Suppression médiée par un oligonucléotide antisens de MSH3 réduit l'expansion répétitive somatique CAG dans les neurones striataux dérivés de cellules souches pluripotentes induites de la maladie de Huntington
Le potentiel thérapeutique de l’inhibition de MSH3 par ASO dans la maladie de Huntington
Contexte académique
La maladie de Huntington (Huntington’s Disease, HD) est une maladie neurodégénérative causée par l’expansion anormale de la répétition CAG dans le gène de la huntingtine (HTT). Cette répétition CAG s’étend davantage dans les cellules somatiques au fil du temps, favorisant l’apparition et la progression de la maladie. MSH3 est une protéine de réparation des mésappariements de l’ADN qui influence l’apparition et la progression de la HD en favorisant l’expansion somatique de la répétition CAG. Les variations de perte de fonction de MSH3 sont relativement tolérées chez l’humain, ce qui en fait une cible thérapeutique potentielle. Cependant, les mécanismes précis de l’inhibition de MSH3 dans la HD et son efficacité thérapeutique ne sont pas encore clairement compris. Cette étude vise à explorer si l’inhibition de l’expression de MSH3 par des oligonucléotides antisens (ASO) peut efficacement ralentir l’expansion de la répétition CAG dans les neurones striataux dérivés de cellules souches pluripotentes induites (iPSC) de patients atteints de HD, et à évaluer sa sécurité.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Emma L. Bunting et al., avec des contributions de plusieurs institutions, dont l’University College London (UCL), l’Université de Cambridge, l’Université de Glasgow et le Broad Institute aux États-Unis. L’article a été publié le 12 février 2025 dans la revue Science Translational Medicine, sous le titre “Antisense oligonucleotide–mediated MSH3 suppression reduces somatic CAG repeat expansion in Huntington’s disease iPSC–derived striatal neurons”.
Processus et résultats de la recherche
1. Conception et objectifs de l’étude
L’objectif principal de l’étude était d’évaluer si l’inhibition de MSH3 par ASO peut efficacement ralentir l’expansion de la répétition CAG dans les neurones striataux dérivés d’iPSC de patients atteints de HD, et d’explorer son potentiel thérapeutique. L’étude a été divisée en étapes suivantes :
- Culture de neurones striataux dérivés d’iPSC : Différenciation d’iPSC de patients HD portant 125 répétitions CAG en neurones striataux et culture.
- Conception et sélection d’ASO : Conception et sélection d’ASO ciblant l’ARNm de MSH3, en choisissant l’ASO le plus efficace pour les expériences suivantes.
- Évaluation de l’inhibition de MSH3 : Évaluation de l’effet de l’inhibition de MSH3 par ASO à différentes doses, et mesure de son impact sur l’expansion de la répétition CAG.
- Analyse transcriptomique : Évaluation de l’impact de l’inhibition de MSH3 sur le transcriptome des neurones par séquençage ARN (RNA-seq).
- Validation sur modèle animal : Création d’un modèle de souris knock-in exprimant le gène humain MSH3, pour valider l’efficacité thérapeutique de l’ASO in vivo.
2. Étapes expérimentales et résultats
(1) Culture de neurones striataux dérivés d’iPSC
Les chercheurs ont différencié des iPSC de patients HD en neurones striataux et ont validé l’efficacité de la différenciation par immunofluorescence. Les résultats ont montré qu’environ 86 % des cellules différenciées étaient des neurones (MAP2+), 67 % des neurones striataux (FOXP1+), et 30 % des neurones épineux moyens (DARPP32+), confirmant la fiabilité du modèle.
(2) Conception et sélection d’ASO
Les chercheurs ont conçu environ 230 ASO ciblant l’ARNm de MSH3 et en ont sélectionné 6 parmi les plus efficaces par PCR quantitative (qRT-PCR). L’ASO nommé MSH3 ASO-1, qui a montré la plus forte inhibition de MSH3 dans les cellules A-431, a été choisi pour les expériences suivantes.
