Les niveaux de PTDP-43 corrèlent avec des altérations moléculaires spécifiques au type cellulaire dans le cortex préfrontal des patients atteints de C9orf72 ALS/FTD

Corrélation entre les niveaux de PTDP-43 et les altérations moléculaires spécifiques aux types cellulaires dans le cortex préfrontal des patients atteints de C9orf72 ALS/FTD

Introduction

La sclérose latérale amyotrophique (Amyotrophic Lateral Sclerosis, ALS) et la démence frontotemporale (Frontotemporal Dementia, FTD) sont deux maladies neurodégénératives progressives caractérisées par la perte de populations neuronales spécifiques dans le système nerveux central (SNC). Bien que ces deux maladies diffèrent sur le plan symptomatique, elles partagent des caractéristiques génétiques et neuropathologiques communes, notamment la mutation d’expansion hexanucléotidique G4C2 dans le gène C9orf72, qui est considérée comme la cause génétique la plus fréquente de l’ALS et de la FTD.

L’ALS se manifeste principalement par la dégénérescence des motoneurones, entraînant une faiblesse musculaire et un échec respiratoire, tandis que la FTD se caractérise par la dégénérescence du cortex frontal et temporal, provoquant une détérioration cognitive progressive. Dans ces deux maladies, la phosphorylation, la mauvaise localisation et l’agrégation de la protéine TAR DNA-binding 43 (TDP-43) sont des marqueurs neuropathologiques emblématiques. Le TDP-43 est une protéine nucléaire largement exprimée impliquée dans le métabolisme de l’ARN, y compris l’épissage alternatif et la stabilité des ARNm. Des études ont montré que la charge pathologique de TDP-43 est corrélée au degré de dégénérescence des populations cellulaires affectées chez les patients atteints d’ALS et de FTD.

Cependant, en raison des difficultés à obtenir des échantillons de tissus cérébraux vivants, l’étude des changements cérébraux chez les patients atteints de maladies neurodégénératives au cours de la progression de la maladie reste un défi. Par conséquent, cette étude vise à révéler les changements moléculaires dans différents types de cellules au cours de la progression de la maladie en analysant les données multiomiques unicellulaires du cortex préfrontal des patients atteints de C9orf72 ALS/FTD, en mettant particulièrement l’accent sur les modifications spécifiques aux types cellulaires corrélées aux niveaux de PTDP-43.

Source de l’article

Cette recherche a été réalisée par une équipe scientifique provenant de plusieurs institutions, notamment l’Emory University School of Medicine, le Mayo Clinic et l’University of Florida. Les principaux auteurs incluent Hsiao-Lin V. Wang, Jian-Feng Xiang, Victor G. Corces et Zachary T. McEachin. L’article a été publié le 25 février 2025 dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), sous le titre “PTDP-43 levels correlate with cell type–specific molecular alterations in the prefrontal cortex of C9orf72 ALS/FTD patients”.

Méthodologie

1. Acquisition et regroupement des échantillons

L’étude utilise des échantillons de tissus cérébraux post-mortem provenant de patients atteints de C9orf72 ALS/FTD et de sujets sains contrôles, en analysant principalement les cellules du cortex préfrontal (zone de Brodmann 9). Les échantillons ont été divisés en deux groupes : 19 patients atteints de C9orf72 ALS/FTD et 7 témoins sains appariés pour l’âge et le sexe. Tous les patients atteints de C9orf72 ALS/FTD avaient un diagnostic clinique d’ALS et/ou de FTD avec différents degrés de déficience cognitive.

Pour étudier l’impact des niveaux de PTDP-43 sur la progression de la maladie, les chercheurs ont classé les patients atteints de C9orf72 ALS/FTD en trois groupes selon les niveaux de PTDP-43 : PTDPneg (niveaux de PTDP-43 inférieurs à 100), PTDPmed (niveaux de PTDP-43 entre 100 et 2000) et PTDPhigh (niveaux de PTDP-43 supérieurs à 2000).

2. Analyse multiomique unicellulaire

Les chercheurs ont utilisé la technologie 10x Genomics Chromium Single Cell Multiome pour analyser simultanément le transcriptome (snRNA-seq) et l’épigénome (snATAC-seq) des noyaux unicellulaires du cortex préfrontal. En analysant les échantillons provenant des banques de cerveaux Emory et Mayo, les chercheurs ont obtenu respectivement 34 874 et 53 331 jeux de données multiomiques unicellulaires.

L’analyse des données a été réalisée à l’aide des logiciels ArchR et Seurat, avec contrôle qualité, réduction dimensionnelle et correction des effets de lot. Grâce à l’UMAP (Uniform Manifold Approximation and Projection) et au clustering non supervisé, les chercheurs ont identifié 31 clusters cellulaires dans les échantillons Emory et 20 clusters dans les échantillons Mayo. Ces clusters ont ensuite été subdivisés en types cellulaires corticaux majeurs, y compris les neurones excitateurs, les neurones inhibiteurs, les astrocytes, les microglies, les oligodendrocytes, les cellules progénitrices d’oligodendrocytes et les cellules endothéliales.

