Identification des facteurs de risque comportementaux et physiologiques pour les tentatives de suicide dans la Biobanque britannique

Contexte de l’étude :

Le suicide est un défi de santé publique mondial, mais la relation entre les facteurs comportementaux, physiologiques et les tentatives de suicide (TS) reste entourée d’une grande incertitude. Les recherches précédentes se concentraient souvent sur des facteurs hypothétiques limités tels que les maladies mentales (comme la dépression), les traits de personnalité et les caractéristiques psychologiques (comme le désespoir), ainsi que les facteurs sociaux et familiaux (comme le faible soutien social et le stress de vie). Cette perspective étroite peut conduire à l’ignorance d’autres facteurs de risque. Pour combler ces lacunes, notre équipe de recherche a mené une analyse systématique à grande échelle et une analyse de randomisation Mendélienne afin de déterminer les facteurs de risque comportementaux et physiologiques associés aux TS dans la base de données de la Biobanque du Royaume-Uni.

Origine de l’étude :

Ce travail a été rédigé par : Bei Zhang, Jia You, Edmund T. Rolls, Xiang Wang, Jujiao Kang, Yuzhu Li, Ruohan Zhang, Wei Zhang, Huifu Wang, Shitong Xiang, Chun Shen, Yuchao Jiang, Chao Xie, Jintai Yu, Wei Cheng et Jianfeng Feng. Les institutions incluent notamment l’Université Fudan et l’Université d’Oxford. L’article a été publié dans “Nature Human Behaviour”.

Déroulement de l’étude :

Grâce aux données de 334 706 participants à la Biobanque du Royaume-Uni, cette étude a estimé des scores de risque polygénique (PRS) associés aux TS et réalisé une analyse de l’association génomique phénotypique (PheWAS) couvrant 2 291 facteurs. Ensuite, une analyse cas-témoins incluant 3 558 cas de TS et 149 976 contrôles a été réalisée pour valider les facteurs de risque comportementaux et physiologiques. Une analyse par randomisation Mendélienne a été menée afin d’évaluer la relation causale potentielle de ces facteurs sur les TS. Enfin, un modèle de classification par apprentissage automatique basé sur les facteurs comportementaux a été construit pour distinguer les individus ayant un historique de TS.

Détails de l’étude :

a) Processus de travail de l’étude

  1. Estimation des scores de risque polygénique (PRS) :

    • Source des données : 334 706 participants à la Biobanque du Royaume-Uni.
    • Méthode d’analyse : utilisation des PRS pour représenter le risque de TS, analyse de 2 291 facteurs répartis sur des phénotypes comportementaux et physiologiques.
  2. Analyse de l’association génomique phénotypique (PheWAS) :

    • Facteurs pris en compte : 2 291 divisés en 12 catégories.
    • Caractéristiques de l’échantillon : 53,59% de femmes, âge moyen de 56,91 ans.
    • Résultats statistiques : 246 (63,07%) phénotypes comportementaux et 200 (10,41%) phénotypes physiologiques ont montré une association significative avec les PRS de TS.
  3. Analyse cas-témoins :

    • Participants : 3 558 cas de TS et 149 976 contrôles.
    • Résultats : 83% des facteurs comportementaux et 37% des facteurs physiologiques ont montré une association significative.
  4. Analyse de randomisation Mendélienne :

    • Vérification par analyse MR à deux échantillons, évaluation de la relation causale potentielle des facteurs.
    • Résultats : 57 facteurs comportementaux et un biomarqueur ont montré une relation causale après correction de Bonferroni.
  5. Modèle de classification par apprentissage automatique :

    • Le modèle basé sur les facteurs comportementaux a obtenu un AUC de 0,909±0,006, montrant une haute précision de discrimination.

b) Principaux résultats de l’étude

  1. Résultats de l’analyse PheWAS :

    • 246 phénotypes comportementaux incluant 11 facteurs sociodémographiques, 43 facteurs liés au mode de vie, 11 facteurs d’historique de la vie et de la famille, 36 mesures corporelles, 16 fonctions cognitives et 129 facteurs de santé mentale (avec plusieurs associations catégorielles) ont montré une association significative avec les PRS de TS.
  2. Association des phénotypes physiologiques :

    • Incluent 20 phénotypes neuro-imagerie (comme le volume de matière grise et la microstructure de la matière blanche), 76 biomarqueurs sanguins et métaboliques (incluant le compte de globules blancs, les indicateurs biochimiques sanguins et les métabolites par résonance magnétique nucléaire), et 104 protéines.
  3. Facteurs de risque confirmés par l’analyse cas-témoins :

    • 277 phénotypes comportementaux et 51 phénotypes physiologiques ont montré une association significative, parmi lesquels les facteurs de santé mentale ont été les plus significatifs chez les phénotypes comportementaux.

c) Conclusions de l’étude

  1. Identification des relations causales :

    • 57 facteurs comportementaux et un biomarqueur ont été confirmés comme étant causaux après correction de Bonferroni.
  2. Importance des modèles d’apprentissage automatique :

    • Le modèle basé sur les facteurs comportementaux a montré une haute précision de discrimination, en particulier les variables de santé mentale et de mode de vie.
  3. Importance de la santé mentale :

    • Les symptômes dépressifs et les scores de névrosisme sont particulièrement importants pour prédire le risque de TS.

Points forts de l’étude :

  1. Méthode d’analyse complète :

    • Combine l’analyse PheWAS à grande échelle avec la méthode de randomisation Mendélienne à deux échantillons.
  2. Identification des facteurs de risque multidimensionnels :

    • Comprend non seulement les facteurs comportementaux mais aussi les phénotypes neuro-imagerie, les biomarqueurs sanguins et les protéines.
  3. Application de modèles d’apprentissage automatique :

    • Démonstration de l’efficacité des modèles basés sur les facteurs comportementaux pour évaluer le risque de TS.
  4. Contribution significative de la santé mentale :

    • Souligne le rôle central des facteurs de santé mentale dans le risque de TS.

Valeur scientifique et applicative de l’étude :

  1. Stratégies de prévention et d’intervention :

    • Les résultats fournissent des bases importantes pour des stratégies de prévention et d’intervention ciblées, aidant à identifier précocement les individus à haut risque.
  2. Élaboration de politiques et santé publique :

    • Apporte un soutien de données pour les décideurs en santé publique afin de réduire l’incidence des comportements suicidaires.

Analyse selon le sexe :

L’étude a également trouvé que 203 facteurs comportementaux et 87 facteurs physiologiques étaient significativement associés chez les femmes, tandis que 199 facteurs comportementaux et 73 facteurs physiologiques l’étaient chez les hommes.

Limites de l’étude :

  1. Caractéristiques de l’échantillon :

    • Principalement des individus d’origine européenne et d’âge moyen à âgé, ce qui peut limiter l’applicabilité des résultats.
  2. Biais des volontaires sains :

    • Les volontaires sont probablement en meilleure santé, ce qui pourrait limiter la généralisation des résultats.

Directions futures de recherche :

  1. Analyse des données longitudinales :

    • Des études longitudinales sur une période plus longue sont nécessaires pour capturer les changements dynamiques avant et après les comportements suicidaires.
  2. Études sur différentes races et régions :

    • Extension de l’échantillon à des individus de diverses origines raciales et culturelles pour améliorer la généralisation des résultats.

À travers cette analyse, l’étude a systématiquement et largement révélé les mécanismes d’influence des facteurs comportementaux et physiologiques sur les tentatives de suicide, fournissant des données et des bases scientifiques précieuses pour les mesures de prévention et d’intervention futures.