(3) Évaluation de l’inhibition de MSH3
Dans les neurones striataux dérivés d’iPSC, les chercheurs ont mené des expériences de dosage dépendant de l’ASO. Les résultats ont montré que MSH3 ASO-1 inhibait de manière dose-dépendante l’expression de MSH3, avec une réduction de plus de 95 % à la dose la plus élevée (3 μM). De plus, le traitement par ASO a significativement ralenti l’expansion de la répétition CAG, l’empêchant presque complètement à la dose maximale. Des expériences d’inactivation de MSH3 par CRISPR-Cas9 ont également confirmé ces résultats, avec une contraction de la répétition CAG observée dans les neurones dépourvus de MSH3.
(4) Analyse transcriptomique
L’analyse RNA-seq a révélé que le traitement par MSH3 ASO-1 réduisait significativement l’expression de MSH3 dans les neurones, sans perturbation des voies de réparation de l’ADN. Bien que le traitement par ASO ait affecté l’expression de certains gènes, ces changements n’impliquaient pas de voies clés, indiquant que l’inhibition de MSH3 était relativement sûre dans les neurones.
(5) Validation sur modèle animal
Les chercheurs ont créé un modèle de souris knock-in exprimant le gène humain MSH3 et ont administré MSH3 ASO-1 par injection intracérébroventriculaire (ICV). Les résultats ont montré que le traitement par ASO réduisait significativement l’expression de MSH3 dans le cerveau et la moelle épinière des souris, avec des effets similaires observés dans plusieurs régions cérébrales. Les expériences animales ont démontré que le traitement par ASO était bien toléré, sans effets secondaires toxiques évidents.
3. Conclusions et signification
Cette étude est la première à évaluer systématiquement l’impact de l’inhibition de MSH3 par ASO sur l’expansion de la répétition CAG dans les neurones striataux dérivés d’iPSC humains, et à démontrer son potentiel thérapeutique dans la HD. Les résultats montrent que l’inhibition de MSH3 peut efficacement ralentir, voire empêcher, l’expansion de la répétition CAG, avec un impact minimal sur le transcriptome des neurones. De plus, la validation sur modèle murin a confirmé la faisabilité et la sécurité de l’ASO in vivo. Ces découvertes fournissent une base expérimentale solide pour le développement de stratégies thérapeutiques ciblant MSH3 dans la HD.
4. Points forts de l’étude
- Stratégie thérapeutique innovante : L’inhibition de MSH3 par ASO offre une nouvelle approche pour le traitement de la HD.
- Validation expérimentale complète : L’étude a validé les effets de l’inhibition de MSH3 à la fois in vitro et in vivo, en combinant des modèles cellulaires et animaux.
- Potentiel de traduction clinique : Les résultats posent les bases scientifiques pour de futurs essais cliniques dans la HD.
- Collaboration multidisciplinaire : L’équipe de recherche a combiné des expertises en génétique, biologie moléculaire et neurosciences pour approfondir l’étude.
5. Autres informations pertinentes
Le modèle de souris knock-in humain MSH3 développé dans cette étude fournit un outil expérimental précieux pour le développement de traitements ciblant MSH3. De plus, l’étude a montré que l’inhibition de MSH3 reste efficace dans les neurones dépourvus de FAN1 (un gène associé à l’âge d’apparition de la HD), suggérant que cette stratégie pourrait être applicable aux patients HD présentant des variants génétiques à haut risque.
Conclusion
À travers des validations expérimentales multiniveaux, cette étude a systématiquement évalué le potentiel thérapeutique de l’inhibition de MSH3 par ASO dans la HD, fournissant des bases scientifiques solides pour son application clinique. Les recherches futures exploreront davantage l’efficacité de cette stratégie chez les patients et optimiseront la conception des ASO pour améliorer leur efficacité et leur sécurité.