3. Analyse de l’expression différentielle des gènes et de l’accessibilité chromatinienne

Les chercheurs ont effectué une analyse des gènes différentiellement exprimés (DEGs) et des régions différentiellement accessibles (DARs) pour chaque type cellulaire. Les résultats montrent que les cellules non neuronales (en particulier les oligodendrocytes) dans le groupe PTDPhigh présentent un grand nombre de DARs, indiquant qu’à un stade avancé de la maladie, les changements dans les sites de liaison des facteurs de transcription pourraient être un signe de dysfonctionnement cellulaire.

De plus, les chercheurs ont découvert un grand nombre de gènes différentiellement exprimés dans les cellules non neuronales du groupe PTDPhigh, ces gènes étant principalement impliqués dans la transmission synaptique, la myélinisation et le codage des protéines de tubuline. En analysant la corrélation entre l’accessibilité chromatinienne et l’expression des gènes, les chercheurs ont identifié des gènes clés liés à la progression de la maladie, tels que CCK, SUN2 et SOX10.

4. Trouble de la maturation des oligodendrocytes

L’étude a révélé que dans le groupe PTDPhigh, il y avait une grande quantité d’oligodendrocytes immatures en phase de prémyélinisation, qui ne sont généralement présents que temporairement dans le cerveau adulte. Cela suggère qu’à un stade avancé de la maladie, le processus de maturation des oligodendrocytes est perturbé, probablement en raison de l’accumulation cytoplasmique de PTDP-43 ou de la perte de TDP-43 nucléaire.

5. Changements dans les microglies et les astrocytes

L’étude a également montré que les microglies perdent leur fonction de surveillance neuronale dès les premiers stades de la maladie, et que cette perte s’aggrave à un stade ultérieur. De plus, les astrocytes montrent une augmentation de l’expression des gènes NEAT1 et RPS6KA2 à un stade avancé de la maladie, ces gènes étant liés à la rétention d’ARN et à la phosphorylation des protéines nucléaires, ce qui pourrait participer au processus pathologique tardif.

Conclusions de l’étude

À travers une analyse multiomique unicellulaire, cette étude a révélé les changements moléculaires dans différents types de cellules du cortex préfrontal des patients atteints de C9orf72 ALS/FTD au cours de la progression de la maladie. L’étude a montré que l’accumulation de PTDP-43 est corrélée à des changements généralisés dans l’accessibilité chromatinienne et l’expression des gènes dans les cellules non neuronales (en particulier les oligodendrocytes). De plus, le trouble de la maturation des oligodendrocytes, la perte de la fonction de surveillance neuronale des microglies et l’activation anormale des astrocytes sont des caractéristiques importantes de la progression de la maladie.

Ces découvertes approfondissent notre compréhension des mécanismes pathologiques de la C9orf72 ALS/FTD et fournissent des cibles potentielles et des moments opportuns pour des interventions thérapeutiques futures.

Points forts de l’étude

  1. Analyse multiomique unicellulaire : Cette étude combine pour la première fois une analyse du transcriptome et de l’épigénome unicellulaire, révélant ainsi de manière exhaustive les changements moléculaires dans différents types de cellules du cortex préfrontal des patients atteints de C9orf72 ALS/FTD.
  2. Étude classifiée selon les niveaux de PTDP-43 : En regroupant les patients en fonction des niveaux de PTDP-43, les chercheurs ont pu étudier systématiquement les changements cellulaires et moléculaires à différents stades de la maladie.
  3. Trouble de la maturation des oligodendrocytes : L’étude a révélé que l’accumulation de PTDP-43 entraîne un trouble de la maturation des oligodendrocytes, ce qui pourrait être une cause importante de la dégénérescence neuronale à un stade avancé de la maladie.
  4. Activation anormale des microglies et des astrocytes : L’étude met en lumière les différentes réponses des microglies et des astrocytes aux stades précoces et avancés de la maladie, offrant de nouvelles perspectives sur le rôle de la neuro-inflammation dans les maladies neurodégénératives.

Signification de l’étude

Cette recherche fournit non seulement de nouvelles informations sur les mécanismes pathologiques de la C9orf72 ALS/FTD, mais offre également des cibles potentielles pour des stratégies thérapeutiques futures. En révélant les changements moléculaires dans différents types de cellules au cours de la progression de la maladie, les chercheurs posent les bases pour le développement de traitements ciblant des types cellulaires spécifiques. De plus, cette étude illustre le potentiel puissant des technologies multiomiques unicellulaires dans la recherche sur les maladies neurodégénératives, ouvrant ainsi de nouvelles voies pour les recherches futures.