Une Population Stromale de Type Mésothéliale-Spécifique au Grand Épiploon Humain Inhibe l'Adipogenèse Par la Sécrétion d'IGFBP2

Un groupe de fibroblastes spécifiques de l’omentum humain supprime l’adipogenèse en sécrétant de l’IGFBP2

Contexte et objectifs de la recherche

Dans un contexte de prévalence croissante de l’obésité et des maladies métaboliques, la plasticité et l’hétérogénéité des tissus adipeux sont devenues des sujets de recherche majeurs. Différentes régions du tissu adipeux possèdent des caractéristiques métaboliques distinctes. Par exemple, le tissu adipeux sous-cutané (SC) est considéré comme métaboliquement sain, tandis que le tissu adipeux viscéral (y compris l’omentum, OM) est perçu comme métaboliquement malsain. Bien que des études aient déjà révélé l’hétérogénéité des cellules composant les fractions vasculaires stromales (SVF) dans les tissus adipeux chez la souris et chez l’homme, la compréhension de la variabilité cellulaire et fonctionnelle des cellules souches adipeuses (ASC) et des cellules précurseurs adipeuses (ASPC) dans des régions spécifiques de stockage des graisses reste limitée.

Pour combler cette lacune, l’équipe de Radiana Ferrero de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, a mené une analyse par séquençage d’ARN à cellule unique et en vrac sur plus de 30 échantillons, décrivant en détail l’hétérogénéité et les caractéristiques fonctionnelles des populations de cellules stromales issues de quatre régions distinctes de stockage des graisses humaines. Ils ont particulièrement découvert un groupe de fibroblastes spécifiques de l’omentum exprimant fortement IGFBP2 et leur mécanisme de suppression de l’adipogenèse.

Auteurs de l’article et source de publication

Cet article a été rédigé par Radiana Ferrero, Pernille Yde Rainer, Marie Rumpler et d’autres chercheurs affiliés à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, à l’Institut Suisse de Bioinformatique, à l’Hôpital Universitaire de Lausanne et à la Concept Clinic de Genève. Il a été publié dans “Cell Metabolism” le 2 juillet 2024, et édité par Elsevier. L’auteur correspondant de l’étude est Bart Deplancke (bart.deplancke@epfl.ch).

Détails des étapes de la recherche originale

Processus expérimental et objets d’étude

  1. Collecte des échantillons et traitement préliminaire

    • Les cellules SVF ont été isolées de l’adipose sous-cutanée (SC) de 20 donneurs, de l’adipose périrénale (PR) de 8 donneurs, de l’omentum (OM) de 19 donneurs, et de l’adipose mésentérique (MC) de 4 donneurs, générant plus de 30 échantillons pour une analyse de séquençage d’ARN en vrac et à cellule unique.
    • Ces échantillons ont été soumis à une induction adipogénique, suivie de la coloration des gouttelettes lipidiques et d’une quantification aux jours 0 et 14, pour évaluer la capacité d’adipogenèse des différentes régions de stockage des graisses.
  2. Séquençage de l’ARN à cellule unique (scRNA-seq) et analyse des données

    • Le séquençage de l’ARN à cellule unique a été réalisé sur les échantillons de SC de 3 donneurs, d’OM de 3 donneurs, de MC de 2 donneurs et de PR de 3 donneurs, avec une analyse portant sur 34 126 cellules.
    • Les données de chaque échantillon ont été analysées indépendamment pour révéler l’hétérogénéité cellulaire au sein de chaque région de stockage des graisses, ainsi qu’entre elles. Après plusieurs étapes de validation et d’intégration des données, au moins deux sous-groupes principaux d’HASPC ont été identifiés : les HASCS et les HPREAS.
  3. Analyse de l’expression génique et développement de stratégies de tri

    • Une stratégie a été développée pour trier différents sous-groupes d’HASPC (y compris les cellules CD26 positives, les cellules doublement négatives et les cellules VAP1 positives) basée sur des marqueurs d’expression génique.
    • Des tests de prolifération et de capacité d’adipogenèse ont été réalisés sur les sous-groupes triés, montrant que les cellules CD26 positives ont une forte capacité de prolifération mais un faible potentiel d’adipogenèse, tandis que les cellules VAP1 positives montrent le contraire.

Résultats des données

  1. Capacité d’adipogenèse des régions de stockage des graisses

    • Les cellules SVF des tissus adipeux OM et MC ne forment presque pas de gouttelettes lipidiques après induction adipogénique, tandis que celles des tissus adipeux SC et PR en forment de manière significative, reflétant des différences dans la capacité d’adipogenèse entre les régions de stockage des graisses.
    • Les cellules SVF des différentes régions de stockage des graisses montrent des profils d’expression génique distincts, par exemple, les profils observés dans les échantillons OM sont associés à des réponses inflammatoires.
  2. Description des sous-groupes cellulaires

    • Au moins deux sous-groupes principaux d’HASPC ont été identifiés dans toutes les régions de stockage des graisses analysées : les HASCS et les HPREAS. Chaque sous-groupe présente des caractéristiques d’expression génique et fonctionnelles spécifiques.
    • Un groupe de fibroblastes spécifiques de l’OM exprimant fortement IGFBP2 a été identifié, montrant une capacité à supprimer l’adipogenèse à la fois in vitro et in vivo.

Conclusion, signification et points forts de la recherche

Cette étude fournit de nouvelles perspectives sur l’hétérogénéité du tissu adipeux humain, révélant des caractéristiques d’expression génique et fonctionnelles spécifiques des sous-groupes cellulaires dans différentes régions de stockage des graisses. Les points forts principaux sont les suivants :

  1. Groupe cellulaire anti-adipogénique spécifique à l’OM

    • Identification et validation fonctionnelle d’un groupe de fibroblastes spécifiques à l’OM exprimant fortement IGFBP2, capable de supprimer l’adipogenèse des cellules souches adipeuses et des cellules précurseurs adipeuses par la sécrétion d’IGFBP2.
    • IGFBP2 joue un rôle clé dans l’inhibition de l’adipogenèse via la voie de signalisation du récepteur d’intégrine lors de la différenciation des cellules adipeuses.
  2. Perception de l’hétérogénéité cellulaire et diversité fonctionnelle

    • Les différences d’expression génique entre les groupes cellulaires spécifiques des régions de stockage des graisses reflètent leurs fonctions distinctes dans des conditions physiologiques et pathologiques.
    • Le séquençage d’ARN à cellule unique a révélé l’existence d’au moins deux sous-groupes d’HASPC et leurs caractéristiques d’expression génique distinctes, confirmant davantage l’hétérogénéité cellulaire du tissu adipeux.
  3. Applications cliniques potentielles

    • L’identification et la validation fonctionnelle des groupes cellulaires spécifiques à l’OM offrent des indices cruciaux pour comprendre le rôle du tissu adipeux viscéral dans les maladies métaboliques, et pourraient servir de nouvelles cibles pour le développement de stratégies thérapeutiques.

Conclusion

Grâce à une analyse de séquençage d’ARN à cellule unique et en vrac de quatre régions de stockage des graisses humaines, cet article révèle les capacités d’adipogenèse et l’hétérogénéité cellulaire spécifiques à chaque région, identifiant notamment un groupe de fibroblastes spécifiques à l’OM exprimant fortement IGFBP2 et leur mécanisme anti-adipogénique. Ces découvertes fournissent non seulement de nouvelles perspectives sur la fonction et la régulation métabolique des tissus adipeux, mais jettent également les bases pour de futures recherches cliniques et le développement de stratégies thérapeutiques associées.