les gènes ayant une expression adaptative, validant ainsi la fiabilité des résultats.
Conclusion et signification
Les résultats de l’étude montrent que l’évolution adaptative de l’expression génique joue un rôle important dans la différenciation phénotypique des sous-clones de mélanome murin. En combinant les données de séquençage de l’ARN monocellulaire et l’arbre évolutif basé sur les mutations, les chercheurs ont pu identifier des modèles d’expression génique associés aux phénotypes des sous-clones, en particulier le rôle des différentes branches de la voie de signalisation Wnt dans la prolifération et l’invasion tumorales. Cette découverte offre non seulement une nouvelle perspective pour comprendre les mécanismes non génétiques de l’évolution tumorale, mais fournit également des cibles potentielles pour concevoir des traitements personnalisés adaptés à des phénotypes spécifiques.
De plus, le modèle stochastique développé par l’équipe de recherche propose une nouvelle méthode pour analyser l’évolution de l’expression génique dans les données monocellulaires, surmontant les limites des analyses traditionnelles de l’expression différentielle, avec un large potentiel d’application.
Points forts de l’étude
- Méthode innovante : Cette étude est la première à appliquer le processus d’Ornstein-Uhlenbeck aux données monocellulaires sur le cancer, identifiant avec succès des modèles d’évolution adaptative de l’expression génique.
- Révélation de mécanismes non génétiques : La recherche met en lumière l’importance des facteurs non génétiques dans l’évolution tumorale, en particulier le rôle des variations de l’expression génique dans la différenciation phénotypique des sous-clones.
- Valeur d’application potentielle : En identifiant les modèles d’expression génique liés à la réponse à l’immunothérapie, l’étude ouvre de nouvelles perspectives pour les traitements personnalisés du cancer.
Autres informations utiles
L’équipe de recherche a également exploré le rôle de la régulation épigénétique dans l’évolution adaptative de l’expression génique, en particulier les variations d’expression des gènes des enzymes de modification des histones découvertes dans les sous-clones HA-R, offrant ainsi des pistes pour les recherches futures.