La perte d'hétérozygotie à l'échelle du génome prédit un comportement agressif et réfractaire au traitement dans les tumeurs neuroendocrines hypophysaires

Prévision de l’agressivité et de la résistance au traitement des tumeurs neuroendocrines hypophysaires par la perte d’hétérozygotie génomique

Contexte:

Les tumeurs neuroendocrines hypophysaires (PitNETs) sont majoritairement bénignes, mais une petite fraction de ces tumeurs présente un comportement agressif et résistant aux traitements. Ces tumeurs continuent souvent de croître ou de métastaser même après une chirurgie, un traitement médicamenteux conventionnel et une radiothérapie initiale. Selon les directives de pratique clinique de la Société Européenne d’Endocrinologie (European Society of Endocrinology, ESE) de 2022, les PitNETs agressives sont définies comme des tumeurs qui se développent en dépit des traitements standard (chirurgie, traitement médicamenteux conventionnel et radiothérapie). Suite à l’annulation par l’OMS en 2017 des critères de classification basés sur la surexpression de l’immunohistochimie (IHC) de TP53 pour évaluer l’agressivité des tumeurs, cette étude vise à identifier des biomarqueurs capables de prédire plus précisément la résistance future aux traitements des tumeurs neuroendocrines hypophysaires.

Équipe de recherche et informations de publication:

Cette étude a été réalisée par Andrew L. Lin, Vasilisa A. Rudneva, Allison L. Richards et al., en collaboration avec des institutions de recherche prestigieuses telles que le Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC), l’Université de Boston et le Centre Médical de l’Université de Columbia. L’article a été publié dans la revue “Acta Neuropathologica” en avril 2024 après révision.

Processus de recherche:

L’étude a inclus le séquençage génomique de deux groupes de patients : un groupe de 66 patients volontaires avant la chirurgie et un groupe de 26 patients présentant des caractéristiques agressives et à haut risque. L’étude s’est particulièrement concentrée sur la charge mutationnelle et la perte d’hétérozygotie (Loss of Heterozygosity, LOH), avec diverses expériences incluant l’immunohistochimie (IHC), le séquençage complet du génome (WES) et la technique d’hybridation in situ en fluorescence (FISH).

  1. Collecte et traitement des échantillons

    • Groupe prospectif : Extraction d’échantillons de tumeurs de 66 patients suivie d’un séquençage.
    • Groupe rétrospectif : Analyse de 26 patients diagnostiqués avec des caractéristiques agressives ou à haut risque, en notant particulièrement la progression tumorale après radiothérapie.
  2. Analyse immunohistochimique

    • Utilisation de plusieurs anticorps (comme P53, Ki-67, etc.) pour examiner la classification des tissus tumoraux et leur état de réparation des mésappariements.
  3. Séquençage génomique et analyse des données

    • Séquençage de nouvelle génération des tumeurs avec la plateforme MSK-IMPACT, pour analyser les mutations génétiques, la perte d’hétérozygotie et les variations du nombre de copies.
    • Traitement et analyse des données avec divers algorithmes (comme Mutect2, FACETS, etc.) pour identifier les mutations et les réarrangements structurels.
  4. Hybridation in situ en fluorescence

    • Utilisation de la technique FISH pour vérifier les nombres de copies de plusieurs chromosomes tumoraux et leur hétérogénéité.
  5. Modèle d’apprentissage automatique

    • Utilisation d’un classificateur basé sur un algorithme de forêt aléatoire (Random Forest) pour prédire l’agressivité et la résistance au traitement des tumeurs.
    • Le modèle combine plusieurs caractéristiques génétiques et données cliniques (comme la perte d’hétérozygotie, l’état de TP53, etc.) et évalue la précision du modèle via la courbe ROC (Receiver Operating Characteristic).

Principaux résultats de l’étude:

  1. Phénomène de mutation génétique

    • Les PitNETs agressives et résistantes aux traitements montrent une charge mutationnelle et une perte d’hétérozygotie accrues. En particulier, les mutations de TP53 sont les plus fréquentes dans les tumeurs agressives (12 sur 23 tumeurs résistantes au traitement).
  2. Perte d’hétérozygotie (LOH) et sa signification

    • Les PitNETs agressives présentent de manière significative une perte d’hétérozygotie étendue sur plusieurs chromosomes. Notamment dans les corticotrophinomes, des modèles répétés de LOH sur 12 chromosomes spécifiques sont associés à la résistance au traitement.
    • Validation de ces événements de LOH par la technique FISH qui attribue ces pertes à la disparition de chromosomes ou de régions chromosomiques spécifiques, indiquant une aneuploïdie des PitNETs agressives.
  3. Prédiction par le modèle d’apprentissage automatique

    • Le modèle de forêt aléatoire, en combinant les caractéristiques génétiques et cliniques, a réussi à prédire la résistance future au traitement des tumeurs (AUC entre 0.83 et 0.87), avec la perte d’hétérozygotie étant plus prédictive que les mutations de TP53.

Conclusion et importance de l’étude:

L’étude démontre que la perte d’hétérozygotie (LOH) est une caractéristique moléculaire principale des PitNETs agressives et résistantes aux traitements, notamment dans les corticotrophinomes, avec une valeur prédictive élevée. La découverte de ce phénomène de LOH offre non seulement une nouvelle perspective sur les mécanismes moléculaires des tumeurs neuroendocrines hypophysaires, mais contribue également à améliorer les stratégies de diagnostic précoce et de traitement personnalisé.

La méthode d’analyse génomique combinée aux algorithmes d’apprentissage automatique fournit un modèle prédictif innovant et efficace pour ces tumeurs, tout en suggérant l’utilisation future de ces biomarqueurs moléculaires pour une intervention précoce et des traitements de précision. L’exploitation de l’instabilité génomique et des voies de signalisation anormales qu’elle induit pourrait devenir une cible future dans le traitement des PitNETs agressives.

Points forts de l’étude:

  1. La perte d’hétérozygotie (LOH) comme biomarqueur prédictif de l’agressivité et de la résistance au traitement.
  2. Découverte d’une LOH chromosomique étendue et caractéristique dans les corticotrophinomes.
  3. Utilisation des modèles d’apprentissage automatique pour améliorer la précision prédictive et fournir des références pour le traitement clinique.